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Message  MrSonge Ven 27 Nov 2009 - 17:29

"L'intelligence, c'est la capacité qui permet à un sujet d'adapter sa pensée et son comportement aux modifications du milieu."

Ça c'est une certaine forme d'intelligence, il y en a de nombreuses autres. Un type foncièrement mauvais en maths pourra bosser toute sa vie, il ne parviendra pas à être excellent. Bon, oui, puisqu'il travaillera, mais un type comme Einstein était un génie de façon innée.
L'histoire de "nous sommes tous égaux", (pas en droits, hein!), pour moi, c'est de la foutaise. Sinon je n'aurais pas une moyenne de maths parfaitement médiocre alors que je crois travailler honorablement, c'est ce qui fait qu'un Karajan est unique, qu'un Bergson est unique etc...
Il y a des gens qui naissent plus stupides que d'autres, dans l'absolu, et la preuve par l'extrême : les handicapés mentaux. Les génies naissent géniaux également, après la question d'exploiter ses dons (innés), c'est autre chose ! Un type médiocre peut facilement parvenir à être meilleur en maths qu'un petit surdoué qui glandouillera toute sa vie.
Mais à la naissance, non, on ne part pas tous avec des chances égales, hélas pour certains, tant mieux pour d'autres.
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Message  Pacô Mer 9 Déc 2009 - 22:21

Chapitre 8.

Depuis trois quarts d'heure qu'il était installé à son bureau, Abel Fresnay n'avait pas écrit une seule ligne. Il n'avait fait que souligner trois fois les mots Chapitre XIV, qu'il avait tracés la veille au soir.
=> le double "qu'il"... ça kill.
(quoi? Il est tard !)

D'autres endroits, qu'il avait voulus plein de tendresse et d'émotion,
=> j'aurais mis "tendresses et émotions" au pluriel moi.

et sur à peu près tout les sujets qui se prêtent à l'étalage d'une philosophie de comptoir
=> tous

Lorsque l'on a plus la curiosité de savoir comment cela fini, on n'a plus aucune raison d'en ouvrir un.
=> finit.

Je ferais le commentaire plus tard Wink.
A vendredi soir ! Smile
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Message  Pacô Ven 11 Déc 2009 - 21:35

Désolé d'être parti si précipitamment l'autre soir.
Je reprends où j'en étais:

D'un point de vue analyse linguistique:

C'est beaucoup plus agréable à lire. Moins de termes trop compliqués destinés à un public d'initiés.
Tu reviens au commun des mortels j'ai envie de dire. C'est pas plus mal Wink.

Point de vue de l'histoire:

Là par contre, je me suis dit "aïe".
Je trouve très peu crédible le Fresnay qui se rend subitement compte de la mauvaise qualité de son oeuvre.
Surtout, qu'il a pas eu un peu de doutes et que ça me paraît un peu brutal, un peu deus ex machina même.

Et pour moi, un mec qui a écrit toute sa vie comme ça a vraiment l'impression de bien écrire et je ne vois aucunement la raison pour laquelle il s'en rendrait compte tout seul.
Je croyais trop qu'il y aurait eu l'entrée d'un personnage subsidiaire dont Fresnay se serait entiché et qui lui aurait fait remarquer toute la platitude de ses écrits. Et ce n'aurait été genre que cette personne (femme ? Rolling Eyes) qui l'aurait remis en question...
Enfin tu as mon avis, je ne partage pas du tout l'avis de cette "transformation" et je trouve du coup l'intérêt du roman beaucoup diminué: j'aurais aimé un réel débat, pas l'imposition directe et indiscutable de ta vision des choses Smile.

Sinon, quand même, j'ai bien aimé l'effet "feuille blanche" qui arrive souvent à l'auteur en manque d'inspiration ou trop préoccupé Wink.
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Message  MrSonge Ven 11 Déc 2009 - 22:08

Ah je comprends tout à fait t'a réaction, mais il s'agit en fait d'un premier syndrome. Dans la partie suivante, Fresnay va être entièrement requinqué par le Salon du Livre et repartir dans son grand délire d'auto-satisfaction. Puis va arriver ce personnage qui va commencer gentiment à permettre l'installation durable de l'esprit de Fresnay dans cette optique de remise en question. Mais cette première crise est tout ce qu'il y a de passagère, rassure-toi.
Maintenant, si j'y suis allé un peu loin, si c'est pas plausible, je veux bien élaguer un petit peu. ^^
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Message  Pacô Ven 11 Déc 2009 - 23:35

Bien... je pense qu'il faudrait élaguer un peu oui XD.
Parce que ça me paraît un peu trop gros à moi.

Tu peux le faire douter, lui faire faire une grosse colère parce qu'il arrive pas à écrire et qu'il se donne l'envie de tout balancer (comme on peu le faire parfois, notamment quand on apprend que la salle qu'on pensait avoir depuis un mois pour son concert s'est faite kidnappée par d'autres sous ton nez), mais sûrement pas... ça.

Là, ça fait déjà trop réflexion profonde. Il faut un peu de superficiel. Un gros cou de nerf, mais pas de réflexions bien menées. Pas encore plutôt.
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Message  MrSonge Jeu 14 Jan 2010 - 18:19

Bon, j'ai enfin pris le temps de revoir cette première partie de chapitre, du point de vue du style surtout, à vrai dire, mais c'est déjà ça... ^^
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Message  nico4g Ven 15 Jan 2010 - 16:16

