Comment alléger son texte?

Eh bien voilà un bail que je ne vous avais pas fait un petit cours. Mais suite aux nombreuses fois où je reproche "les passages trop lourds", les "phrases à reformuler", je me suis dit: "tiens, tiens, et un petit cours sur les textes patapouf, ça pourrait pas faire de mal !". C'est surtout suite à une intéressante conversation par MP avec Neverland sur son roman qui m'a poussé à prendre le clavier.
Bref, nous n'allons cependant pas traiter du comment l'idée m'est venue mais bien du comment on rend ses chapitres, sa nouvelle, son petit texte beaucoup plus fluide, agréable à lire.
Nous découperons ce cours en trois parties:


C'est quoi un texte fluide?

Bien souvent les jeunes auteurs cherchent à donner de la "prestance" à leur bout de texte. C'est certes une très bonne volonté, mais elle est souvent très mal amorcée. Tout d'abord, beaucoup recherche la phrase complexe du genre:

Hector, homme bienveillant, sage et aimant, s'approcha lentement de sa femme, douce et d'une beauté sans égale, pour lui caresser le haut de ses épaules et l'embrasser ensuite afin de lui prouver toute la passion qu'il lui portait.

Ah ouais, vu comme ça, ça fait cool, mais en fait c'est une horreur cette phrase.
En fait, quand on écrit, aussi étonnant que cela puisse paraître, il ne faut pas rechercher le compliqué. Du moins, pas quand on débute. Et il faut toujours partir d'une phrase simple que l'on brode ensuite. Pas laisser sa plume vagabonder au gré de son imagination en attachant sans cesse des subordonnées à l'indépendante du départ.
En fait, le secret, c'est d'être clair et concis. Une petite correction de la phrase du haut serait:

Hector était un homme bienveillant, sage et aimant. Il approcha sa femme, douce et d'une beauté sans égale, avec lenteur. Une caresse sur le haut de ses épaules suffit pour l'attirer contre sa poitrine et l'embrasser. Il lui avait prouvé une nouvelle fois la passion qu'il lui réservait.

Bon le passage en lui-même n'est pas des plus évolués. Mais ça montre bien l'intérêt de couper sa phrase et de la rendre plus... esthétique.

Perdons les mauvaises habitudes

Je le soulignais dans le chapitre d'avant. L'auteur cherche parfois à faire compliqué quand c'est simple, juste pour donner une apparence plus "prestigieuse" à sa tournure. Or, il se trompe bien souvent. Cela est dû à de mauvaises habitudes (de mauvaises lectures?) qu'il faut perdre le plus rapidement possible.
J'ai mentionné tout à l'heure l'abus des subordonnées. Un exemple sera sans doute plus convainquant que mon éloquence désastreuse.

Hector, qui était un gentilhomme d'une nature généreuse, saisit une fourche que le paysan lui tendait et retourna la terre, qui était dorée par le soleil de ce mois d'août, afin d'aider ses gens.

Oui, bon j'exagère, mais au moins il est frappant. Dans cette phrase il y a quatre propositions en plus de celle principale. Quatre de trop. Il faut déjà savoir que la plupart des "qui", "que" "dont" etc... est à supprimer. Bien souvent, en fait, c'est un rajout involontaire, parce qu'on ne savait pas où placer le détail avant. Et pourtant, il faut le placer autre part. On s'intéressera à la première "qui était un gentilhomme d'une nature généreuse". Est-ce vraiment bien le moment de le préciser en pleine tâche agricole? C'est une information qu'il faut introduire dans la présentation du personnage, pas en plein milieu d'un fait qui n'a rien à voir et encore moins quand c'est pour alourdir la phrase. Pareil pour "qui était dorée par le soleil de ce mois d'août" Si vous voulez rajouter la description du paysage, vous aurez tout le temps pour le faire après. Dans une seule phrase bien indépendante des autres. La proposition "que le paysan lui tendait" est la seule que l'on peut conserver bien qu'il serait encore plus aisée d'en faire une phrase à part juste à côté. Et enfin, "afin d'aider ses gens" est un morceau tout à fait inutile que l'on peut éradiquer. L'auteur a tendance à mettre des détails qui sont de véritables Lapalissades. Si on sait qu'il est d'une humeur généreuse, qu'il prend une pelle et qu'il labourre la terre... on se doute bien qu'il n'est pas là pour les crucifier sur place. Ce renseignement est à proscrire. Ce qui donnerait un truc du genre:

Hector était un homme bienveillant, sage et d'une nature généreuse ( toute la présentation que vous pouvez lui faire... elle peut être à des kilomètres avant le passage étudié !). Le paysan tendit une fourche à son maître. Hector la saisit, se courba et labourra le sol. (taratatat...) Le soleil du mois d'août était pesant et la terre dorait sous l'effet de ses rayons.

