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Poèmes Barbares, de Leconte de Lisle

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Message  MrSonge Sam 6 Juin 2009 - 7:21

J'avais tout d'abord pensé présenter du Rimbaud (ce que je ferais sous peu, c'est tellement sublime) mais je me suis dit, place d'abord à ceux que l'on ne connait pas assez. Voici donc les Poèmes Barbares, chef-d'oeuvre de Charles Marie René Leconte de Lisle..

Le voici :
Poèmes Barbares, de Leconte de Lisle Leconte_de_lisle

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Deux mots sur l'auteur :

Jusqu'à sa mort Leconte de Lisle a fait preuve d'une telle discrétion sur sa vie privée et il a été si peu à l'honneur, qu'on pouvait avoir l'impression qu'il avait « à peine vécu », qu'il tendait vers le pur esprit. Très tôt, sa vocation de poète pour lui ne fait aucun doute. Cet écrivain iconolâtre et autodidacte, boudé du grand public jusque vers 1870, vit dans la pauvreté et dans une relative solitude. Il fonde une revue littéraire à Rennes en 1840, collabore à celles de l'école fouriériste, reçoit l'enseignement de son ami Louis Ménard et fréquente le salon de Louise Colet, avec Flaubert, en 1853. Mais surtout, à partir de 1864, il prend la tête d'un cénacle ou d'une école qui sera dite « parnassienne », et qui, malgré quelques vicissitudes, se maintiendra jusqu'à la fin du siècle.
Tous les écrivains et poètes importants d'alors lisent et relisent Leconte de Lisle, se nourrissent de sa poésie, même lorsqu'ils prétendent s'en détacher, comme Verlaine ou Mallarmé, ou la contester, comme Moréas ou Richepin : Gide, Valéry, Proust, Louÿs, Péguy, etc.
Héritier de Hegel, influencé par Renan, Leconte de Lisle s'est placé sur l'axe essentiel de son époque : celui de la fin de l'Histoire et de la substitution de l'histoire des religions aux religions elles-mêmes. Sa poésie impose une problématique difficile mais réaliste du temps et de l'éternité, qui n'a rien d'une architecture figée. Si les sujets qui le passionnent sont théologiques ou mythologiques, ils contiennent toutes les préoccupations d'un siècle en pleine crise morale et religieuse, en pleine mutation politique et économique.
Il faudrait réhabiliter cet artiste incomparable venu de l'océan Indien, moderne, quoi qu'on en dise, et qui n'a jamais été tout à fait accepté, ni par les Créoles de la Réunion ni par les Français de métropole. Paria des lettres françaises, tourmenté entre deux natures, sensible à l'extrême, séducteur, amoureux, vulnérable souvent, parfois drôle, sympathique même, il se distingue ici nettement du Leconte de Lisle officiel tel que les chroniques nous le décrivent à longueur de colonnes, inaccessible et glacial avec « sa tête bien caractéristique », ses « grands cheveux blancs arrondis à la vénitienne retombant tout autour de sa figure », son « second menton énorme se détachant sur son col ouvert », et ce légendaire « monocle de buffle noir sur son oeil droit ».

Éclaircissements sur ses Idées Littéraires :

Le choix de certains thèmes et leur traitement par Leconte de Lisle le relient au romantisme, notamment : la description de la nature sauvage (couleur, exotisme, animaux,...), les sujets historiques et mythologiques, le goût de la liberté dans la fantaisie, l'énergie.
Mais, amplifiant l’impulsion donnée par Théophile Gautier avec son culte de l’Art pour l’Art et par Théodore de Banville, Leconte de Lisle rompt avec ce mouvement et défend une doctrine nouvelle – celle qui sert de modèle aux parnassiens – caractérisée par quelques principes : la poésie doit rester impersonnelle (le poète ne doit pas chanter son ego) ; le poète doit privilégier le travail de la forme plutôt que se laisser aller à sa seule inspiration débridée ; il doit viser la beauté, dont l’antiquité (grecque, hindoue, nordique, etc.) fournit les modèles absolus ; par opposition aux sentiments, la science, guidée par la raison, constitue un champ d’expression infini ; le poète ne doit pas s’impliquer dans la vie moderne.