Bon, je te livres mes impressions (oui, j'ai racheté de l'encre...)
;
Nicéphor Fabergé voudrais-tu dire que la petite lucarne n'est que l'oeuf éclos de la photographie ? alluma le poste de télévision.
Le générique fit rapidement place à un plateau scintillant de lumières bleues et blanches. Au centre se trouvait une longue table rectangulaire sur laquelle apparaissaient, par intermittences, les noms des différents invités. Le présentateur, au sourire étincelant et à la mise aussi impersonnelle que tape-à-l'oeil, était installé à la répétition place/ placésplace d'honneur, face à la caméra. Les six invités étaient placésrépet par trois de chaque côté de la table. Le fond du plateau était constitué d'un écran qui diffusait des images de bords de mer au clair de lune, et sur lequel passait chaque minute une photographie particulièrement terne d'un invité.
Après quelques secondes par rapport à quoi ^^ au générique, j'imagine, Bernard Tavel, le présentateur, prit la parole et présenta les invités de l'émission. Il y avait quatre hommes et deux femmes : trois écrivains, un journaliste au Figaro et une politicienne.ça fait 5 Mieux vêtus les uns que les autres, chacun tentait de trouver la pose la plus avantageuse et de ce fait la plus artificielle hum, la plus avantageuse n'est pas forcément la plus artificiellepossible lorsque la caméra le j'aurais mis "les"fixait, tandis que Tavel déblatérait d'une voix aux inflexions doucereuses un bref résumé de leur biographie. Massacrant toutes les règles de liaisons de la langue française, il s'arrêta finalement sur l'homme qui était assis à sa droite et qu'il avait présenté comme étant un écrivain à succès répondant au nom d'Abel Fresnay. Extirpant un volumineux ouvrage de la pile de livres qui avait été placée sur le bord de la table, à portée de son bras, il en montra aux spectateurs la hideuse couverture et rappela que ce roman était en librairies depuis deux jours seulement mais qu'il semblait d'ores et déjà vouloir se hisser au sommet de la liste des meilleures ventes.
Au-dessus d'une informe représentation de la terre vue de l'espace et posée sur un damier géant, le nom de l'auteur s'étalait prétentieusement en caractères en relief sur toute la moitié supérieure de la couverture, dissimulant presque le titre: Jeu de Rôle.
Après avoir reposé le livre devant lui, le présentateur débuta l'entretien en en résumant l'histoire. L'auteur avait imaginé une situation dans laquelle Dieu, lassé des doléances incessantes de la race humaine, aurait décidé de laisser les hommes se débrouiller par eux-mêmes pour qu'ils comprennent enfin la difficulté et la complexité de sa tâche. Dès lors, le pouvoir religieux s'était écroulé, car l'Homme, qui avait pris conscience de l'inexistence, ou plutôt de la démission de Dieu, ne cherchait plus aucun appui spirituel.
« Vous êtes, nous le savons tous, continua ensuite Bernard Tavel, un auteur très apprécié des adolescents - mais pas uniquement. Comment expliquez-vous ce succès qui ne s'est pratiquement pas démenti au fil de vos huit livres ? »
Après une courte hésitation et une brève inspiration, Abel Fresnay changea de position et répondit de sa voix fluette légèrement teintée d'un désagréable accent indéfini qu'il estimait tout simplement avoir offert aux lecteurs lassés des classiques poussiéreux et des tournures stylistiques absconses et prétendument artistiques une nouvelle forme de rêve. En écrivant des livres dans lesquels on trouvait de l'action, des décors grandioses, Fresnay expliqua qu'il pensait avoir réussi à offrir une forme de littérature qui s'adressait plus au lecteur d'aujourd'hui, friand de rebondissements surprenants, d'intrigues captivantes, qu'aux critiques obtus qui semblaient prendre plaisir à se scléroser dans des lectures alambiquées incapables de répondre aux besoins et aux envies du public actuel. Fresnay me fait penser à Werber, un auteur que j'ai lu
« A ce propos, enchaîna le présentateur, on vous reproche souvent votre manque de style. Un critique littéraire du Figaro a même été jusqu'à écrire à propos de votre dernier roman, La Fleur du Paradis :

Les romans de monsieur Fresnay sont écrits à la truelle, de façon à minimiser considérablement l'effort intellectuel que le lecteur aura à fournir tout au long du texte. Cet ouvrage n'a aucune finalité esthétique et au fil de ses trop nombreuses pages je n'ai, hélas, relevé que très peu de phrases sur lesquelles on puisse avoir envie de s'arrêter.

- C'est en effet, répondit-il, l'explication qu'ont trouvé certains critiques parisiens à ce qu'ils ont vu comme une absence de style. Je dirais plutôt que j'ai simplement décidé d'écrire de la façon la plus claire possible, en allant droit au but, sans fioritures. C'est, en soit, un choix artistique que d'avoir un récit simple pour ne pas ennuyer le lecteur. Car c'est mon souci principal, il ne faut pas que mon lecteur s'ennuie et c'est pourquoi je met un point d'honneur à essayer, du mieux que je peux, de le surprendre le plus souvent possible.
- Vous ne cherchez donc pas à «faire du style» ?
- Absolument pas, approuva catégoriquement Fresnay. Je ne comprends pas pourquoi il existe, dans le milieu littéraire, cette orthodoxie du style. Je ne cherche pas à impressionner le lecteur par mes belles tournures de phrases ou à l'inciter à chercher un dictionnaire pour saisir la beauté d'une seule phrase. Je privilégie avant tout les idées et non le style, l'histoire et non l'enveloppe formelle. ».


Sympa, ça se lit bien. Les idées exposées ici tiennent la route, cependant je vais voir comment tu tiens la distance sans rendre ton récit abscons.
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Message  MrSonge Ven 15 Jan 2010 - 16:44

Non, Nicéphor n'a rien à voir avec Niepce, mais Fabergé est évidemment une allusion aux oeufs. Une allusion due à ma seule envie, d'ailleurs, puisque le personnage n'est pas russe, ni joaillier. ^^

Pour la répétition de "placer" et le problème de nombre, je suis vraiment désolé, visiblement j'ai oublié de reporter ces corrections sur le topic en question. Je vais aller vérifier le tout, si tu me le permets, comme ça tu n'auras pas à corriger des choses déjà signalée, si tu as le courage d'aller plus avant dans ta lecture. ^^

Fresnay est un condensé de tout ceux que je considère comme des écrivaillons, mais en effet, ce passage est inspiré d'une véritable émission où est passé Werber, et certains des propos de Fresnay sont des répliques de Werber que j'ai retournée à ma façon (il parle comme il écrit... très mal xD).