Rappelez-vous: clair et concis !

Ensuite, le second défaut de l'auteur, ce sont les participes présent ! La véritable abomination de notre langue . Pourquoi sont-ils toujours utilisés malgré leur laideur alors? Peut être parce qu'ils arrangent et qu'ils donnent aux premies abords un effet de style. Ce qui est totalement faux, rassurez-vous. Exemple:

S'essuyant le front dans son chiffon, Hector s'accorda une courte pause. Puis, reprenant courage, il enfonça sa fourche dans la terre sèche. Il s'en dégagea une fumée grisâtre et le gentilhomme toussa en se protégeant la bouche de sa main. En voulant travailler, il oubliait son asthme !

Héhé, je l'aime bien cet Hector moi .
Bref, voyez-vous, ce passage est l'un des plus ignobles qu'il puisse exister sur cette vaste planète. Oui, je fias des choses horribles parfois .
Vous allez me dire que je ne suis pas très original comme solutionneur de problème de langue, mais pourtant c'est le plus efficace. Eh oui, encore une fois, la méthode la plus radicale est le découpage. Mais on peut aussi utiliser des conjonctions de coordination (oui, oui vous savez le "mais ou et donc or ni car") Ou encore (mais dans des cas extrêmes !) un ajout de proposition. Mieux vaut une proposition qu'un participe présent en fait. Ou enfin, dernière option, on peut supprimer carrément le détail (parce que, comme je l'ai déjà dit, l'auteur aime rajouter des infos dont le simple lecteur s'en bat les steacks ). Il y a aussi la solution: je remplace par un participe passé synonyme (mille fois plus joli !). Ce qui donnerait à peu près:

Hector s'accorda une courte pause et s'essuya le front à l'aide d'un chiffon. Puis, il reprit courage et enfonça sa fourche dans la terre sèche. Une fumée grisâtre s'en dégagea. Le gentilhomme toussa tant qu'il dût se protéger la bouche de sa main. A force de vouloir travailler, il en oubliait son asthme !

Pour le participe passé, j'ai pas pu le placer là alors je fais un exemple à part:

Haletant, Hector lâcha sa fourche.

Qui pourrait être remplacé par:

Essouflé, Hector lâcha sa fourche.

J'aime mes exemples moi .

Troisième mauvaise habitude: les adverbes. Ah, un peu d'originalité cette fois-ci. Les adverbes ne sont pas de méchants mots qu'il faut bannir de sa plume. Non, non, il ne faut juste pas en abuser. Car bien souvent, on voit des truc du genre:

Hector arriva rapidement dans le hall de son chateau. Il se dirigea directement vers le buffet élégamment décoré de statuettes. Normalement, sa mantoline était dedans. Elle se situait exactement là où il l'avait rangée précédemment. Fièrement, il la mit à sa bouche. Il s'aperçut alors qu'il n'en restait plus beaucoup !

Ah les mots en -ement, les "beaucoup" "alors" "ne ... que" "ne guère", "ne jamais" ... qu'est-ce qu'on aime ça !
C'est vrai qu'ils ne sont pas repoussant (pas autant que ces vils participes présent... qu'il ne faut d'ailleurs pas confondre !). Toutefois, il serait plutôt agréable d'en virer quelques-uns non? Là, il n'y a pas vraiment de règle extra-génialissime ... c'est au feeling. Quand vous voyez que y'en a un peu trop, vous essayez de réguler la quantité (un peu pareil quand on fait reproduire des lapins... non? >.<). Déjà beaucoup d'adverbe en -ement ont leur égal sans -ement. Exactement = exactitude. Normalement = normal, normalité. Elégamment = élégance etc...
Le choix du verbe est aussi source d'adverbe ou non. Vous le savez sûrement, il y a les verbes dits "forts" puis les autres dits "faibles". Un verbe "fort" peut bien souvent annuler l'adverbe qui suit habituellement le verbe "faible" (qui est renforcé du coup). Par exemple, au lieu de dire: "il mangea goulûment sa tranche de rôti de porc." on dira "il dévora sa tranche de rôti de porc". Notez que ça donne aussi lieu à une figure de style .
Ensuite, on peut aussi en passer à la trappe parce qu'on n'a pas besoin forcément (<= tiens, en vlà un !) d'eux.
Bref tout ça pour donner ça:

