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Les Thèmes et Symboles

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Les Thèmes et Symboles Empty Les Thèmes et Symboles

Message  MrSonge Sam 6 Mar 2010 - 21:00

Lorsqu'on décide d'écrire un roman, une nouvelle où toute autre œuvre littéraire, on ne décide pas seulement de raconter une histoire, on décide dans une certaine mesure de dire le monde, de créer un lieu où l'on pourra aborder, par le biais de la fiction et de nos personnages, les problèmes, les interrogations, les aspects de l'existence ou de la société qui nous tiennent à cœur. Cette sensibilité particulière à certains sujets peut d'ailleurs devenir une caractéristique fondamentale de l'auteur et contribuer de manière importante à l'identité propre du texte que l'on est entrain d'écrire.

Le Thème :

"Un thème, c'est une interrogation existentielle. Et de plus en plus, je me rends compte qu'une telle interrogation est, finalement, l'examen de mots particuliers, de mots-thèmes. Ce qui me conduit à insister : le roman est fondé tout d'abord sur quelques mots fondamentaux. [...] Le roman est bâti sur ces quelques catégories comme une maison sur des piliers."
(Kundera, L'art du roman)

Le terme "interrogation existentielle" peut rebuter. Évidemment, soyons clairs, nous ne sommes pas Kafka et nous n'avons donc pas tous envie d'écrire un roman sur LA culpabilité absolue dans sa forme la sociologico-absurde la plus extrême. Je vous parlerai donc ici de thème dans une mesure beaucoup plus large que "interrogation existentielle".

Comment le signaler :

Quand on débute son roman ou sa nouvelle, on a généralement en tête ses personnages et son action (à moins qu'on soit du genre à débuter sans savoir comment on va finir) mais également ce fameux thème, c'est-à-dire un sujet qui nous tient à cœur et sur lequel on a quelque chose à dire. Alors parfois, il est clairement signalé dès le début. Je prends pour exemple la nouvelle de Barbara, dont le titre est : Ingrat Labeur. Évidemment, Barbara ne nous donne pas toutes les précisions imaginables quand à son thème. C'est le titre, ce serait ridicule d'écrire cinq lignes pour préciser de quel labeur il s'agit, etc. Mais le fait est que le thème du labeur est déjà présent, on sait que son texte traitera d'un travail, sans doute d'un métier, ingrat de surcroît, qui risque donc de créer une certaine frustration.

Mais voyons tout d'abord les caractéristiques essentielles par lesquelles on peut signaler un thème dans son texte :
— La récurrence : la reprise du thème en différents endroits du texte permet à l'auteur de le développer et d'en marquer l'importance ;
— La présence d'un enjeu (existentiel, moral, social), susceptible de concerner le lecteur, de stimuler la réflexion et l'analyse (à différent niveau, hein, je ne prône pas la prise de tête non plus ! Wink)

Son rôle :

Le rôle d'un thème peut varier : les thèmes principaux sont ceux qui constituent, pour reprendre l'expression de Kundera, les piliers d'un texte et peuvent donc être intégrés à la liste des mots-clés qui le résument dans sa visée fondamentale (Pour reprendre l'exemple de Ingrat Labeur, ce serait sans doute : emplois, frustration, difficulté professionnelles, reconnaissance etc...). Les thèmes annexes, sur lesquels l'auteur insiste moins sont très peu présents dans les nouvelles : comme l'action, le thème est souvent unique. Si je prend l'exemple de Bel-Ami de Maupassant, je dirais que l'arrivisme du personnage principal constitue un thème majeur tandis que la condition de la femme y est en revanche un thème mineur.

Différentes manifestations du/des thèmes :

Le thème peut se manifester de manière plus ou moins explicite. Si vous choisissez la mention directe, vous serrez sans doute amenez à interrompre l'histoire pour insérer une digression (plus ou moins conséquente - cf. Hugo dans Les Misérables), au cours de laquelle vous désignerez clairement le thème comme tel.
Ceci peut se faire de plusieurs manière. Dès le départ, par exemple avec l'insertion d'une citation en début de texte, comme dans Conjonction K-D, de Nérouje :

"Il nous est difficile d’apprendre que nous renfermons des forces immenses. Nous disons « je veux », et « je ne veux pas » et nous nous imaginons être nos propres maîtres, alors qu’en vérité nos maîtres dorment. Soudain l’un d’entre eux s’éveille, et nous voilà chevauchés comme des bêtes de somme, quoique le cavalier ne sois jusqu’ici qu’une part inconnue de notre être."