En tout cas, merci beaucoup de me faire le plaisir de t'attaquer à mon roman, je vais de ce pas enregistrer tes corrections et vérifier les extrais suivants ! Merci ! ^^
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Message  nico4g Sam 16 Jan 2010 - 2:05

La caméra changea de place et quitta Fresnay pour se promener quelques instants sur les visages immobiles des autres invités,non, maintenant t'a plusieurs caméra : la caméra 1 céda sa place à la 2 qui se promena... Le réalisateur reprit sur la 1 pour montrer le présentateur en train d'expliquer (pour éviter les trois relatives... puis se fixa sur le présentateur qui expliquait maintenant qu'il était connu que de nombreux lecteurs des romans de Fresnay s'étaient réconciliés avec la lecture grâce à lui et ne lisaient pas avant la découverte de cet auteur.] s'ils ne lisaient pas avnt comment ont-ils pu se réconcilier ?
Ce dernier répondit, en affichant un sourire qui semblait être un rictus de satisfaction]en affichant un rictus de satisfaction il faut bannir les sembler, paraitre et autre, t'es pas encore payer au mot Cool , qu'il pensait en effet être un auteur marginal et donc que la plupart de ses lecteurs l'était aussi]je ne pense pas, vu qu'il "bestsellerise", je crois plutôt qu'il se voit comme un auteur populaire tel un Dumas moderne. Il affirma une fois encore qu'il incarnait sans doute une forme de littérature qui offrait autre chose que des ouvrages rébarbatifs dans lesquelles l'action est lente et le lecteur s'ennuie irrémédiablement.
L'écran du poste de télévision affichait maintenant un plan large du plateau. Les techniciens cadrèrent ensuite sur Abel Fresnay et le présentateur par la gauche, laissant ainsi au spectateur tout le loisir d'admirer le dos de trois des invités. Par un jeu de miroir classique, un quart de la paroi du fond de la salle était occupé par le reflet de l'écrivain qui lissait sa chevelure brune ondulée du plat de la main. Lorsqu'il expliqua ensuite que son éditeur l'avait averti de l'impossibilité de plaire à la fois à la critique et aux lecteurs, la caméra adopta un angle de vue panoramique.
« Ce n'est pas parce que j'ai un nombre de lecteur élevé et que je figure dans la liste des meilleures ventes que je suis un auteur commercial, argua Fresnay. Je n'écris pas pour vendre mais simplement dans le but, comme tout artisan,]un artisan ne fait pas de l'art ^^ de créer quelque chose de neuf, d'avancer dans une recherche de la perfection que je ne mènerais sans doute jamais à son terme.
- C'est justement là où je voulais en venir. La critique a souvent vitupéré ]oh, un présentateur qui sort ça un jour... vous a souvent reproché votre manque de style, arguant...contre vous en arguant parfois qu'un journaliste de Gala a d'avantage de style que... »
Nicéphor Fabergé ne laissa pas le présentateur aller plus avant. Il éteignit la télévision d'un geste nerveux et posa la télécommande sur le guéridon placé près de son fauteuil.[quote]

C'est bien, tu tiens le rhytme, ce qui est loin d'être évident dans ce genre.

Les trois solécismes qu'avait lancés en rafale Tavel aux centaines de téléspectateurs qui regardaient son émission n'en firent tressaillir qu'un seul. Que cet inculte étrillât scrupuleusement les liaisons n'avait pas manqué d'exaspérer Fabergé, mais qu'il s'attelât de surcroît avec abnégation à martyriser consciencieusement avec abnégation et concieusement, ça fait trop, faut choisirla syntaxe lui fut insupportable.
Sans quitter des yeux le poste à présent silencieux, il alluma d'un geste lent sa chaîne stéréo, qu'il avait à portée de main. Les premières notes du seizième quatuor de Beethoven s'échappèrent des hauts-parleurs pour envelopper progressivement Fabergé qui semblaitqui se détendait lentement lentement se détendre, laisserlaissant son âme toute entière se diluer dans le flot bienfaiteur des sons produits par les quatre archets. Ulcéré par les propos que tenait Abel Fresnay dans cette émission prétendument culturelle, il se laissa pénétrer tout entier par cette musique divine qui l'éloignait un peu plus à chaque nouvelle mesure d'un des représentants les plus significatifs d'une catégorie d'écrivains qu'il abominait exécraitparticulièrementinutile. Lorsque s'éteignirent les derniers sentiments de colère, d'indignation et de désolationà ce point là ! attention à l'emphase aussi... qu'avait fait naître en lui la vision du début de cette émission télévisée, il se leva sans hâte et se dirigea vers une fenêtre qui donnait sur la rue. A l'extérieur, le ciel était déjà noir et les lumières de Paris semblaient encore !tenter vainement de rivaliser avec l'éclat des myriades d'étoiles qui formaient comme un collier nocturne dont les perles se serraient dénouées du cou de Dianed'une quelconque divinité lunaire. Au loin, il pouvait distinguer la silhouette lumineuse de la Tour Eiffel qui couronnait à la manière d'un diadème effilé l'enchevêtrement compact des toits parisiens si souvent immortaliséimmortalisés par les peintres. Le bruit des automobiles lui parvenait affaibli, comme si ce n'était pas sous sa fenêtre qu'elles faisaient vrombir leur moteurs mais à plusieurs centaines de mètres de son appartement, dans un autre quartier, peut-être même sur l'autre rive.
Un craquement du parquet antédiluvien qui tapissait le sol de son salon le fit se retourner lentement. Son épouse, Aurore, une jeune femme aux cheveux blonds bouclés, coupés assez courts et quelque peu ébouriffés, disparaissant à moitié dans un pull-over trop grand pour elledescription trop longue, on perd le fil, venait d'entrer dans la pièce. Elle tâtonna quelques instants près de la porte puis trouva l'interrupteur du plafonnier qu'elle actionna, obligeant son mari, ébloui par la lumière trop blanche, à ciller plusieurs fois. Elle avança dans la pièce et s'arrêta à la hauteur d'une table ronde en bois de cerisier, recouverte de feuilles de papier noircies de vingt écritures manuscrites différentes, éparses et dont certaines étaient agrafées à quelques autres. Aurore passa lentement le doigt sur quelques-unes de ces copies, penchant légèrement la tête pour déchiffrer les remarques rédigées dans les marges, à l'encre rouge.
« Les rédactions de ma terminale, expliqua Nicéphor sans s'éloigner de la fenêtre. Sur le sujet :

L'homme n'a pas d'âme, l'art seul en possède une.