Hector se précipita dans le hall de son château. Il se dirigea directement (tiens, on conserve celui-là) vers le buffet décoré de statuettes élégantes. Sa mentoline devait être à l'intérieur si personne n'avait fouillé ses affaires (oui, là on reformule pour enlever le normalement). En effet, elle se situait bien (encore un adverbe, mais beaucoup moins lourd!) là où il l'avait rangée (et on oublie le précédemment, parce qu'on s'en doute qu'il ne l'a pas rangée après ^^). Avec fierté, il la mit à sa bouche. Elle était presque vide.

Les pronominaux ! A prendre avec des pincettes. On a deux écoles: ceux qui les aiment, ceux qui les haient. Dur, dur def aire son choix quand on fait ses premiers pas . Personnellement, j'opte pour un usage modéré. Oui, je me mouille pas comme ça. J'avoue qu'un texte comme:

Hector se retourna et s'aperçut que son fils se lamentait encore parce qu'il ne se brossait toujours pas les cils tout seul.

... ça fait un peu serpentesque.
Un bon moyen pour remédier à ce problème: le dictionnaire des synonymes . Un verbe pronominal correspond toujours à un verbe non pronominal (puisqu'on l'utilise pour combler le trou de mémoire parce qu'on se souvient pas du bon verbe). Exemple: "Il s'alimenta" = "Il mangea"; "Il se précipita" = "Il courut".
Mais après, je ne dirais pas que les uns sont plus beaux, plus fashion, plus kitch etc... que les autres.
Juste une remarque: attention à ne pas trop en utiliser quand on est dans une phrase qui emploie pas mal de possessifs. Pour éviter cet effet "serpent" justement .

L'aération du texte

Non, je ne me fous pas de votre gueule. Je sais, certains diront que je dois être le dernier élève de la promo pour ce dernier critère. Et alors? Je m'améliore. J'ai corrigé mes derniers textes, et je commence à comprendre la nécessité de former des paragraphes.
Il est vrai qu'un texte en un bloc de deux cents lignes, ça peut faire beaucoup. Déjà, pour se repérer dans le texte, c'est pas simple (et même pour l'auteur quand il s'agit de se corriger !).
Il faut donc penser à faire des paragraphes. Oui, mais pas n'importe comment.

Hector brûlait d'impatience tandis que Catherine préparait le ragoût de lapin. Il s'agissait de la viande favorite du gentilhomme. On l'accompagnait avec de petites carottes coupées avec amour.

De petites pommes de terre sautées faisaient aussi l'affaire. De toute façon, Hector ne refusait rien. Quoi qu'il arrive, Catherine était sûre que son repas serait dévoré.

Enfin, le truc illogique quoi .
Non, la plupart du temps, ces césures sont pratiques pour une ellispe narrative. Genre, vous voulez faire la scène du repas, mais vous ne désirez pas forcément préciser comment Hector prend sa fourchette et son couteau, comment les deux marmots arrivent à table et comment se déroule la première partie chiante et sans intérêt du service de la bouffe, bah c'est pratique un paragraphe. Et ça aère .

Bref, le petit cours est à présent terminé. J'espère que vous avez tenu le coup jusque là (moi oui, c'est marrant hein?). Si vous avez quelques précisions à ajouter, je suis bien évidemment preneur . Et maintenant, plus de lourdeur n'est-ce pas ?!

Très intéressant ce petit cours. Il vrai qu'il est dur de trouver un juste milieu entre un texte léger mais pâlichon et un texte complexe et torturé mais bien littéraire....
Les participes présent... En effet ça existe. C'est très utile à l'oral et dans une copie mais dans une oeuvre... Tu as raison, c'est hideux. Et portant, c'est dur de s'en passer. Tu l'auras remarqué, j'en utilise presque à chaque phrase. Enfin bon, je vais essayer de prendre de la graine de ce cours pour la rédaction de la nouvelle fantastique qui commence à se mettre en place...

