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Ce lieu plein de lumières...

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Message  Dark Dragon Lun 6 Aoû 2012 - 12:10


Un lieu plein de lumières...

Ce soir avant de me coucher j'ai éteint la lumière et je me suis rendu compte que je n'aimais pas les hommes. J'avais toujours eu des joies au cœur quand je croisais un visage ami et que je lui témoignais quelques mots de bienveillance. Je contribuais là à ce que Jacqueline de Romilly appelait les petites lumières du quotidien et je donnais de la gentillesse pour égayer les cœurs des autres et mon propre cœur. Il faut bien avouer, maintenant que la porte est close, maintenant que je gratte de la main le bois de mon cercueil comme celui, tendre mais sans pitié, d'un confessionnal -ou d'une guitare sèche pour les modernes athées qui ont fait le bon choix de se droguer et de ne plus croire en dieu- qu'il s'agissait surtout de mon propre cœur. Je ne peux plus me cacher. Dans ce trou de terre une lampe me fixe sans arrêt et il faut assumer. Je parle d'intérêt. L'amitié que je portais à mon interlocuteur n'était qu'un miroir que de la main je plaçai dans son dos pour me renvoyer la face réjouie de mon égo flatté. J'organisais des soirées, des rendez-vous, je faisais mine de partager ma passion aux autres pour la leur faire goûter quand je dévorais le miel de mes paroles avec des dents avides. Je mangeais mon propre vomi. Je témoignais telle gentillesse à cette fille, une porte qu'on tient pour passer derrière elle, tel camaraderie à ce garçon, oh, tu ne vas pas bien, assieds-toi là, raconte-moi un peu. Et en torchant ses yeux je m'abreuvais par comparaison des éclats de ma propre vie. Je me plaçais au dessus de mes instruments du bonheur. Les rires qu'ils voulaient prêter à mes plaisanteries me donnaient plus de satisfaction que de contentement. Méthodiquement, je faisais ce qu'il fallait pour qu'on m'aime. J'essayai d'être le meilleur, celui qui plairait, celui qui attirerait. Pour sortir de la solitude qui me faisait pourrir je me pourrissais moi-même et je créais des mains artificielles sur mes épaules rentrées. Le soir j'évitai la vérité et je me complaisais dans le souvenir des sourires que mes paroles avaient fait bondir entre les joues ; j'étais la manivelle des zygomatiques ; méthodiquement je m'astreignais à faire remplir par les yeux brillants de mes amis les cases dessinées exprès par mes paroles quelques minutes plus tôt.

Je récoltais leurs dents blanches dans le soleil de l'après-midi comme de petits cailloux dans l'échiquier de la bonne entente et de la sagesse sociale. Ayant été trop seul je m'entourais de mirages sans même sentir au cœur la tristesse d'être vraiment seul. Je m'habituais à ma condition de tricheur et d'infâme. J'avais l'impression d'arracher à mes congénères -je ne sentais que trop la matière et le primitif de ce qui était en moi à ce moment, je n'avais plus de poésie, j'étais de la pâte molle, de la pâte à modeler, une sculpture les bras ballants, un agglomérat monstrueux de particules, un petit néant- comme un chien suppliant, les yeux plissés dans ma concentration, de tirer sur leurs manches pour leur faire remarquer ma gentillesse et ma présence et par complaisance obtenir ainsi un peu de leur amitié, aussi forcée soit-elle par ma main avide.