- C'est de Wilde ? »
Le jeune homme opina de la tête, en silence, avant d'ajouter qu'il n'avait pas terminé toutes les corrections. Sa voix semblait uniquement destinée à susurrer les choses mais sa diction était si claire, si limpide et si précise même chose, trois adjectifs pour une idée communeque son interlocuteur, aussi éloigné qu'il fut placé, comprenait chaque mot. Il ne haussait le ton que lorsqu'il était sous l'emprise d'une émotion violente, que ce fut une joie intense ou une colère noire. Le reste du temps, ses discours semblaient celui-là tu peux le garder ^^faits d'une longue suite d'apartés et de confidences, qu'il faisait peut-être plus à lui-même qu'aux autres.
« Tu as gardé celle de Clairambault pour la fin, comme d'habitude ? demanda Aurore sur un ton presque affirmatif.
- Oui, répondit son mari. Cela me redonne espoir.
Il se détourna lentement de la fenêtre et s'approcha de la table, s'y assit et se saisit d'un stylographe rouge qu'il avait laissé débouché plus tôt dans la soirée.
- Je vais d'ailleurs m'y remettre, il faut que je les rende demain.
- Elles sont comment, cette fois-ci ?
Fabergé ne répondit pas. Il se contenta de lui tendre trois groupes de feuilles agrafées, en haut desquelles était tracé un grand 8/20 à l'encre rouge. En les reposant sur la pile qu'il venait de faire, décidé à mettre un peu d'ordre dans les copies de ses élèves, il ajouta qu'elles étaient à peu près toutes pareilles, la meilleure méritant pour l'instant la médiocre note de douze sur vingt.
« J'ai relevé un record de sept solécismes, deux barbarismes et une vingtaine de fautes d'orthographe grammaticale sur une seule page.
- Cela c'est la forme, mais qu'est-ce que vaut le contenu ? demanda Aurore en s'asseyant à côté de son mari.
- Il vaut les notes que je leur ai mises. Autant dire pas grand-chose, j'ai l'impression qu'ils atteignent tout juste le niveau qu'ils auraient dû avoir en troisième. Mais le plus affligeant, c'est que j'en ai vu au moins dix aller chercher dans le dictionnaire qui était Wilde. »
Nicéphor Fabergé se tut et demeura quelques instants immobile, le regard perdu dans le vague. Il se lança ensuite dans la correction de l'ultime rédaction, celle de son élève le plus doué, un grand garçon au long corps étique, qui avait doublé sa seconde à cause de sa moyenne catastrophique en mathématiques et qui répondait au nom de Philémon Clairambault.
Un peu moins d'une heure plus tard, lorsque Fabergé glissa soigneusement la liasse de copies de son porte-documents noir, celle du jeune homme était couronnée d'un 18/20 souligné de trois fins traits incarnats..

Oui, intéressant mais quelques passages mériteraient d'être plus simples. La subtilité plus que l'emphase. En tous les cas, c'est original et il y a un vrai travail derrière.
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Message  MrSonge Sam 16 Jan 2010 - 9:19

je ne pense pas, vu qu'il "bestsellerise", je crois plutôt qu'il se voit comme un auteur populaire tel un Dumas moderne.

un artisan ne fait pas de l'art ^^

Les deux sont de Werber. L'idée de marginalité ainsi que le terme d'artisan. C'est à la mode, maintenant, de se faire un peu prolétaire sur les bords en dénigrant l'art au profil de l'artisanat. C'est plus populaire, c'est mieux, c'est plus accessible aux masses.

oh, un présentateur qui sort ça un jour... vous a souvent reproché votre manque de style, arguant...
C'est un peu gourmé, je le concède, mais j'ai besoin des trois solécismes, je ne peux donc pas changer cette réplique qui m'a déjà demandé des heures de réflexions. xD

immortalisés
Non, c'est "l'enchevêtrement" qui a été immortalisé. ^^

de Diane
Diane la Chasseresse ne porte pas de collier, et je pensais plus à une personnification de la Lune, comme Séléné. Cependant je préfère garder le flou pour laisser au lecteur le choix de sa mythologie de prédilection.

Ces petites restrictions signalée, je m'en vais corriger les autres problèmes signalés de ce pas, en te remerciant derechef de ta lecture et de tes corrections !![quote]
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Message  nico4g Lun 18 Jan 2010 - 3:32

