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Ma vie parmis les ombres, Richard Millet

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Ma vie parmis les ombres, Richard Millet Empty Ma vie parmis les ombres, Richard Millet

Message  MrSonge Sam 22 Aoû 2009 - 12:31

Ma vie parmis les ombres, Richard Millet 9109-medium

Deux mots sur l'auteur :

Originaire du Limousin, Richard Millet vit de sept à quatorze ans au Liban, sa deuxième culture, puis rentre à Paris. Son écriture rend hommage à sa terre natale et à son pays d'adoption. En 1977, il rencontre Louis-René des Forêts, l'auteur du 'Bavard'. Celui-ci lui enseigne qu'écrire est une véritable épreuve physique. Son vingt-cinquième roman, 'Ma vie parmi les ombres', se déroule en Corrèze. Il signe des nouvelles comme 'Sept passions singulières' et des essais dont 'Harcèlement littéraire'. Richard Millet aurait souhaité être pianiste, une passion pour le clavier qu'il assouvit en amateur.

Son œuvre se construit autour des thèmes du temps, de la mort, de la langue, et n'est pas sans évoquer la démarche proustienne. Son style se veut l'héritier de la grande prose française « de Bossuet à Claude Simon ».
Plusieurs de ses romans ont pour cadre le village de Siom, pendant littéraire de Viam : notamment La Gloire des Pythre, L'Amour des trois sœurs Piale, Lauve le pur, Ma vie parmi les ombres. Plus largement, le plateau de Millevaches, son paysage, son climat, sa situation géographique, l'évolution de la vie de ses habitants au cours du siècle, sont des éléments essentiels à l'économie de ces textes, comme le sont la Haute-Provence pour Giono, le comté de Yoknapatawpha pour Faulkner ou le Wessex pour Thomas Hardy.

Il entremêle références religieuses et mots crus, manière de s'inscrire dans la tradition française catholique tout en montrant qu'il a intégré la liberté sexuelle moderne. Le désir, la souffrance, le mal sont des thèmes qui traversent toute son œuvre.

Citation :
«Qu’est-ce que la vérité d’un visage, sinon ce qu’elle laisse deviner de l’âme ?»
« La littérature est le lieu de l'inconciliable, de l'irréguralité langagière. »
«Ce n'est pas le temps qui nous tue mais nous qui, incarnant le temps, ne cessons de nous dévorer nous-même, à chaque instant.»
«Un livre est toujours peu ou prou, un amour enterré.»

Deux mots sur le livre :

" J'ai vu s'éteindre, à Siom, sur les hautes terres limousines, entre les années 60 et le début de ce nouveau millénaire, le monde rural dans lequel je suis né. J'ai vu finir une civilisation qui avait duré des siècles. Ils sont tous morts, les Bugeaud comme toutes les grandes familles siomoises, et c'est pourtant parmi eux, hommes et femmes que j'ai vus vivre et que je croyais immortels, que j'erre aujourd'hui, perdu ou sauvé par l'écriture, ombre parmi les grandes ombres de Siom. " Entre un père inconnu et une mère absente, ce fils de personne grandit à l'ombre de fantômes, errant plus souvent entre les livres et les absents qu'avec ceux de son âge. Le temps d'une nuit, pour sa jeune amante, il déploie le passé de sa terre natale, des lieux et un monde disparus " puisqu'ils n'existent que dans la mesure où on parle d'eux ".

De livre en livre, Richard Millet s’attache à nous conter les destinées des habitants du village de Siom, en Haute-Corrèze, élaborant ainsi une Comédie Humaine, amère et nostalgique, en miniature à l’échelle d’un village.

Dans Ma vie parmi les ombres, Richard Millet cède la parole à Pierre Bugeaud, écrivain, vivant aujourd’hui à Paris, loin du village où il a grandi. Pierre Bugeaud se remémore son enfance délaissée, né de père inconnu et abandonné par sa mère aux bons soins de ses grands-tantes, dernières représentantes d’une famille autrefois prospère, propriétaire de terres ainsi que de l’unique auberge du village.

Ma vie parmi les ombres est un long chant - presqu’une lamentation funèbre – à la mémoire de cette communauté villageoise qui brille de ses derniers feux, les champs et les maisons sombrant dans l’abandon à mesure que les jeunes quittent leurs terres pour découvrir d’autres horizons, tandis que les plus vieux s’en vont dormir de leur dernier sommeil. Ma vie parmi les ombres est aussi un hymne à la gloire de la langue qui se parlait dans cette communauté en train de s’éteindre : mêlant un Français d’un classicisme très pur aux sonorités et aux images plus rustiques du patois limousin. Et l’écriture de Richard Millet déploie toutes ses richesses pour évoquer une langue sur le point de disparaître...

