Les différents points de vue

Bonjour à tous !

J'ouvre aujourd'hui un nouveau cours qui portera sur les focalisations dans le récit. Un petit cours en perspective car c'est très vite balayé tout ça . Mais avant de partir dans nos délires de point de vue externe, interne et omniscient, il serait bon de rappeler ce qu'est un point de vue.
Pour raconter une histoire, il est bon de choisir un point de vue, afin que le lecteur rentre d'une certaine manière avec les évènements. Le romancier décide de comment le lecteur percevra les éléments rapportés et à partir de qui. Et pour aller un peu plus loin, le terme focalisation est issu du vocabulaire de nos amis les photographes : c'est le foyer à partir duquel une photo est prise. On choisit donc ce que le lecteur comprendra ou non.
Ce petit cours sera découpé en trois parties très très (si si ) étonnantes :


Le point de vue externe

C'est le point de vue où l'auteur s'efface. Il me semble que c'est le point de vue le plus compliqué à manier parce qu'il faut vraiment être neutre et ne laisser aucun sentiment transparaître vis à vis de l'un des personnages (pas de préférence particulière à signifier). Le compte rendu des actions est donc vraiment impartial vu du « dehors » comme si vous étiez au-dessus d'une pièce et que vous décriviez simplement les mouvements des personnages. On ignore donc totalement ce qu'ils pensent ou ce qu'ils ressentent. Vous devez vous restreindre seulement à ce qui est visible ! Point de vue assez usité par Zola.
Un petit exemple à ma manière :

Gertrude préparait la soupe, la cheminée crépitait et les casseroles bouillaient d'un liquide rougeâtre. Un homme, enlaidit par la fatigue, se profilait dans l'embrasure de la porte, un couteau à la main. Sa poitrine se redressait et s'abaissait au gré de sa respiration. Il s'avança d'un pas lent, traînant des pieds. Gertrude avait le dos tourné. L'homme leva son couteau aiguisé et enfonça la lame dans le gigot encore fûmant.

Ah vous y avez cru bande de psychopathes ! Vous pouvez constater ici que toutes les actions sont décrites simplement d'un point de vue externe (tant mieux vous me direz, c'est la partie dédiée pour ). On ne perçoit pas du tout les pensées de l'homme (excitation de planter son couteau? Emmerdé de faire cette besogne?) ni le sentiment de la femme vis à vis de sa soupe. Bref, on ignore tout et on ne fait que constater les évènements.

Le point de vue interne

Alors là c'est presque tout l'inverse ! Mais j'ai bien dit presque (l'inverse total c'est l'omniscient). Tous les évènements sont perçus à travers un seul personnage. On assiste donc à ses sensations, à ses pensées et à ses inquiétudes. Ce point de vue est caractérisé par la présence de verbe de perception (ressentir, entendre, brûler etc...). On le distingue aussi grâce à un vocabulaire des sentiments (amour, peine, angoisse etc...). Par conséquent, si j'ai dit presque tout à l'heure, c'est parce qu'on reste tout de même dans l'ignorance de ce que le personnage ne sait pas (si son conjoint le trompe, le lecteur ne le saura pas non plus ) (ah j'aime mes exemples moi ). Cela veut dire aussi que si le personnage se pose des questions existentielles, sur sa propre vie, le lecteur n'aura pas les réponses tant que le personnage ne les aura pas acquises lui-même. Ce point de vue subjectif (l'auteur marque une réelle préférence pour son personnage) privilégie l'attachement du lecteur à ce personnage afin qu'il s'y identifie tout à fait et qu'il ressente les mêmes émotions. Un auteur qui aime ce point de vue pas très commun, serait Kafka dans Le Procès.
Le même exemple réécrit:

Gertrude préparait sa soupe. Une délicieuse odeur de potage caressait ses narines et le crépitement régulier de la cheminée apaisait ses oreilles, lui procurant un agréable sentiment de sommeil étouffé. Tandis qu'elle tournait le liquide rougeâtre dans la gamelle, elle imagina le sourire de René, son mari, lorsqu'il dégusterait son dîner. Gertrude n'était pas bien riche et elle tentait de rendre les maigrelets repas plus attrayant. Elle entendit soudain un léger bruissement dans son dos. Une bûche dans la cheminée qui venait de tomber, sans aucun doute. Elle se serait contenté de cette conclusion si, tout à coup, René n'avait pas planté un couteau dans le gigot, à quelques centimètres d'elle.