Chapitre Second


Fabergé quitta la salle des professeurs quelques secondes après que la sonnerie a ait retenti jusque dans les moindres recoins du lycée. Il descendit d'un étage et s'engouffra dans un long couloir, passant devant des portes fermées derrière lesquelles il pouvait vaguement entendre ses collègues débuter leur cour, réclamant le silence, commentant mécaniquement des formules dont ils noircissaient le tableau ou débitant d'une voix morne leur savoir rabâché depuis leur nomination.
Arrivé devant la porte entrouverte de la salle où il allait faire cours, il s'immobilisa au milieu du couloir, essayant de distinguer une phrase compréhensible au milieu du brouhaha qui régnait dans la classe. Se remémorant les piètres dissertations qu'il avait terminées de corriger la veille, il se surprit à vouloir rebrousser chemin, détruire les travaux de ses élèves. Pourtant, il chassa rapidement ces pensées de son esprit et pénétra d'un pas rapide dans la salle de classe, souhaitant le bonjour d'une voix qui couvrit difficilement le bruit des conversations. Une fois que Fabergé se fût assis à son bureau, le charivari diminua progressivement pour finalement se muer en quelques chuchotements discrets. . n’y a-t-il pas là un pléonasme ^^ ? mon préféré : fermer les maisons closes Au dernier rang, une élève, vautrée sur sa chaise mal réglée, . j’ai du mal à imaginer une chaise mal réglée écrivait discrètement un message sur son téléphone portable. Trois jeunes hommes semblaient . celui-là tu peux l’enlever absorbés dans la contemplation active de la haute ramure d'un platane planté dans la cour de l'établissement tandis que deux filles assises au même pupitre étouffaient des gloussements à la lecture d'un magasine mal dissimulé sous leurs cahiers.
L'annonce de la distribution des dissertations provoqua cependant une faible vague d'intérêt désabusé . et ça, oxymore ? parmi les lycéens. A mesure que le professeur se délestait des copies en passant dans les rangs, le brouhaha reprit progressivement ses droits, chacun tâchant de connaître le résultat de tout le monde et communiquant le sien à tout vent en y ajoutant quelques commentaires personnels qui disaient toute sa satisfaction, sa déception ou son indifférence. .qui montraient toute sa…
Lorsque Nicéphor Fabergé eût regagné son bureau, un élève se plaignit d'une voix traînante de la prise en compte des erreurs orthographiques et syntaxiques dans l'attribution de la note. Lassé de cette doléance qu'il entendait chaque fois qu'il rendait une interrogation écrite, l'enseignant rétorqua simplement que si on ne leur comptait pas ces erreurs en cours de français, il se demandait bien où on le ferait.
« Mais après tout, demanda un étudiant assis près de la fenêtre, à quoi sert la grammaire ?
Fabergé se redressa à cette question, le coude appuyé sur son bureau et le menton dans la paume.
- Quelqu'un peut-il répondre à la très pertinente question de monsieur Labrèche ? demanda-t-il en parcourant la classe du regard.
- Ça sert à s'exprimer correctement, à l'oral comme à l'écrit, lâcha dédaigneusement une jeune fille aux longs cheveux bruns, qui avait plié sans élégance son long corps mou sur sa chaise.
- Voilà une bien amusante mais cruellement réductrice vision de la grammaire, répondit le professeur et se laissant à nouveau aller contre le dossier de sa chaise qui protesta timidement en grinçant. Personne n'a de conception plus satisfaisante et surtout moins inepte à proposer ?
- Je crois, hasarda timidement Clairambault, que la grammaire est plus une fin qu'un but. »

Les élèves se turent graduellement à ces mots, comme si l'on versait du silence depuis le plafond au-dessus de la tête de Philémon Clairambault et qu'il se répandait tout autour du jeune homme, faisant mourir les embryons de sons dans la bouche de ses condisciples qui le lorgnaient à présent d'un air méfiant. . phrase magnifique : quel style ! Comme chaque fois que la conversation prenait un tour un tant soit peu intellectuel, les étudiants, dérangés dans leur vains bavardages et minauderies habituelles, rechignaient à tenter de faire l'effort non seulement de se maintenir au niveau du débat mais aussi de simplement alimenter une discussion qui leur semblait trop abstraite pour ne pas être obscure.
« Votre proposition est des plus intéressantes, monsieur Clairambault, pourriez-vous développer votre point de vue ? . le deuxième guillemet est là l'encouragea Nicéphor Fabergé dont le regard s'était subitement mis à pétiller d'une lueur qui trahissait son intérêt pour les idées de son élève. »
Philémon Clairambault expliqua de sa voix hésitante qu'il voyait la grammaire comme une sorte de voie d'accès à la beauté de la langue. Pour lui, lorsque l'on . lorsqu’on lit, on est capable de reconnaître de façon innée une belle tournure, un style artistique. Mais en faisant de la grammaire, on peut avoir accès à une strate différente de la beauté d'une langue. . ce qui charme l’oreille et puis ce qui charme l’esprit, pour moi ce n’est plus de la beauté mais de la subtilité, de l’art Analyser correctement une phrase bien faite, une phrase réfléchie dans ses moindres détails, c'est la voir nue, découvrir sa complexité fascinante ou sa simplicité déroutante, c'est entrer en elle pour en saisir tous les mystères, c'est accéder à ses tréfonds pour en exhiber toutes les merveilles. La grammaire est une porte qui s'ouvre sur l'infinie beauté des subtilités de la langue.
Le silence reprit pesamment ses droits lorsque le jeune homme se tût. Les quelques lycéens qui s'étaient donné la peine d'écouter leur camarade s'entre-regardaient maintenant en ricanant à voix basse. N'osant railler tout haut, ils laissaient leur regard débordant d'ironie méprisante exprimer leurs pensées.

La sonnerie de la fin du cours sortit les élèves de leur léthargie et leur insuffla soudainement une énergie qui les fit se précipiter hors de la classe avec une vitalité dont, quelques instants auparavant, lorsqu'ils étaient encore affalés tels des plantes vertes comateuses . dégénérées sur leurs pupitres, on ne les aurait pas cru capables.
Alors que Philémon Clairambault se dirigeait de ses longs pas vers la porte, son sac sur une épaule, Nicéphor Fabergé le héla sans se lever de sa chaise. Le jeune homme revint lentement vers son professeur, qui, une fois la classe vide, lui demanda s'il avait quelques instants de libres.
«. soient les guillemets, soient les tirets et plutôt ceux là : — Oui, répondit-il, je n'ai pas cours tout de suite.
- Je tenais tout d'abord à vous féliciter pour votre dissertation. C'était de loin la plus brillante que j'ai pu corriger, et pas seulement dans cette classe.
- Merci. . c’est un peu court mon ami, Merci, répondit simplement le timide étudiant
- Est-ce qu'il vous arrive d'écrire en dehors des textes scolaires ?
- Rarement, monsieur. Pourquoi cette question ?
- Parce que vous devriez, affirma Fabergé. Vous avez une excellente plume, savez-vous ? Il serait stupide de la laisser s'enliser dans de fades truismes scolaires, même si le contenu de vos dissertations se situe bien au-dessus de la moyenne. »
La discussion s'engagea ainsi. Ils parlèrent d'écriture, de lecture, confrontèrent leurs avis sur le style éblouissant de Flaubert et la prose neutre de Stendhal, se gargarisèrent quelques instants de vers particulièrement savoureux de La Fontaine :

"Autrefois à Racan Malherbe l'a conté.
Ces deux rivaux d'Horace, héritiers de sa lyre,
Disciples d'Apollon, nos maîtres, pour mieux dire,[...]"

