La disparition de Jean Ferrat

Le samedi 13 mars 2010 est parti un grand nom de la chanson française et je dirais même plutôt, de la poésie française.
En effet, Jean Ferrat s'est éteint dans une chambre d'hôpital en Ardèche.

Connu et reconnu pour ses chansons engagées, sa langue exacerbée et son communisme féru, il n'hésita pas à déclarer pacifiquement la guerre aux dirigeants de nos différentes époques.

Après Aragon, Jean Ferrat constituait l'un des derniers grands poètes engagés vivants.

Quelle réaction cela suscite en vous ?

C'est, hélas, une conséquence inévitable du vieillissement. Quand à estimer ce que l'on perd en perdant Ferrat, je pense que c'est incalculable. Un des derniers grands de cette époque où une chanson voulait encore dire quelque chose: soit dénoncer, soit raconter avec toute la richesse de la langue française.

Je pense la même chose que Noway. Étant une grande amatrice des chansons de Jean Ferrat, j'appréciais beaucoup ses textes et sa disparition marque la fin de l'époque des chansons qui nous parlaient ...

Je ne connais que très peu ses chansons, mais la plupart, je les ai appréciées. Du point de vue du texte. Côté musique, c'est autre chose, m'enfin c'était de la chanson.

Je reste par contre beaucoup plus sceptique que vous sur ses engagements politiques. Comme Desproges, je préfère nettement les artistes "dégagés". Aragon lui-même me fatigue et sa poésie politicarde et/ou sentimentalo-glouglou me laisse franchement froid. Mai 68 me laisse indifférent, profondément, et je ne vois pas l'intérêt d'être communiste depuis Lénine (et même avant d'ailleurs. Dans l'absolu le communiste est une mascarade).

Par conséquent, si je salue le départ de quelqu'un, ce sera celui d'un parolier et écrivain pour ses textes, et non son engagement ou ses opinions politiques.

Je ne suis pas nécessairement partisan de ses opinions mais plutôt sincèrement émerveillé par la force de ses textes pour dénoncer un fait, une idée ou je ne sais quoi encore qui ne lui plaisait guère.

Et si, on peut voir un art, même à travers des idées. Même si l'on distingue la beauté pour la beauté et la beauté pour l'utilité.

Fait sans prétention aucune. Du bout du cœur et parce que je me le sentait sur le moment, un petit poème en hommage à Ferrat:

Mes adieux à Ferrat

Il a glissé trois notes dans la caisse d’une guitare
Un ultime regard posé sur ses semblables
Avant que ne rattrape le cycle immuable
De la vie et du temps, il a prit le départ.
Il a vu luire une larme dans les beaux yeux d’Elsa
A déclarer sa flamme au poète Aragon
Rendant hommage aux ombres parquées dans ces wagons
En partance pour l’Enfer et qu’on ne revit pas.
Lui qui vivait les mots jusque dans ses sommeils
Nous a laissé ces vers fragiles comme du cristal
Quand s’éteignent les lumières, que s’arrête le bal
Alice s’en est allé du Pays des Merveilles.
A la gauche de Georges, à la droite de Jacques
Il a posé sa plume sur un bout de nuage
Reste dans nos mémoires le souvenir d’un visage
Dans l’océan céleste s’élance une nouvelle vague.
Que serons-nous sans toi et ta moustache fière ?
Camarade poète, toi qui donnait ta voix
A ceux que, bien souvent, on n’entendait même pas
Aujourd’hui plus encore, je regrette hier.

Je ne suis pas nécessairement partisan de ses opinions mais plutôt sincèrement émerveillé par la force de ses textes pour dénoncer un fait, une idée ou je ne sais quoi encore qui ne lui plaisait guère.

Et si, on peut voir un art, même à travers des idées. Même si l'on distingue la beauté pour la beauté et la beauté pour l'utilité.

Bheu, de l'art au service de la politique c'est de l'art asservi, de l'art esclave. Même chez Hugo, ses plus mauvais textes sont très nettement ses textes politiques.

Bravo pour ton poème, noway.

J'avoue noway, tu m'as conquis là !
Reste plus qu'à le présenter dans la rubrique des poésies.
Mais tu retraces parfaitement bien sa vie, le personnage, à travers tes vers (ahah).

Et je ne suis pas d'accord Mister Songe.
Mais bien mieux un exemple que tout autre argument. "Camarade" qui dénonce les abus et l'invasion soviétique à Pragues en 68 est tout simplement magnifique.
Au plaisir de ta littérature :
http://fr.lyrics-copy.com/jean-ferrat/camarade.htm

Et je ne suis pas d'accord Mister Songe.
Mais bien mieux un exemple que tout autre argument. "Camarade" qui dénonce les abus et l'invasion soviétique à Pragues en 68 est tout simplement magnifique

Mfbg... un peu comme les pièces en vers politiques d'Aragon. Littérature asservie, voir avilie.

Je suis plus nuancé, je pense que certains artistes ont raison de vouloir s'impliquer là où d'autres feraient mieux de ne pas s'y risquer.