Ouais, bon, j'essaie de faire avec ce que j'ai . On peut déjà voir que le point de vue interne permet une meilleure analyse du personnage (Gertrude en l'occurrence). Et ça fait plus griffonner la plume aussi . et vous constatez ici qu'on ne sait rien de l'homme, mis à part à la fin. On n'a rien vu de ce qu'il a fait avant, contrairement au point de vue externe. Mais maintenant, nous allons passer au troisième et dernier point de vue, le power .

Le point de vue omniscient

Que l'on appelle aussi "focalisation zéro". Pourquoi? Parce qu'il est difficile de prendre une photo avec un foyer situé partout. Comme si sur l'image photographiée vous vouliez aussi voir le photographe .
Avec ce point de vue, c'est simple, le narrateur sait tout donc le lecteur aussi. Oui, pour les psychopathes de base, c'est avec ce point de vue que vous pouvez violer l'intimité des personnages et ce, tous en même temps . On connaît le passé, le présent, les émotions, les sensations et les pensées de l'ensemble des personnages. Je dirais que c'est la focalisation de la majorité d'entre vous (car c'est aussi le plus simple à manier). L'auteur a un pouvoir dominateur, beaucoup plus présent, au sein de l'histoire. Il nécessite cependant une imagination bien développée car toutes les histoires personnelles de chaque personnage doivent concorder. Mais c'est très facile, encore une fois, à manier. C'est le point de vue préféré de Hugo, de Jules Verne et de Balzac.
Le même exemple, encore une fois, réécrit:

Gertrude préparait sa soupe fumante. La cheminée ronronnait dans son dos, lui procurant un délicieux plaisir de sommeil réveillé. L'odeur de la soupe transcendait toute la pièce et même René, son mari qui arrivait dans l'embrasure de la porte, sentit son ventre grogner d'excitation. Il était exténué par sa dure journée de labeur dans les mines et un repas bien mérité satisferait son estomac vide. Il sortit de sa poche un couteau, aiguisé, hérité de son grand père mort dans un coup de grisou. Il approcha lentement le gigot au côté de sa femme, impatient d'y planter ses dents et de le dévorer. Gertrude entendit un léger bruissement dans son dos. Sûrement une bûche de la cheminée qui était tombée. Cette conclusion lui aurait convenue, si, tout à coup, elle n'avait pas sursauté en apercevant son mari planter un couteau dans le gigot.

Vous remarquerez que l'effet "angoisse" s'estompe. Ce qui est tout à fait normal puisque vous connaissez les intentions de chaque personnage ! Mais vous pouvez tricher (si si je vous l'autorise ^^) en ne dévoilant pas tout de suite les intentions (oui, en montrant que le narrateur sait mais qu'il ne le dit pas tout de suite, histoire de conserver le suspens !). Ou tout simplement, en jouant sur les mots, les situations qui peuvent avoir plusieurs sens. Genre:

René approcha sa femme. Le couteau entre ses doigts frémissait d'impatience. Il était pressé, très pressé. Son acte exécuté, il serait enfin rassasié. Gertrude entendit un léger bruissement dans la cheminée... une bûche de la cheminée qui était tombée, sûrement. Mais elle n'entendait pas les pas traînant de son mari. Elle sursauta alors lorsqu'il planta la lame aiguisée dans le gigot.

J'ai zappé le côté de la soupe (pas très grande importance ^^). Enfin vous voyez le truc non? On sait que la narrateur sait, mais il nous bluffe.

Donc voilà, lorsque vous êtes dans votre récit, il faut tout de suite poser votre point de vue et surtout, ne pas mélanger les trois. Le plus simple, comme je vous l'ai dit, est bien évidemment le point de omniscient. Toutefois, le point de vue interne est parfois très intéressant dans les nouvelles. Et, personnellement, le point de vue externe ne m'attire pas des masses, puisque j'adore les analyses psychologiques (pas très compatible avec tout ça ^^).
J'espère que ce petit cours vous aura plu et que vous en redemanderez encore .

