Courtes réflexions sur Chostakovich
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Courtes réflexions sur Chostakovich
(à lire avec le Huitième Quatuor en fond sonore, of course )
Réflexions plutôt qu'Hommage ? Sans doute, oui, parce que je ne cire pas les pompes, je met en lumière. Ou du moins j'essaye. ^^
Courtes Réflexions sur Chostakovich
J'écoute le second mouvement du huitième quatuor. C'est à mon avis là-dedans qu'est le véritable génie de Chostakovich: dans ce mouvement-ci, qui inclut une citation de son trio opus 58, dans le mouvement suivant, une espèce de valse aigre-douce, amère, qui semble ricaner avec cynisme, dans le 3ème quatuor, dans le quintette... Bien plus que quand il veut se faire tragique, et qu'il tombe bien vite dans la boursouflure, l'ennui, les platitudes, la grandiloquence agaçante. Le vrai, le grand Chostakovich n'est pas dans l'édifice prétentieux et contraire à sa nature de la plupart de ses symphonies, de ses concertos, ou de ses opéras. C'est dans ses œuvres moins "officielles", moins colossales, qu'il atteint une dimension maximale. Que l'on écoute donc le fameux final de son trio, la puissance émanant d'une simple mélodie de pizzicati déroulée sur deux accords qu'égraine le piano, qui se mue ensuite en un cri aigre et criard lorsque le piano reprend le dessus, et que les deux instruments à cordes se lancent de grands accords en pizzicati à tout va. La neuvième, la moins prétentieuse, la moins officielle et, évidemment, la moins aimée, est sans doute la plus fascinante, avec ses mélodies vives, sa pétulance, ses coups de langues intempestifs des cuivres, ses retours, ses rebonds, ses sursauts, la plénitude du mouvement lent, son final festif, enjoué, enlevé, de la joie, enfin, de la vraie, de la pure. Le vieux dépressif se débride, il laisse sa plume courir sur la partition, il lui faut des mouvements vifs, pied de nez à la Légende des Neuvièmes Symphonies. Casse claire, trompettes, trombones, dans la joie et la bonne humeur. Vous ne pensiez quand même pas qu'il allait écrire une "banale" 9ème ? Après Beethoven, Bruckner, Mahler, Schubert ? Non. Retournement, négation, pirouette risible, Chostakovich brise le mythe de la symphonie fatidique en esquissant discrètement un pas de danse. Enfin, un hymne à la vie dans l'oeuvre de ce névrosé inverti. Le bougre cachait bien son jeu. Il ne va pas tarder à nous pondre deux suites jazz, plus cocasses l'une que l'autre. Ça ne plait pas au régime stalinien ? Tant pis, vite, un article mensonger, il s'excuse, lèche quelque bottes, cire les souliers, rampe un peu, puis file à la soviétique nous trousser un foxtrott pour orchestre de jazz. Le moustachu purgeur veut du lourd, de l'officiel, du relent de Tchaikovsky frelaté ? Qu'à cela ne tienne ! Il noircit comme il peut des pages blanches, ce sera une symphonie, un opéra, un oratorio, n'importe quoi, pourvu que les censeurs lui fichent la paix, qu'il puisse travailler à autre chose, tranquillement, s'amuser à relever les défis de chefs d'orchestre (tahiti trot), écrire des pièces pour piano, de la musique de chambre. Prokofiev glapit, rugit, s'agite, tourne en rond, part à l'étranger, revient, repart, compose en vitesse une dizaine de concertos pour ses tournées, enrage, fulmine... Chostakovich laisse faire, il change de lunettes. Il n'a plus l'âge pour les rondes, il lui faut des carrées, plus épaisses. Se cacher derrière. Pour vivre heureux vivons cachés. Dépressif ? Sans doute, mais pas stupide, la meilleure façon de faire la révolution, c'est de caresser dans le sens du poil, de laisser couler. Alors le Régime s'agite, éructe, peste. Comment ? Un citoyen convenable, qui nous pond régulièrement des daubes grandioses pour nos cérémonies officielles. Ah mais, ça ne va pas du tout. Où sont les poux ? Qu'on lui trouve des poux ! On ne va tout de même pas lui ficher la paix ? Il feint, c'est évident. Il ne peut pas être heureux. Il l'est ? Il ne le sera bientôt plus, qu'on en fasse un dépressif, c'est excellent pour la publicité en occident. Empêchez le de sourire sur les photos que diable ! Cherchez lui des poux, bon sang. Anticonformisme. Excellent, excellent. Il ne se frottera pas de sitôt à des Polka, des Foxtrot, des Valses ridicules. Décidément, Khachaturian et Chostakovich sont des sujets à risques. Il faudra les surveiller de près, des fois qu'il passent à la postérité...