Oui, en fait, les participes présent sont surtout utile pour une rédaction "technique".
Genre un truc pas littéraire quoi.
Un commentaire composé par exemple. "En s'appuyant sur l'oeuvre", "en admettant que l'auteur ait voulu ...". Mais pas pour un roman !

Je peux te citer des textes très littéraire et très allégé à la fois .

Arf, le perso principal de ma nouvelle et donc, celui qui raconte l'histoire, a l'air d'être un fan des participes présents (je ne lui ai rien dit, je les aime bien aussi xD)... Il faudra que j'en retire quelques uns^^

Vermeille a écrit:
(Faut non plus éradiquer totalement les participes présent/passé, sont utiles parfois. Juste que trop bah on s'étouffe.)

Ah non, les participes passés sont beaucoup mieux vus dans la famille . Au contraire, on les conseille pour remplacer leurs cousins du présent .

Et comment ça mes exemples t'ont fait rire? C'était pas du tout le but .

Liven, ta nouvelle est bourrée de participes présent?

Je n'irais pas jusqu'à dire "bourrée"... mais il y en a un peu plus que la moyenne. Je vais relire ce que j'ai déjà écrit cette après-midi pour rectifier le tir.

Oui c'est sûr... Au moins on sent que c'est du vécu !

[Il s'appelle comment ton père pacô... à moins que tu n'ai changé les noms pour les exemples...]

Sympa le cours, surtout la partie aération, je n'aurai jamais cru que tu y toucherais
Et sinon, y a pas vraiment de chute pour l'histoire de ton petit Hector T_T

Ah, mais dans un prochain cours, il y'a aura: Hector le retour, lui et ses passionnantes aventures.

En attendant, il vous fait découvrir vos erreur T_T.

Mdr j'adore la vie trépidante d'Hector !

Encore de très bons conseils de notre mentor Pacô... mais ! Je lutte contre la tyrannie ! (suivez-moi les amis !)

Je suis d'accord : les participes présents, subordonnées et consorts sont à éviter au maximum certes, mais non à bannir ! Ne devenons pas totalitaires ! La langue française est riche et je suis sûre que l'on peut l'exploiter entièrement en utilisant subordonnées ET participes présents sans rendre son texte lourd et imbuvable.

A ce propos, je pense aussi, Pacô, que tu pourrais ajouter la ponctuation à ton petit cours sur les allègements possibles d'un texte. On oublie trop souvent des signes tels que le point virgule ou les deux points, qui peuvent aussi éviter certaines phrases trop lourdes et permettent au lecteur de reprendre son souffle.

Mais toujours : à utiliser avec modération !

Les lourdeurs, c'est comme l'alcool ! (à quand la campagne : tu t'es vu quand t'es lourd ?) (ok il est tard, je vais pas tarder à aller me coucher... enfin je crois)

Merci !! Pacô !!

J'ai lu deux/trois de tes cours et, bah, ça a tout remis en place dans mon cervelle de "gars-qui-fait-des-phrases-à-rallonges".

Tout est clair!

Sinon, tu devrais faire une petite nouvelle sur Hector. C'est un personnage qui m'a l'air bien sympatique.

Bon, sinon, personnellement, j'ai jamais eu besoin de me brosser les cils Lol.

De rien .

Ce cours est à présent en ligne, corrigé et un peu moins argotique () sur le site internet :
http://imperialdream.fr/cours/27-comment-alleger-son-texte-.html

Si vous voulez le relire .

Un petit rafraîchissement de mémoire, ça fait un bien fou.

Merci pour ce petit cours.

Et pourtant, quand je le relis, je me dis qu'il y aurait tellement de points à améliorer. En premier lieu, la façon d'aborder les choses... ^^"

Merci pour cette leçon ma foi très utile :3 Je saurai me montrer digne de ce savoir

Il mériterait en effet quelques mises à jour depuis 2009.
Mais ravi qu'il te plaise !

Voici donc LE TOPIC par lequel je suis arrivé sur ce forum. Un topic qui m'a été très utile et que j'ai appliqué dans la foulée à mon premier chapitre de ma nouvelle.