« Pourquoi ce passage est génial, Clairamblaut ? l'interrogeait avec passion Fabergé sans laisser à son élève le temps de répondre. Parce qu'il termine ses vers en les simplifiant, en les résumant, en les humanisant et non jamais dans une perspective de rhétorique ! Nous avons là toute la générosité de La Fontaine: "Nos maîtres pour mieux dire". C'est fin, mon ami, c'est final ! »

. petites parenthèse : hier soir j’ai reçu une connaissance virtuelle Manu, amoureux de littérature et nous avons parlé de Bukowski et Nabokov, de la difficulté de s’affranchir de ces influences. Ainsi Manu affirmait que Houellebecq a tout piqué à Céline niveau style et je pense sans chercher à surpasser ses maitres, que mélanger des influences d’horizons divers permet d’avoir un style unique. Le talent revient là à savoir accorder les saveurs. Mais de l’audace, toujours de l’audace !

Vers midi, tandis que le ciel se couvrait lentement de menaçants nuages gris qui envahissaient l'horizon en s'étalant comme un troupeau de lents pachydermes. répétition lent, lentement et encore un pléonasme vu que j’ai jamais vu de rapides pachyderme, Nicéphor Fabergé quitta le lycée d'un pas rapide.
Après avoir marché pendant un peu moins d'un quart d'heure, il poussa la porte d'un bâtiment à la façade austère, au-dessus de laquelle était inscrit :
ÉDITIONS CORENTIN-GRANGÉ


Il monta au premier étage, saluant une secrétaire qui avait levé la tête de son ordinateur à son passage. Arrivé sur le palier du premier, il s'immobilisa quelques instants face à une haute fenêtre qui s'ouvrait devant lui. Une pluie fine commençait à tomber des nuées . des nues, non ? et les gouttes coulaient le longs . longdu verre comme autant de larmes d'argent. Ces longues traînées verticales, fines et transparentes comme du cristal, faisaient à Fabergé l'effet de barreaux de prisons que le ciel lui-même dispose parmi les hommes. . l’homme se suffit à lui-même pour s’emprisonner ^^
Une voix forte qui l'interpellait par son nom tira le professeur de sa rêverie. Il se retourna lentement et se retrouva face à un grand homme aux cheveux grisonnants, d'imposante carrure et à l'embonpoint léger. Onésime Corentin, le propriétaire des lieux, était vêtu d'un costume gris dont le pantalon était un petit peu . légèrementtrop court pour ses longues jambes. Il avait légèrement. aïe ça répétion : à peine ? desserré le noeud de sa cravate rouge pâle.
Les deux hommes se serrèrent la main et l'éditeur fit entrer Fabergé dans un grand bureau lumineux, dont le plancher craquait légèrement sous leurs pas. Ils prirent place de part et d'autre d'un bureau en ébène, aussi reluisant que du verre poli. Il régnait dans la pièce une odeur légère mais insistante de tabac froid et de détergent qui rendait l'atmosphère presque indisposante malgré une fenêtre entrouverte qui semblait plus propager les effluves intérieures dans les rues de la ville que renouveler l'air du bureau. Le doux clapotement de la pluie contre les vitres et sur le balcon parvenait tout juste à masquer le bourdonnement incessant des automobiles. Par moment on entendait la gouttière du bâtiment sit . situé face aux éditions Corentin-Grangé qui débordait, répandant son trop-plein sur le trottoir avec un bruit humide comme l'air extérieur. . comprends pas l’image
Une fois installé dans un confortable fauteuil de cuir noir, face à Onésime Corentin, Fabergé posa son porte-documents sur ses genoux, l'ouvrit et en tira une liasse de feuilles dactylographiées, agrafées par le coin supérieur gauche.
« Voici donc l'ultime chapitre, dit l'éditeur en prenant le manuscrit que lui tendait son vis-à-vis. Dans les délais, comme toujours. Vous n'êtes pas loin de devenir mon auteur le plus ponctuel, savez-vous.
- La ponctualité est la politesse des rois, répondit simplement Nicéphor Fabergé. »

Après avoir discuté de longues minutes avec lui, le jeune professeur sortit du bureau de son éditeur et s'arrêta dans le hall du rez-de-chaussée. Il se dirigea vers une longue table sur laquelle était . étaientdisposés plusieurs exemplaires des derniers ouvrages publiés par la maison. Après avoir déposé sa sacoche à ses pieds. virgule il se saisit d'un livre à la couverture sobre et se mit à le feuilleter distraitement sans prendre la peine de lire la quatrième de couverture.
« Je vous le déconseille vivement, fit soudainement une voix calme et posée, pareille à un roulement de galets scandé par les intonations emphatiques des émissions radiophoniques d'avant-guerre. »peut-être un peu trop abstrait ^^

. Je commence à vraiment bien aimer ton histoire, il s’en dégage un charme non pas suranné mais victorien, si je puis me permettre. C’est surtout cette façon de prendre son temps pour faire les choses bien face à l’hystérie collective actuelle dictée en partie par la course aux profits. Voilà, très dandy anglais, tu citais Wilde, je comprends pourquoi. Une certaine idée de la classe. Attention à ne pas être élitiste ou conservateur non plus ^^
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Message  MrSonge Lun 18 Jan 2010 - 6:10

Une fois de plus, merci beaucoup pour cette lecture attentive et ces corrections toujours aussi efficaces

j’ai du mal à imaginer une chaise mal réglée
En tout cas chez nous, la plupart des chaises de lycéens sont à hauteur réglable...

et ça, oxymore ?
Oui, mais voulu. Est-ce qu'il est trop gênant pour que je ne le laisse ?

ce qui charme l’oreille et puis ce qui charme l’esprit, pour moi ce n’est plus de la beauté mais de la subtilité, de l’art
Question de nomenclature. Pour moi la subtilité est un élément de la beauté, et l'art par contre, c'est encore ailleurs, une espèce de façon de transcender la beauté même.