Réflexions plutôt qu'Hommage ? Sans doute, oui, parce que je ne cire pas les pompes, je met en lumière. Ou du moins j'essaye. ^^
Courtes Réflexions sur Chostakovich
J'écoute le second mouvement du huitième quatuor. C'est à mon avis là-dedans qu'est le véritable génie de Chostakovich: dans ce mouvement-ci, qui inclut une citation de son trio opus 58, dans le mouvement suivant, une espèce de valse aigre-douce, amère, qui semble ricaner avec cynisme, dans le 3ème quatuor, dans le quintette... Bien plus que quand il veut se faire tragique, et qu'il tombe bien vite dans la boursouflure, l'ennui, les platitudes, la grandiloquence agaçante. Le vrai, le grand Chostakovich n'est pas dans l'édifice prétentieux et contraire à sa nature de la plupart de ses symphonies, de ses concertos, ou de ses opéras. C'est dans ses œuvres moins "officielles", moins colossales, qu'il atteint une dimension maximale. Que l'on écoute donc le fameux final de son trio, la puissance émanant d'une simple mélodie de pizzicati déroulée sur deux accords qu'égraine le piano, qui se mue ensuite en un cri aigre et criard lorsque le piano reprend le dessus, et que les deux instruments à cordes se lancent de grands accords en pizzicati à tout va. La neuvième, la moins prétentieuse, la moins officielle et, évidemment, la moins aimée, est sans doute la plus fascinante, avec ses mélodies vives, sa pétulance, ses coups de langues intempestifs des cuivres, ses retours, ses rebonds, ses sursauts, la plénitude du mouvement lent, son final festif, enjoué, enlevé, de la joie, enfin, de la vraie, de la pure. Le vieux dépressif se débride, il laisse sa plume courir sur la partition, il lui faut des mouvements vifs, pied de nez à la Légende des Neuvièmes Symphonies. Casse claire, trompettes, trombones, dans la joie et la bonne humeur. Vous ne pensiez quand même pas qu'il allait écrire une "banale" 9ème ? Après Beethoven, Bruckner, Mahler, Schubert ? Non. Retournement, négation, pirouette risible, Chostakovich brise le mythe de la symphonie fatidique en esquissant discrètement un pas de danse. Enfin, un hymne à la vie dans l'oeuvre de ce névrosé inverti. Le bougre cachait bien son jeu. Il ne va pas tarder à nous pondre deux suites jazz, plus cocasses l'une que l'autre. Ça ne plait pas au régime stalinien ? Tant pis, vite, un article mensonger, il s'excuse, lèche quelque bottes, cire les souliers, rampe un peu, puis file à la soviétique nous trousser un foxtrott pour orchestre de jazz. Le moustachu purgeur veut du lourd, de l'officiel, du relent de Tchaikovsky frelaté ? Qu'à cela ne tienne ! Il noircit comme il peut des pages blanches, ce sera une symphonie, un opéra, un oratorio, n'importe quoi, pourvu que les censeurs lui fichent la paix, qu'il puisse travailler à autre chose, tranquillement, s'amuser à relever les défis de chefs d'orchestre (tahiti trot), écrire des pièces pour piano, de la musique de chambre. Prokofiev glapit, rugit, s'agite, tourne en rond, part à l'étranger, revient, repart, compose en vitesse une dizaine de concertos pour ses tournées, enrage, fulmine... Chostakovich laisse faire, il change de lunettes. Il n'a plus l'âge pour les rondes, il lui faut des carrées, plus épaisses. Se cacher derrière. Pour vivre heureux vivons cachés. Dépressif ? Sans doute, mais pas stupide, la meilleure façon de faire la révolution, c'est de caresser dans le sens du poil, de laisser couler. Alors le Régime s'agite, éructe, peste. Comment ? Un citoyen convenable, qui nous pond régulièrement des daubes grandioses pour nos cérémonies officielles. Ah mais, ça ne va pas du tout. Où sont les poux ? Qu'on lui trouve des poux ! On ne va tout de même pas lui ficher la paix ? Il feint, c'est évident. Il ne peut pas être heureux. Il l'est ? Il ne le sera bientôt plus, qu'on en fasse un dépressif, c'est excellent pour la publicité en occident. Empêchez le de sourire sur les photos que diable ! Cherchez lui des poux, bon sang. Anticonformisme. Excellent, excellent. Il ne se frottera pas de sitôt à des Polka, des Foxtrot, des Valses ridicules. Décidément, Khachaturian et Chostakovich sont des sujets à risques. Il faudra les surveiller de près, des fois qu'il passent à la postérité...