Ferrat a chanté des choses légères, des chansonnettes sentimentalico-nian-nian (copyright ) mais il a également réussi à mettre le doigt là où cela fait mal: Potempkine, Nuit et brouillard, Camarade, Le Bilan,...

Maintenant quand Cali (que: oui: j'aime beaucoup ^^) nous chante: Résistance" après l'élection de Sarko...On a beau partager son opinion cela prête à sourire.

Je pense que, si c'est un choix viscéral, utiliser sa notoriété pour dénoncer ou essayer de faire avancer les choses, cela est un geste qui reste citoyen. Maintenant, il faut bien dissocier: conviction et opportunisme. Dénoncer juste parce que c'est bon pour la promo, c'est débile et regrettable.

Concernant Ferrat, c'est comme Brassens, cela venait du cœur et de l'âme et surtout, c'était dosé sur le registre habile de la contestation et de la dénonciation pacifique. Je préfère cela aux pavés sur les casques des CRS.

Ce qui m'amène à soulever une autre interrogation qui me turlupine (si je flood je m'en excuse). Récemment les Enfoirés ont refait leur show télévisé. A l'origine de ce mouvement c'était quoi? Un homme: Michel Colucci: ulcéré par tous les laissés-pour-contre du gouvernement, il lance un mouvement de solidarité. Rapidement rejoint par une petite poignée d'irréductibles engagés. A sa mort, le mouvement se développe, prend de l'ampleur...Qu'en est-il aujourd'hui? Un troupeau de pseudo vedettes (chanteurs, acteurs,...) grossissant d'année en année et un show à l'américaine. Des écarts scandaleux: hôtels de luxe, exigences diverses,... Si l'aide est toujours, heureusement, réelle (les bénéfices sont tout de même là pour les plus démunis), j'ai l'impression que faire partie des Enfoirés c'est s'assurer une belle image et une publicité confortable.

Personnellement, je ne regarde plus ces soirées ultra médiatisée et parfois à la limite du grotesque.

Les Fatals Picards (quelle culture le nono ^^) ont écrit une chanson qui me parle assez sur le sujet:

Dans une minute ça va être à toi, tu trembles un peu mais pas tant que ça
Dans le refrain de Santiano c’est toi qui chantes le premier : « Hisse et ho »
C’est quand même pas normal que cette année tu ne sois jamais passé à la méthode Cauet
Entre ton album en hommage à Barbelivien et ta reprise anti-sociale avec Murielle Robin
Cette année, ça n’va pas se passer comme ça, d’abord t’as un micro rien que pour toi, tu sais exactement où sont les caméras en plus t’as même couché avec Palmade
Et laaaaaa …
T’espère au moins qu’on te voit bien
T’espère au moins qu’on te cadre bien
T’espère au moins que sur le refrain c’est toi qui tiens ?mimati par la main
Cette année c’est l’année de ta vie, t’as kidnappé Cabrel, Obispo et Fiori avec la moustache, le crane rasé, l’accent corse même Goldman saura enfin qui est le boss
Oui depuis aujourd’hui c’est ton année à toi, t’as injecté à Zenatti une seringue d’Ebola
T’as offert de l’entraxe à Elene Ségara et si il faut aller jusque la, tu partageras la loge d’ elsa
T’espère au moins qu’on te voit bien
T’espère au moins qu’on t’aime bien
T’espère au moins que sur le refrain c’est toi qui tiens ?brué gao par la main
Toi tu files un vrai rencart à ceux qui, comme toi, sont plus rien sans actualité sans média sans publique sans rien
T’espère au moins qu’on te voit bien
T’espère au moins qu’on te paye bien
T’espère au moins que sur le refrain c’est toi qui tiens Coluche par la main
Hisse et ho ! Hisse et ho ! Hisse et ho !

Votre avis?

Je suis plus nuancé, je pense que certains artistes ont raison de vouloir s'impliquer là où d'autres feraient mieux de ne pas s'y risquer.

Oui, mais pas en tant qu'artiste. En tant qu'Homme.
C'est la seule chose que je peux reprocher à Hugo ; avoir voulu faire des textes utiles. Ça a donné ses plus mauvais récits (Le Dernier Jour d'un condamné, Claude Gueux)... Aragon, pareil. Je n'aime pas sa poésie, mais ses vers les moins intéressants sont ses vers politiques. Sans parler de Sartre, qui était déjà pas terrible dans l'absolu, alors quand il se voulait politique. Et Voltaire, alors ! Son poème sur le tremblement de terre de Lisbonne part d'une bonne intention, mais de poésie il n'a que la forme...
Je n'ai rien contre le fait qu'un artiste dénonce une injustice. Mais qu'il le fasse en asservissant son art à une cause, non. Que Hugo fasse un discours pour tenter de dénoncer les abus commis en Serbie, j'applaudis ; qu'il se mette à écrire des poèmes serviles, enchainés à ses opinions politique, je détourne les yeux. Malraux, par exemple, me semble un exemple typique de cette façon d'être à la fois politicien et artiste, sans mélanger les deux. Dans La Condition Humaine, certes, on nous parle de révolution, mais ce n'est pas le but du livre. Malraux n'asservit pas son roman à une cause extérieure et ne fait pas travailler l'Art au moulin de la politique.