Attention, Leconte de Lisle n'est pas Baudelaire ! Il n'a pas réussi cette synthèse stupéfiante avec autant de brio, entre la forme et les sentiments. En cela, il lui est inférieur. Mais, de toute façon, qui n'est pas inférieur à Baudelaire ? xD
Point de sensiblerie chez cet écrivain, donc. Point de larmoyant passage, d'autobiographie, point de braiement d'amoureux transit ou abandonné, pas une seule ligne "gnian-gnian", pas une seule ligne qui dégouline de sentimentalisme suranné.

Structure du recueil :

Les "Poèmes Barbares" sont séparés en plusieurs parties qui ne sont pas distinctes dans les bonnes éditions, conformément à la volonté de l'auteur. (pas de page de titre indiquant "Partie II" etc...).
Dans la première partie, les poèmes d'inspiration biblique ou mythologique, assez longs, de structure rappelant certains poèmes de Hugo. ("Qaïn", "La vigne de Naboth", "Néférou-Ra", "Le Massacre de Mona" etc...)
Dans la seconde partie, les poèmes exotiques ( "La panthère noire", "Les éléphants", "Les Jungles", "Le colibri" etc...) d'inspiration plutôt "Nature", si j'ose dire.
Dans la troisième partie, c'est de nouveau la mythologie qui est à l'honneur, ainsi que la bible. Poèmes plus courts, intenses. On y trouve aussi des sujets typiquement de l'école romantique : "Les spectres", "La dernière vision", "Les rêves morts".

Un extrait:

Le Jaguar

Sous le rideau lointain des escarpements sombres
La lumière, par flots écumeux, semble choir ;
Et les mornes pampas où s'allongent les ombres
Frémissent vaguement à la fraîcheur du soir.

Des marais hérissés d'herbes hautes et rudes,
Des sables, des massifs d'arbres, des rochers nus,
Montent, roulent, épars, du fond des solitudes,
De sinistres soupirs au soleil inconnus.

La lune, qui s'allume entre des vapeurs blanches,
Sur la vase d'un fleuve aux sourds bouillonnements,
Froide et dure, à travers l'épais réseau des branches,
Fait reluire le dos rugueux des caïmans.

Les uns, le long du bord traînant leurs cuisses torses,
Pleins de faim, font claquer leurs mâchoires de fer ;
D'autres, tels que des troncs vêtus d'âpres écorces,
Gisent, entre-bâillant la gueule aux courants d'air.

Dans l'acajou fourchu, lové comme un reptile,
C'est l'heure où, l'oeil mi-clos et le mufle en avant,
Le chasseur au beau poil flaire une odeur subtile,
Un parfum de chair vive égaré dans le vent.

Ramassé sur ses reins musculeux, il dispose
Ses ongles et ses dents pour son oeuvre de mort ;
Il se lisse la barbe avec sa langue rose ;
Il laboure l'écorce et l'arrache et la mord.

Tordant sa souple queue en spirale, il en fouette
Le tronc de l'acajou d'un brusque enroulement ;
Puis sur sa patte roide il allonge la tête,
Et, comme pour dormir, il râle doucement.

Mais voici qu'il se tait, et, tel qu'un bloc de pierre,
Immobile, s'affaisse au milieu des rameaux :
Un grand boeuf des pampas entre dans la clairière,
Corne haute et deux jets de fumée aux naseaux.

Celui-ci fait trois pas. La peur le cloue en place :
Au sommet d'un tronc noir qu'il effleure en passant,
Plantés droit dans sa chair où court un froid de glace,
Flambent deux yeux zébrés d'or, d'agate et de sang.

Stupide, vacillant sur ses jambes inertes,
Il pousse contre terre un mugissement fou ;
Et le jaguar, du creux des branches entr'ouvertes,
Se détend comme un arc et le saisit au cou.

Le boeuf cède, en trouant la terre de ses cornes,
Sous le choc imprévu qui le force à plier ;
Mais bientôt, furieux, par les plaines sans bornes
Il emporte au hasard son fauve cavalier.

Sur le sable mouvant qui s'amoncelle en dune,
De marais, de rochers, de buissons entravé,
Ils passent, aux lueurs blafardes de la lune,
L'un ivre, aveugle, en sang, l'autre à sa chair rivé.

Ils plongent au plus noir de l'immobile espace,
Et l'horizon recule et s'élargit toujours ;
Et, d'instants en instants, leur rumeur qui s'efface
Dans la nuit et la mort enfonce ses bruits sourds.

Le vent froid de la nuit

Le vent froid de la nuit souffle à travers les branches
Et casse par moments les rameaux desséchés ;
La neige, sur la plaine où les morts sont couchés,
Comme un suaire étend au loin ses nappes blanches.