Je me retourne dans mon cercueil. Je remarquai qu'un jour où j'en avais besoin j'allais chercher leur sollicitude et leurs douceurs ; un autre soir, ils s'avançaient vers moi, tous guillerets, et, trop occupé à me regarder, je repoussais froidement leurs ardeurs. Mon indifférence était brutale, presque sincère. Je disais les choses comme elles étaient. Me plaçant au dessus du monde je jugeais de leurs pratiques misérables, dont, d'ailleurs, je n'excluais pas les miennes ; mais il n'était pas à moi de leur montrer notre profonde misère ; et la porte de la discussion claquait dans un vent d'incompréhension et de colère ; on me trouvait cynique ; je l'étais, je ne me cachais plus. On ne pouvait me reprocher dans ces instants-là un manque de sincérité. Je fus rarement hypocrite ; quand je tendais la main vers les autres mon poignet ne mentait pas ; ce n'était pas leur esprit qui était berné de ma ruse ; c'était le mien ; je croyais à mon humanisme de faussaire. Je ne cachais plus le fond du cloaque qui me servait d'âme à mes connaissances éloignées ; je les perdais sans presque m'en apercevoir, ou quelques jours plus tard peut-être, et je m'en refaisais, à qui j'adressais au début les mêmes flatteries, les mêmes manipulations ; je me convainquais en même temps d'aimer les autres. J'en restais donc à mes connaissances éloignées car j'avais une pleine conscience des marches sociales que je tentais de gravir par sourires et effusions galvaudées dans la vie réelle et de proximité ; je savais qu'une bourrasque trop forte de mon moi profond pouvait me précipiter en bas des marches. Les retours peu fréquents d'ailleurs de mes amis à mes embrassades m'étaient rendus comme des mouchoirs sur mes joues trop sales à pleurer de solitude. Lorsque je visitais une autre ville, je me disais, par insouciance, tiens, ici les gens sont plus ouverts, les gens me sourient davantage ; et je m'apercevais que dès lors que je les connaissais un peu plus le charme se brisait ; sitôt qu'ils s'étaient aperçus de la tromperie derrière lesquels mes grands airs s'étaient cachés et avaient fait croire à l'illusion d'un surhomme, ils me faisaient redescendre sur terre avec le dialogue commun et la vulgarisation de mes idées hautement philosophiques. Ah, je me plaisais pour la politique. Un repas, je brillais. Au deuxième, on se rendait compte que je n'avais pas d'idées.

Et quand je me retrouve maintenant face à moi-même il y a cette satisfaction morbide d'avoir rempli quelque chose et pourtant ce goût de rien, de néant, dans ma bouche. J'aurais aimé aimer, désintéressé. J'aurais aimé apprécier l'amour simple et les délicatesses que les uns et les autres se portent. Mais je me dis qu'au fond chacun fait un peu cela. C'est peut-être encore une pensée d'illusionniste avec le velours de laquelle je me rassure. Qu'importe, je m'en rendrais compte plus tard ! Ma foi, j'ai un peu de temps avant le purgatoire. Je contemple du bas de mon trou creusé dans le sol et du haut de ma stèle faussement philosophique, les mains et le sexe bandés par l'orgueil, toute la misère de notre race, tout l'intérêt qu'on met dans nos actions ; et je me déteste, lentement. Je me purge de mon moi qui n'a jamais fini de naître et pourtant n'en finit plus de mourir. Je me trouve un profond dégoût pour ce ver. Ce ver, c'est moi. Mais c'est tellement vous aussi, au fond. Je vous vois déjà faire la grimace. Grimacez, grimacez. Un jour ce sera votre tour. On passe tous par là. Le narcissisme et tous ces mots désuets sont vains. Ils ne peuvent nommer toute l'étendue de ma cruauté et de ma vie misérable. Je suis pire qu'un personnage de Beckett ; je n'ai même pas la lumière du théâtre et je n'ai plus l'exagération ; je suis un pantin atrophié, une trace fuligineuse que le ciel même ne regarde plus. Je retourne à la terre. Le narcissisme n'est que la face immergée, l'obscénité de ce qu'on lâche parfois malencontreusement, par inadvertance, en le regrettant tout de suite. Il est si constitutif de nous-mêmes que je le vois maintenant suinter de tous les pores. J'ai moins de dignité qu'un porc. Je ne saisis même plus ma déréliction. Je ne suis plus qu'une matière qui pense à vide. Le dégoût lui-même, je le sens qui s'efface peu à peu. Je meurs de l'esprit sans mourir du corps. Je ne savourerai pas toute la libération de ne plus penser et de ne plus souffrir. Il faut souffrir pour être laid car il faut souffrir pour être homme et dans le blanc des yeux et du cœur tous les hommes sont laids. L'odieux syllogisme. Les humanistes crient déjà. Il y a quelque temps, dans les articles de journaux, dans les Henri-Lévy de la Libye, je criais aussi. Allez, je pars. Je vous laisse. Bon éveil. Il sera douloureux. J'ai mal à dos et je commence à avoir soif. L'enfer ce n'est pas les autres. Non l'enfer c'est la lucidité. L'enfer c'est moi.