Ici, nous sommes entre-deux. L'enoncé est explicite parce qu'il ne participe pas à l'action du roman, mais implicite parce que le thème n'est pas expressément nommé comme par exemple dans La Cousine Bette, de Balzac :

"L'amour et la haine sont des sentiments qui s'alimentent par eux-mêmes ; mais, des deux, la haine à la vie plus longue. L'amour a pour bornes des forces limitées, il tient ses pouvoirs de la vie et de la prodigalité ; la haine ressemble à la mort, à l'avarice, elle est en quelque sorte une abstraction active, au-dessus des êtres et des choses."

On peut également opter pour un compromis. Signaler un thème en le plaçant dans le texte proprement dit, mais, tout comme Nérouje, en ne le nommant pas comme tel. Par exemple dans la nouvelle Funambule d'A. N. O'Nyme :

"Peut-être partage-t-il ton monde en noir et blanc, peut-être que pour lui aussi jours et nuits ne sont qu'un dégradé de gris ? Mais lui ne peut en souffrir ; il ne connaît même pas l'existence du jaune, du bleu, du vert. Lui n'a pas l'impression d'être lésé. Et toi ?"

Dans ce texte où l'auteur s'adresse directement à son personnage, le thème est "le noir et le blanc" (et plus généralement les couleurs et l'absence de couleur), car l'héroïne ne voit aucune couleur. La chose n'est pas dite dans une digression, elle est simplement signalée au détours d'une réflexion du personnage. Je me permets ici de prendre un exemple tiré d'un de mes propres textes (Requiem de Venise) : un des thèmes fondamentaux en est le Mal. Au second chapitre on y trouve cette digression :

"Le Mal était décidément un terreau fertile pour l'imagination qui sait en apprécier les plus belles et les plus dangereuses fleurs. Quel plaisir que d'explorer ce jardin incertain, aux allées tortueuses mais aux ravissements sans limite ! [... ]Le Bien avait déjà été cartographié par ses théologiens, ses disciples et ses apôtres, tandis que la géographie du Mal, elle, restait inconnue, mystérieuse et par là même, ne pouvait qu'attirer la curiosité d'un esprit tel que celui du comte Vittorio Scarpiani, toujours prompt à entreprendre de nouvelles expériences. S'il avait eu quelque don artistique, il les aurait sans doute consacrés à la peinture grisante de la cruauté et de ses délices qui ont commencé avec l'Homme et qui se termineront sans doute avec lui. Puisqu'il n'en possédait aucun, et qu'il était tout à fait conscient de faire partie de ces hommes qui sont nés méchants, il s'était décidé très tôt à se lancer résolument dans la carrière du Mal. Comme d'autres dévouent leur existence à Dieu, il s'était fait le cardinal de Lucifer."

Si 'Nyme avait pris le parti d'écrire quelque chose comme : "Mais toi, c'est couleurs, tu ne les vois pas. Ces teintes flamboyantes ou maussades, ces coloris que vantent les amateurs de Delacroix, toutes ces variations lumineuses te sont aussi étrangères que les sons ne le sont à l'esprit d'un sourd de naissance", elle aurait pu se lancer dans une digression sur l'état de son personnage principal. Mais elle a choisi au contraire un compromis entre mention directe et indirecte. Ce genre d'option est souvent prise dans les récits courts.