Impressionnant.... le découpage du cours

Et plus sérieusement, le premier exemple est génial ^^
Mais sinon, je connaissais déjà la fabuleuse histoire des trois points de vues \o/

Oui mais il est bon de le rappeler. Il y a beaucoup de people qui en mélange deux. Souvent qui passe du point de vue externe à omniscient. Genre ils relatent une scène sans connaître les sentiments des persos puis, dans une autre, où on connaît tout.
C'est incorrect. Il faut définir son point de vue, surtout quand il s'agit d'un roman de fantasy ou de SF.

Ah, là, je ne suis plus d'accord. Un texte peut contenir les trois points de vue, c'est tout à fait correct.

Si tu veux perdre ton lectorat, oui c'est correct.

Sinon, non, c'est incorrect .

Moi je cite mon cours de troisième, et je persiste, c'est correct.
Je cherche un exemple là. Mais tu peux avoir un roman entier en pdv omniscient, et un ou deux chapitres en point de vue interne, qui se concentrent sur un personnage bien particulier, j'ai déjà vu ça très souvent.

D’accord avec Kirlim! ^^ C’est une question de style et de savoir manier les évènements dans une histoire. On peut passer d’un point de vue omniscient à un point de vue interne par exemple, il faut faire en sorte bien entendu que le tout soit fluide, mais à part ça, je ne vois pas où est le problème. C'est même parfois plus intéressant de passer à un point de vue interne.

Bien sûr, si on jongle perpétuellement avec les trois styles, ça ne va pas, si c'est ce que tu entends par "définir son point de vue" Pacô ^^

A travers plusieurs chapitres, tu peux changer (mais pas trop non plus =/).
Mais à l'intérieur du chapitre, tu ne peux pas changer, non.

Et certes il y a beaucoup de romanciers qui transgressent les règles, Werber est un exemple vivant. C'est pas pour ça qu'il a raison.

Moi je continue de penser qu'on peut C'est mon prof de français qui le disait !
Et puis, il y a des règles dans l'écriture, mais les respecter c'est pas toujours la bonne chose à faire...

Comme le disait si bien Vermeille (même s'il s'agissait de poésie):
"Les règles ne sont pas là pour nous enfermer, mais je me sens toujours en sécurité quand elles nous encadrent et qu'elles nous indiquent le chemin à suivre."
(oui j'ai reformulé à ma façon roooh).

Je pense, personnellement, que pour pouvoir déroger à ces règles, il faut être avant tout un très grand maître des lettres. Tant que l'on est que novice, il me semble tout à fait normal de s'y plier.
Après tout, quand on apprend le métier d'architecte, on se base avant tout sur les modèles anciens, sur les façons de faire, et ce n'est qu'ensuite, avec beaucoup d'expériences, que l'on peut se permettre de bâtir des bâtiments d'un nouveau genre.

Et je crois aussi que beaucoup d'auteurs sont un peu trop sûrs d'eux et qu'il ferait bien de saisir ces règles à pleine poigne avant de sombrer dans le ridicule.

Personnellement, j'aime bien mélanger différents points de vue... L'omniscient, j'aime pas, puis mélangé c'est pas top. Dans un roman, ce que je trouve pas mal, c'est un point de vue interne qui change de personnage suivant les chapitres.
Harry Potter, toujours interne et toujours sur Harry... Je préfère L'Epée de Vérité, on change de personnages, avec interne sur chacun. On en apprend plus sur eux, et parfois ça arrange le suspens ou la perception des sentiments.

Ce que je fais, et oui, chef, c'est une grande erreur, c'est dans les nouvelles-le plus souvent- un point de vue externe pour présenter la scène. Après basculé sur un interne qui intercalle sur les 2 personnages principaux.

Okay, je suis compliquée xD J'aime pas le conformisme ! ^^

Sinon, chapeau pour les cours, ils me fait bien rire ! Je sais, c'est pas le but, mais au moins ça me le fait lire

Je sais bien qu'en règle générale, il vaut mieux s'y conformer, mais dans ce cas là, je ne sais pas. Et puis c'est plus une question de goût je pense. De plus, je suis convaincu qu'un mélange de points de vues peut toujours donner quelque chose de bien selon la manière dont on l'effectue.