dégénérées
L'expression "Plante verte comateuse" est de ma prof de français, et j'y tiens. ^^

c’est un peu court mon ami, Merci, répondit simplement le timide étudiant
Quelques paragraphes plus loin, Fabergé répond également "Merci" simplement, ça risque de faire répétition.

petites parenthèse : hier soir j’ai reçu une connaissance virtuelle Manu, amoureux de littérature et nous avons parlé de Bukowski et Nabokov, de la difficulté de s’affranchir de ces influences. Ainsi Manu affirmait que Houellebecq a tout piqué à Céline niveau style et je pense sans chercher à surpasser ses maitres, que mélanger des influences d’horizons divers permet d’avoir un style unique. Le talent revient là à savoir accorder les saveurs. Mais de l’audace, toujours de l’audace !
Je ne pense pas que Houellebecq ait rien volé à Céline, sauf son pessimiste, la transcendance en moins. Houellebecq refuse le XXe siècle en littérature, sa devise ne doit pas être "Ni Dieu, Ni maître" mais "Ni Proust, ni Céline". Son style est comme lui, plat, fade, gris, ce qui n'est pas le cas du style génialement coloré et vivant de Céline. Pour moi, c'est un imposteur, et un imposteur dangereux, qui fait croire aux gens qu'il est un grand écrivain.

des nues, non ?
Je connais l'expression "tomber des nues" (^^) mais j'avais déjà vérifié à l'époque de la rédaction, et "nuées" peut s'utiliser aussi. ^^
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Message  nico4g Lun 18 Jan 2010 - 10:55

oxymore

Oui, mais voulu. Est-ce qu'il est trop gênant pour que je ne le laisse ?

Non, c'est bien employé pour montrer le côté "Gérard" des jeunes ("Vous, les jeunes, vous êtes tristes, vous vous intéressez à rien.")
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Message  MrSonge Lun 18 Jan 2010 - 14:41

En effet c'était l'idée recherchée. Bien que, rassure-toi, si je plante ce genre de généralité ici, c'est pour en démontrer la fausseté à travers des exceptions ^^.

Juste un petit détail auquel je n'ai pas pensé ce matin : es-tu bien sûr que "après que" ne demande pas l'indicatif et que donc mon "a sonné" soit correct ? J'ai un doute énorme et je n'ai pas mon Bescherelle ici...

(A propos de Bukowsky et de Nabokov, as-tu regardé l'émission de "Apostrophe" à laquelle était invitée Bukowsky qui avait apporté ses bouteilles et qui a fini fin cuit ?
Et pour Nabokov, Pivot a réalisé un très bon entretien, que je te conseille de visionner si l'occasion se présente et si tu apprécies cet écrivain. ^^)
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Message  azul Lun 18 Jan 2010 - 15:08

es-tu bien sûr que "après que" ne demande pas l'indicatif et que donc mon "a sonné" soit correct ?
"Après que" entraîne obligatoirement l'indicatif. Par contre, je mettrais le verbe au plus-que-parfait, vu que le premier verbe est au passé simple.

Fabergé quitta la salle des professeurs quelques secondes après que la sonnerie avait retenti jusque dans les moindres recoins du lycée.
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Message  MrSonge Lun 18 Jan 2010 - 15:15

Vu ! Merci, azul, j'en prend bonne note ! ^^
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Message  nico4g Lun 18 Jan 2010 - 15:17

Face à Azul, je ne pèse pas lourd en conjugaison pale (c'est ma correctrice en chef I love you )

(A propos de Bukowsky et de Nabokov, as-tu regardé l'émission de "Apostrophe" à laquelle était invitée Bukowsky qui avait apporté ses bouteilles et qui a fini fin cuit ?
Oui, moment d'anthologie et première découverte pour moi. Léotard a cherché un peu trop à le copier ^^.

Et pour Nabokov, Pivot a réalisé un très bon entretien, que je te conseille de visionner si l'occasion se présente et si tu apprécies cet écrivain. ^^)
A ben moi qu'aime bien le côté transgressif, avec eux, je suis servi Shocked

Mais Pivot, je n'ai pas du tout la même perception de la bande dessinée que lui.
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Message  MrSonge Lun 18 Jan 2010 - 16:05

Mais Pivot, je n'ai pas du tout la même perception de la bande dessinée que lui.
Quoi qu'on puisse penser de Pivot, j'ai toujours trouvé qu'il était souvent parfait dans ce qu'il faisait, en particulier ses entretiens en privé, plus même qu'à Apostrophe. Déjà, il n'y a pas une fois où il ne connaît pas son sujet à fond, en plus, en grande majorité, il choisi des excellents écrivains (bon, d'accord, il a interviewé Duras, mais c'est l'exception qui confirme...) et surtout, malgré sa tendance au cirage de pompes (quoi que, face à Yourcenar, on ne peut que faire la révérence), ses questions sont toujours pertinentes et intelligentes.
Tout cela au regarde de sa "grande période", si j'ose dire. ^^
Franchement quand je vois les rares émissions prétendument littéraires du moment, le père Pivot, moi, je le regrette un peu. Sad
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Message  nico4g Ven 22 Jan 2010 - 17:52