Seconde possibilité : l'évocation indirecte. Elle constitue le procédé le plus fréquent parce qu'elle évite de rompre l'unité de la fiction et permet de développer le thème de manière imagée : ce sont alors les personnages, leurs actes, leurs discours, mais aussi les lieux, les objets ou les péripéties de l'intrigue qui traduisent la visée thématique. Tout élément de la fiction peut ainsi devenir un indice significatif et confirmer la présence d'un thème que le texte ne nomme pas explicitement. Dans l'extrait qui suit, l'ennui accablant ressenti par le personnage est montré à travers le récit d'une scène quotidienne, anodine en elle-même, mais où tous les détails descriptifs assurent la présence du thème sous-jacent :

"Mais c'était surtout aux heures des repas qu'elle n'en pouvait plus, dans cette petite salle au rez-de-chaussée, avec le poêle qui fumait, la porte qui criait, les murs qui suintaient, les pavés humides ; toute l'amertume de l'existence lui semblait servie sur son assiette, et, à la fumée du bouilli, il montait du fond de son âme comme d'autres bouffées d'affadissement."
(Flaubert, Madame Bovary)

En donnant ainsi aux repas vécus par Emma une dimension fortement symbolique, le texte nous fait comprendre en quelques lignes le désespoir du personnage et son insatisfaction profonde. Fumée, humidité, grincements de porte, le tout dans une salle confinée ; et, dans l'assiette, une viande sans saveur, cuite et recuite, en laquelle Emma voit l'image même de son malheur. Cette solution est la plus subtile que vous puissiez utiliser, mais la plus complexe également. Il ne vous faudra jamais rien laisser au hasard. Lorsque vous décidez d'introduire une scène à visée thématique, tâchez de trouver le plus d'éléments possible qui pourrait faire penser à votre thème et n'insérez rien d'autres ! Sinon l'effet se diluera dans une scène dans laquelle le lecteur ne parviendra plus à saisir ce qui est important et ce qui ne l'est pas. Avec cette méthode, vous avancez masqué, soyons donc minutieux et précis.

Traitement du Thème :

Le traitement d'un thème implique fréquemment la présence d'un champ lexical, c'est-à-dire d'une série de termes qui ont pour fonction commune de signaler le thème. Le champ lexical constitue donc un ensemble unitaire du point de vue de la signification, il est formé de tous les termes présents dans le texte qui renvoient au même thème. Donc, très important, lorsque vous voulez introduire une scène qui renvoie implicitement à un de vos thèmes, surveillez votre vocabulaire ! Chaque mot compte.
Dans l'exemple de Flaubert, des mots tel que petite, humides, amertume, appartiennent au champ lexical du malaise, qui nous restitue le sentiment intérieur d'Emma. Evidemment, il est inutile et absurde de faire une liste de termes avant d'écrire telle ou telle scène, mais il est conseillé d'avoir toujours à l'esprit son thème, lorsqu'on rédige une scène "stratégique" du point de vue de la sémantique de votre texte. Il est très facile de transfigurer des lieux, à l'aide de mots tout-à-fait banals.

Si le jeune Hector (merci Pacô) traverse une grave crise de dépression, alors une séance de brossage de dent pourrait devenir :

"Hector saisit sa brosse à dents d'un geste apathique. Il s'observa quelques instants dans le miroir ; de lourdes cernes soulignait ses paupières et des rides soucieuses barraient son front. Il secoua la tête d'un air résigné et ouvrit le robinet. Un flot d'eau tiède lui coula sur les doigts avec un bruit régulier qui allait se perdre en gargouillements timorés dans la tuyauterie de la salle de bain."
Apathique, cernes, rides soucieuses, résigné, tiède, bruit régulier, se perdre, timorés, sont autant de termes qui mettent le lecteur sur la piste.

Mais vous pouvez également la jouer encore plus finement ! Un même mot peut, d'un texte à l'autre, prendre une signification différente parce qu'associé à d'autres termes, c'est-à-dire intégré dans un autre champ lexical.

"Il faut toujours être ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous."
(Baudelaire)

Lorsque Baudelaire associe dans les même lignes les termes être ivre, vin, poésie, vertu le lecteurest amené à saisir que l'ivresse dont il est question n'est pas à prendre au seul sens physique, qu'elle revêt un sens symbolique plus vaste et plus profond.

Voilà ! Vous savez tout ce que je voulais signaler sur ce sujet.
Si quelques uns d'entre vous ont jugé que ce cours a pu leur apporter un petit quelque chose, alors je prendrai mon courage à deux mains et rédigerai la seconde partie qui traiterait des symboles. Very Happy
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Message  domingo Mer 30 Juin 2010 - 22:53

Moi je veux la suite Mister !

(Message à effacer lorsque la suite sera publiée)
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