Première phrase :
« Après moi la langue ne sera plus tout à fait la même. Elle entrera dans une nuit remuante. Elle se confondra avec le bruit d’une terre désormais sans légendes. Les langues s’oublient plus vite que les morts. Elles tombent, comme le jour, le vent, ou le silence sur le monde où je suis né et qui était peuplé de gens rudes, peu loquaces, au visage tourné vers le couchant, et qui auraient souri de me voir, le dernier des Bugeaud, seul de ma race à écrire aujourd’hui le Français à peu près comme ils ont rêvé de le parler ou, pour quelques uns, l’ont parlé, quand ils ne s’exprimaient pas en patois, dans ce parler limousin où s’entendaient encore, entre les souffles des animaux et ceux des grands bois, tous les temps du subjonctif(...) »

Un avis anonyme:

A déguster comme un vin rare !

Un livre écrit par un orfèvre des mots ,plein de la nostalgie d'un temps qui ne reviendra plus. Un regard plein de tendresse sur l'enfance, sur une France révolue, sur la vie au coeur du Limousin au début des années 60.Un hymne à la langue Française qui se parlait comme elle ne se parle plus, aux femmes aussi.A peine refermé le livre les personnages qui nous ont accompagné au cours de la lecture font un peu partie de nous.A savourer.

Un extrait :

" Je réinvente ici les visages, les voix, les gestes, les pensées de ceux qui m'ont vu naître et sont morts sans avoir fait beaucoup de bruit, désespérant de restituer leurs vies, sinon de façon sommaire, superstitieuse, aléatoire, injuste : des spectres reconsidérés par le fantôme de l'enfant que je fus et que nulle voix d'adulte, nulle écriture, pas même une photographie, ne saurait rappeler à la vie, et qui font de moi une ombre parmi les ombres, un archiviste sourd et un voyant presque aveugle, ce que j'écris ici étant bien peu de chose en regard de la terreuse épaisseur de ces existences. Je voudrais donner de la vraisemblance à ce qui n'a plus de voix, de corps, ni même de destin parce que nul ne se souvient d'eux et ne souhaite entendre parler de ces morts qui m'ont précédé dans la terre froide de Siom et qui me montreront le chemin, le moment venu lorsque je descendrai dans des caves bien plus profondes que celles que j'explorais enfant. "


Mon avis :

Richard Millet écrit l'une des proses les plus musicales et les plus exigeantes d'aujourd'hui mais peu de gens le savent. Intransigeant, secret, amoureux de la langue comme de la beauté adolescente, il fait du roman une manière de gloire.

Depuis vingt ans déjà, je crois, tressant l'ultime à l'inaugural, la solitude à la beauté, la disgrâce à l'élection, l'oeuvre de Richard Millet s'attache à cerner, derrière la figure de l'artiste, ce qui est peut-être la part la plus secrète de la littérature, ce qui en elle relève de la haine de soi, de l'imposture, du fond nocturne de l'existence et de la grande nuit de l'enfance. Une oeuvre où bat la langue, où le goût du temps se mesure à l'envergure de l'initial, où la parole rend palpable le relief de ce qui la hante : le sentiment de la langue1, la connivence liant les forces de génération aux forces de destruction, l'innocence, la pureté, le chant, l'impossible gloire, la dette, l'enfance corrézienne.

L'auteur, dans ce livre, tende de saisir de son style une existence, afin de l'arracher à " l'insignifiante frise où figurent tant de vies semblables les unes aux autres pour la transfigurer, de sorte que l'écriture soit l'ultime dignité des humbles, des taiseux, des offensés, de tous ceux qui n'ont pas voix au chapitre ".
Et même si la langue dénude plus qu'elle unit, même si elle isole, n'est qu' "un ensauvagement que rien ne rend acceptable, pas même la littérature, laquelle est, au contraire, le lieu de l'inconciliable, de l'irrégularité langagière, de l'écart, de l'étrangeté absolue ", il faut qu'on la respecte et qu'on l'aime cette langue, "comme on aime les femmes, et peut-être bien davantage : textes et corps recherchés avec la même faim, le même désespoir, parfois, de même que nous nous obstinons après un type de femme qui serait nôtre, avec la même puissance de lucidité et d'illusion qui fait de nous, la cinquantaine venue, des jouisseurs ou des ascètes des amateurs pervers ou rêveurs (...). Comparaison certes aisée, mais qui, s'agissant de ce singulier amour de la langue, implique autant de devoirs (loin de l'imbécile idée selon laquelle les mots doivent faire l'amour et de la frénésie de calembours, jeux de mots et contrepèteries dont se nourrit le langage contemporain) qu'en demande l'amour d'une femme."

Si je disais de Ma vie parmi les ombres que c'est du grand art, qu'il s'agit d'un livre envoûtant admirablement servi par un souci amoureux de la langue, ce ne serait pas suffisant. Il faudrait encore que je souligne combien l'auteur a la faculté de nous renvoyer à nos propres secrets, comme à la vérité quasi musicale de tout corps. J'ajoute aussi que cette lumineuse leçon de ténèbres est une façon de nous rappeler combien écrire consiste à faire parler des morts, à remuer l'ombre et les échos enfouis de ceux et ce celles qu'elle a portés, qui nous ressemblent ou à qui nous finiront par ressembler.
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