Oh le terrible feu...
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Message  Pacô Lun 27 Aoû 2012 - 17:20

L'amitié que je portais à mon interlocuteur n'était qu'un miroir que de la main je plaçai dans son dos pour me renvoyer la face réjouie de mon égo flatté.
=> le triple "que" est un peu lourd

Et en torchant ses yeux je m'abreuvais par comparaison des éclats de ma propre vie
=> j'aime beaucoup ! Peut-être un peu moins le "torcher" cela dit

Méthodiquement, je faisais ce qu'il fallait pour qu'on m'aime. J'essayai d'être le meilleur, celui qui plairait, celui qui attirerait.
=> tu passes de l'imparfait au passé simple, sans raison, avec "je faisais" et 'j'essayai"

Rapidement sur la forme : si celle-ci est parfois élégante, et le vocabulaire plutôt riche, l'ensemble est souvent dur à "avaler". Notamment lorsque tu aspires à fabriquer une idée et à la transmettre à travers un texte, il faut user de fluidité et de bonne ponctuation. Or, il y a par exemple tout un passage qui croule sous les points-virgules sans pour autant nous donner l'impression d'atteindre le bout du tunnel. A tel point que ce passage ennuie, lasse, désespère peut être même... et quand enfin arrive le point, le lecteur a tellement été éreinté par ces longues propositions qu'il en a oublié ce qu'elles signifiaient et quelle était la première. Le texte perd un peu son sens à divers endroits, ou du moins, la concentration - même attentive ! - du lecteur qui s'intéresse - et ne parlons pas de celui qui ne s'intéresse qu'à moitié Wink.

Mais la forme reste élégante ; ce pourquoi je t'encourage non pas à changer ton vocabulaire, ou à l'abrutir, mais plutôt à alléger les connexions entre tes mots, et à user un peu plus de ce que j'appellerais le "marketing littéraire" ; celui qui donne envie d'être lu, découvert et qui, finalement, transmet le message de ton écrit à ton public.

Au niveau du fond, ce qui serait le plus intéressant finalement dans cette catégorie de texte, j'exprime mon premier regret. Aucune référence à Narcisse en personne. Pourquoi ? Pourquoi ne pas rappeler l'une ou l'autre version des histoires tragiques de ce héros ? Pourquoi ne pas aborder cette condamnation sublime du regard ?
J'ai bien aimé plusieurs contrastes entre les situations antithétiques d'empathie et les réelles motivations du personnage, comme celle que je t'ai souligné sur le fait de torcher les yeux mais de s'abreuvoir du propre éclat de sa vie. Se nourrir de son propre reflet au final (Narcisse !) ou pire encore, s'élever en écrasant l'autre, en tirant sa force dans ce que tu ne retrouves pas de pathétiques chez l'autre.

Mais justement, peut-être que l'expression n'est pas tirée à son paroxysme. Ton personnage, il parle qu'il a été terrible, mais finalement, il ne donne que quelques exemples "généralistes", pas d'exemples concrets.
Même chose "pour sa chute" : la mort - je suppose que le fait qu'il se couche dans son cercueil représente la mort ? - lui renvoie la superficialité de sa vie. Beh... je trouve que c'est pas forcément assez bien rendu. Et c'est à la deuxième partie du texte que je trouve ton style d'autant plus lourd et ennuyeux, parce que j'ai l'impression que toi même tu t'es rendu compte que tu gérais plus mal la conclusion de ton texte.
Mais tu peux m'arrêter si je me trompe ^^".

Je le relirais à tête reposée, mais dis moi ce que tu penses de mon premier opinion Smile.

PS : ah et aussi, la phrase de la fin - "Oh le feu" - qui insiste sur le fait qu'il aille en Enfer... je la trouve un peu pataude par rapport au reste Neutral.
Pacô
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