Personnellement, j’utilise le point de vue omniscient dans tout mon manuscrit, sauf quelques passages où j’opte pour le point de vue de mon personnage, sur un petit paragraphe par exemple.
Je ne le fais pas souvent, c’est même rare, mais du moment que c’est « bien fait » il n’y a pas vraiment de problème. Je ne pense pas que définir son point de vue soit une règle justement, j’ai déjà vu des changements de points de vue au sein même d’un chapitre dans beaucoup de livres - et nouvelles (et non, je ne pense pas à Werber )

Kirlim a écrit:Je sais bien qu'en règle générale, il vaut mieux s'y conformer, mais dans ce cas là, je ne sais pas. Et puis c'est plus une question de goût je pense. De plus, je suis convaincu qu'un mélange de points de vues peut toujours donner quelque chose de bien selon la manière dont on l'effectue.

Comme le dit si bien CoCyClic, le mélange des points de vue au sein d'un chapitre, ça n'a qu'une vocation: embrouiller le lecteur. Alors à moins que ce soit le but recherché, il n'est pas recommandé.

Ensuite, Lalaith, un changement de point de vue dans une nouvelle? Là c'est encore pire, la nouvelle ne doit conserver qu'UN seul point de vue, et là, c'est obligatoire. Sinon, ce n'est plus une nouvelle, mais un mini-roman (c'est sa définition, comme si un clown n'avait plus de nez rouge).

Et enfin, je pense que vous confondez changement de point de vue, et zoom... Un point de vue omnicient, (il me semble l'avoir rpécisé dans le cours... ou pas XD) peut avoir un effet de zoom. C'est à dire (allez encore un exemple à la wall again !!):

Dans ce monde où l'homme se croit au centre du monde, il y avait certaines choses qui ne pouvaient toutefois être transgressées. Car la nature humaine se traçaient certaines limites.
[Point de vue général et on zoom]

Dans la capitale, le tintamarre des klaxons se mêlait à l'agitation humaine au point d'en créer un pêle-mêle de sons hétéroclites.
[On s'arrête sur la ville puis on zoom]

Toutefois, cette cacophonie ne troublait pas Chantal qui déambulait sur le macadam souillé d'huile moteur. Son accoutrement de débauchée - jupe rayée orange et verte, veste dépareillée et coiffure ébouriffée - attirait les regards de plusieurs passants.
[On présente le personnage et on rezoom]

Mais elle n'en avait rien à faire. Qu'ils la mattent sous toutes les coutures et qu'ils se bidonnent. Roger ne reviendrait pas pour autant. A cette heure-ci, il devait s'envoyer en l'air avec la Léonie, sa nouvelle pimbèche-maîtresse, comme elle aimait appeler toutes les nouvelles prétendantes de son culotté de mari. Mais cette fois, ce serait la dernière corne qu'il lui pousserait sur le front ! Appareil photo en main, Chantal poussa la porte du vestibule de l'hotel "A la bonne bourre".
[Et on est rentré dans le personnage]

Et pourtant, on peut avoir l'impression d'avoir environ trois points de vue différents (externe, omnicient puis interne).

Et de toute façon, du moment que l'on utilise le point de vue omnicient, le point de vue interne perd toute sa valeur. Si juste avant tu es rentré dans la tête de Monsieur X, et qu'ensuite tu vas celle de Madame Y, Madame Y ne sait pas ce que pense Monsieur X, mais le lecteur si.
Il s'agit donc d'un point de vue omniscient, et non interne .

Oo
J'ai jamais rien compris à cette histoire de points de vue et focalisations que je confonds systématiquement (en fait, j'ai un problème avec la grammaire en général, trop logique pour moi).
Je reste généralement centrée sur le héros, on a ses pensées en majorité. On a parfois les pensées des autres persos mais c'est rare.

(Ou alors, il faudrait que je fasse écrire un chapitre par chaque perso principal différent mais ce serait chaud d'inventer cinq modes de pensée et d'écriture différents...).

Et pourtant, c'est essentiel comme question !
Le point de vue, c'est se mettre du côté lecteur et c'est par ce biais que se fera si le lecteur accrochera ou non à l'histoire.

Certains écrits ont pourtant une histoire passionnante mais, à cause d'un mauvais point de vue, elles ne sont pas appréciées par tous !