Re: Courtes réflexions sur Chostakovich
Une réflexion sur des compositeurs? Russes en plus?
Original et délicieux .
Je n'ai pas pris le temps de faire une correction traditionnelle (j'en fais pas vraiment pour les articles ^^) mais j'ai bien aimé.
On retrouve comme d'hab' ce vocabulaire riche et approprié, cet entrain de bonne volonté stylistique ... enfin du bon goût.
Quand aux idées, je serais en mauvaise posture pour critiquer. Je viens de découvrir ce brave Chostakovich et ce serait chose peu aisée que de vouloir lui réinventer sa vie .
Mais j'envisage certaines choses avec ces articles...
Original et délicieux .
Je n'ai pas pris le temps de faire une correction traditionnelle (j'en fais pas vraiment pour les articles ^^) mais j'ai bien aimé.
On retrouve comme d'hab' ce vocabulaire riche et approprié, cet entrain de bonne volonté stylistique ... enfin du bon goût.
Quand aux idées, je serais en mauvaise posture pour critiquer. Je viens de découvrir ce brave Chostakovich et ce serait chose peu aisée que de vouloir lui réinventer sa vie .
Mais j'envisage certaines choses avec ces articles...
Re: Courtes réflexions sur Chostakovich
Ah, alors si tu découvres Chosta, je ne vais pas pouvoir m'empêcher de mettre mon nez là-dedans.
L'ennui, avec lui, c'est qu'il écrit autant de chef-d'oeuvres que de daubes calamiteuses. Donc, je te propose, à l'occasion :
- Deuxième Trio op. 67 (dernier mouvement surtout)
- Premier Concerto pour violoncelle
- Premier Concerto pour piano (trompette et cordes)
- Huitième Quatuor, op 110
- Troisième Quatuor, op 73
- Les deux Suites pour orchestre de jazz (op. 38a et 50b)
- Symphonie 5 (Dernier mouvement), symphonie 7 (premier), symphonie 9, symphonie 6, symphonie 8
Et voilà, en gros, c'est à mes yeux un panaché de ses plus grandes réussites ! ^^
L'ennui, avec lui, c'est qu'il écrit autant de chef-d'oeuvres que de daubes calamiteuses. Donc, je te propose, à l'occasion :
- Deuxième Trio op. 67 (dernier mouvement surtout)
- Premier Concerto pour violoncelle
- Premier Concerto pour piano (trompette et cordes)
- Huitième Quatuor, op 110
- Troisième Quatuor, op 73
- Les deux Suites pour orchestre de jazz (op. 38a et 50b)
- Symphonie 5 (Dernier mouvement), symphonie 7 (premier), symphonie 9, symphonie 6, symphonie 8
Et voilà, en gros, c'est à mes yeux un panaché de ses plus grandes réussites ! ^^
Re: Courtes réflexions sur Chostakovich
Mais à ce que j'ai compris, il a écrit de la daube à cause du régime stalinien, non?
Re: Courtes réflexions sur Chostakovich
Oui exactement. Enfin c'est mon interprétation, hein, certainement tout le monde ne sera pas d'accord. Mais moi c'est la seule explication que je trouve pour expliquer qu'il puisse écrire des horreurs comme son "Chant des Forêts" pour célébrer le reboisement des campagnes d'URSS, ou comme une trop grande partie de ses symphonies, et qu'en parallèle, il écrive des trucs géniaux comme son Huitième Quatuor.
Ou alors je surestime sa capacité de jugement artistique, mais franchement ça m'étonnerait de lui.
Ou alors je surestime sa capacité de jugement artistique, mais franchement ça m'étonnerait de lui.
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