En ligne noire, au bord de l'étroit horizon,
Un long vol de corbeaux passe en rasant la terre,
Et quelques chiens, creusant un tertre solitaire,
Entre-choquent les os dans le rude gazon.

J'entends gémir les morts sous les herbes froissées.
Ô pâles habitants de la nuit sans réveil,
Quel amer souvenir, troublant votre sommeil,
S'échappe en lourds sanglots de vos lèvres glacées ?

Oubliez, oubliez ! Vos coeurs sont consumés ;
De sang et de chaleur vos artères sont vides.
Ô morts, morts bienheureux, en proie aux vers avides,
Souvenez-vous plutôt de la vie, et dormez !

Ah ! dans vos lits profonds quand je pourrai descendre,
Comme un forçat vieilli qui voit tomber ses fers,
Que j'aimerai sentir, libre des maux soufferts,
Ce qui fut moi rentrer dans la commune cendre !

Mais, ô songe ! Les morts se taisent dans leur nuit.
C'est le vent, c'est l'effort des chiens à leur pâture,
C'est ton morne soupir, implacable nature !
C'est mon coeur ulcéré qui pleure et qui gémit.

Tais-toi. Le ciel est sourd, la terre te dédaigne.
À quoi bon tant de pleurs si tu ne peux guérir ?
Sois comme un loup blessé qui se tait pour mourir,
Et qui mord le couteau, de sa gueule qui saigne.

Encore une torture, encore un battement.
Puis, rien. La terre s'ouvre, un peu de chair y tombe ;
Et l'herbe de l'oubli, cachant bientôt la tombe,
Sur tant de vanité croît éternellement.
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Message  Pacô Dim 7 Juin 2009 - 19:17

Alors là, merci, j'en apprends des choses à quelques semaines du bac de Français. Des fois que je pourrais en replacer quelque chose Wink .
Son nom ne m'était pas inconnu, mais je n'en savais pas la moitié de ce que tu viens de m'apprendre ^^'.
Un Parnassien et romantique donc ... très bien.

Un jour, quand j'aurais de l'argent, jme ferais une vraie bibliothèque de poètes. Pour l'instant, j'préfère les romans (mais je suis dans la catégorie des poésies GNNNEh!)

Bref! Thanks pour ce petit cours .
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Message  MrSonge Dim 7 Juin 2009 - 19:21

Un Parnassien et romantique donc ... très bien.
Disons quand même plus parnassien que romantique, puisqu'il fait quasiment figure de chef de file des premiers. ^^
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Message  Pacô Mar 23 Juin 2009 - 8:28

De Heredia et lui devait s'aimer alors =).
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Message  MrSonge Mar 23 Juin 2009 - 9:38

Ben, les oeuvres de Leconte de Lisle auront quand même été un des grands chocs poétique de la vie de De Hérédia...
Et puis ils ont, je crois, correspondu avec beaucoup de plaisir. ^^
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Message  Morganne Mar 23 Juin 2009 - 10:14

je n'ai jamais rien lu de lui, bien que jele connaisse de nom, mais les quelquespoèmes que tu nous as mis m'ont donné bien envie^^ intéressant en tout cas...
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Message  MrSonge Mar 23 Juin 2009 - 10:25

J'avais pensé à toi en mettant le "Vent froid de la nuit", je lui trouvais un petit côté mussetien. ^^
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Message  Pacô Mar 23 Juin 2009 - 11:16

Vous aimez le flood vous, à n'en pas douter Twisted Evil .
Va falloir sévir Fouet .

Une manière habile de contourner, est de dire une connerie suivie d'une info intéressante. Là je serais contraint d'accepter T_T.

Alors histoire de relancer du débat: le parnasse, ce qui me gêne, c'est que j'adore les sentiments ...
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Message  Morganne Mar 23 Juin 2009 - 12:10

pourquoi "vous"???? j'ai pas floodé là moi!!! (mais c'est vrai qu'il est très beau celui là^^) Pour une fois, c'est pas moi.
vi moi aussi, mais j'adore Gauthier pourtant...misère, oùme situe-je?
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Message  MrSonge Mar 23 Juin 2009 - 16:38

On ne peut pas non plus y aller "noir/blanc" hein. Parnasse ne veut pas dire sécheresse absolue, comme romantisme ne veut pas dire dégoulinant de sensiblerie. Il y a des sentiments chez Leconte de Lisle, comme il y a des formes parfaites chez Hugo.
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