Nicéphor Fabergé pivota lentement et se trouva face à un homme entre deux âges portant une moustache grisonnante et coiffée avec soins. Son visage carré, son regard pénétrant et impassible intimidèrent légèrement Fabergé qui ne put s'empêcher de tressaillir imperceptiblement. Vêtu d'un complet trois pièces bleu foncé, d'un feutre noir et portant son manteau sur le bras, l'homme désigna le livre de la tête.
« Ce n'est qu'un ramassis de mièvreries plus fades les unes que les autres, reprit l'homme, un salmigondis d'une niaiserie sans borne. J'ignore comment il est possible que de telles fadaises aient étés publiées par une maison dont j'admire habituellement le discernement.
- Vous connaissez bien les éditions Corentin-Grangé ?
- Fort bien. Monsieur Grangé est un ami avec qui j'ai travaillé il y a de nombreuses années, lorsqu'il était employé par le Figaro. De plus, je fais occasionnellement partie du comité de lecture. »
Au fil de la discussion, Fabergé apprit que son interlocuteur se nommait Ernest Malesherbe et qu'il cumulait les activités de professeur de philosophie à la Sorbonne, de critique littéraire et d'essayiste. Il lui parla du livre qu'il avait lu et détesté, expliqua que l'auteur était une comédienne. Il s'étonna aussi du nombre de gens qui se mettait à écrire, comme si le métier d'écrivain était accessible à tous, n'était rien de plus qu'une activité secondaire dans laquelle chacun pouvait se risquer sans n'pas de négation iciavoir ni talent particulieraucun talent particulier ni assimilé aucune technique.
Tout en devisant, les deux hommes s'étaient rapprochés de la double porte vitrée du bâtiment. Malesherbe jeta un oeil à l'extérieur et enfila son long manteau bleu marin tandis que Fabergé sortait un parapluie pliable noir de sa sacoche. Lorsqu'ils furent tous deux à l'extérieur, Ernest Malesherbe s'enquit du moyen par lequel le jeune enseignant comptait rentrer chez lui.
« A pieds, je pense, répondit ce dernier. Je n'habite pas très loin.
- Par ce temps, vous n'y pensez pas. Ma voiture est garée à deux pas, je me ferais un plaisir de vous raccompagner. »
Nicéphor Fabergé refusa tout d'abord poliment puis céda lorsque la fine pluie se mua soudainement en affreux crachin persistant qui le glaçait jusqu'aux os. en si peu de temps ? Relevant le col de son manteau, il emboîta le pas à Malesherbe qui le guida jusqu'à une vieille DS dont la carrosserie noire luisait à la lumière d'un lampadaire, comme si elle venait de sortir de l'usine de fabrication. lui conférant un aspect neuf
Dès qu'il eût eut ?engagé son automobile dans la circulation, le critique littéraire se mit à parlercontinua de livrer ses pensées.. Il parla de l'utilité souvent contestée des critiques musicaux et littéraires, de leurs erreurs du passé. Après quelques minutes, en tournant la tête vers son interlocuteur, Fabergé remarqua qu'il n'avait pas bouclé sa ceinture de sécurité. Il le lui fit remarquer. répétition observa plutôt que remarqua dans la phrase d’avant Malesherbe lui réponditvirgule sans détourner les yeux de la routevirgule qu'il n'attachait sa ceinture que lorsqu'il avait peur, lorsqu'il sentait que cela devenait utile. Il ne comprenait pas pourquoi les gens étaient si pressés de se fixer à leur siège dès qu'ils mettaient un pied dans leur automobile. La ceinture n'est qu'un moyen supplémentaire d'éviter les imprévus et de banaliser encore plus son existence. Quel réflexe répugnant que de s'asseoir au volant et de boucler sa ceinture sans même y penser mais en étant inconsciemment persuadé que l'on est maintenant hors de danger. Quel risible et fallacieux sentiment de puissance peut germer de cette illusion de à pour éviter la redondance de depouvoir dompter la fatalité en se fixant dérisoirement à son siège. Lorsque l'on n'a pas sa ceinture, prendre la voiture pour le plus insignifiant des déplacements devient important. On joue gros en allant simplement acheter une boîte de cassoulet au supermarché le plus proche. Ne pas savoir, voilà qui est extraordinaire. Monter en voiture et douter, quel sentiment grisant. Et l’amende ? pasque tu te fais prendre une fois, tu l’oublies plus ^^
Les rues dans lesquelles s'engageait la DS semblaient avoir étés vidées des passants et badauds différence entre passant et badaud ?qui déambulaient habituellement à ces heures-là. Seuls quelques rares quidams arpentaient les trottoirs à pas rapides, abrités sous des parapluies ou la tête rentrée dans les épaules pour se protéger de l'eau glacée qui s'infiltrait sous leurs vêtements. De temps à autres, une lueur vive illuminait de l'intérieure intérieurquelques nuages, signalant ainsi la présence d'éclairs lointains.
A travers les vitres dégoulinant de pluie, Fabergé observait la ville qui lui apparaissait déformée, trouble et indistincte. Les toitures ondulaient au gré des légères trépidations de la DS et des fines coulées d'eau sur le verre. très belle imageLe vrombissement discret du moteur de l'automobile ne masquait pas le bruit doux des gouttes de pluie qui rebondissaient sur le capot et sur le toit.
Le jeune professeur fit remarquer qu'il avait toujours trouvé étrange que les gens soient si effrayés par la pluie, au point qu'ils préfèrent préserver leur confort en s'enfermant chez eux pour éviter de se mouiller, plutôt que de goûter à une promenade dans un Paris déserté par les gens et le bruit. Malesherbe lui demanda alors s'il aimait le silence.
« Beaucoup, répondit Fabergé. Un beau silence est précieux. En fait, je crois que le défaut des gens de notre société est qu'ils parlent trop. Voilà pourquoi même les plus intelligents disent un nombre incalculable d'inepties. Ils ne savent pas faire le tri; ils ne savent plus apprécier le silence. C'est pourtant magnifique, le silence. D'ailleurs je n'aime pas cette expression : le bruit du silence. Le silence ne fait pas de bruit. Il chante parfois, il murmure, il soupire. Ce sont les gens qui le rendent pesant, angoissant ou léger. Le silence, c'est le silence, rien de plus. Il exprime tout, comme il peut ne rien exprimer si on ne sait pas écouter sa voix. Pourquoi refuser de céder sa place au silence si c'est pour nous abreuver d'un flot de paroles inutiles ? Les gens qui parlent trop sont très souvent les plus ennuyeux.
- Les gens qui parlent trop, répondit le critique littéraire, ne savent pas se taire parce que le silence les effraie. Celui-là même que vous semblez couvrir d'éloges peut aussi être félon. On peut tuer très facilement avec un silence. Parfois, il est dangereux.
- Ce sont les gens qui le sont. Certains manient aussi bien le silence que les mots, et lui font dire ce qu'ils veulent, dans un langage plus subtil. C'est pour cela que certaines personne personnesen ont peur, parce qu'elles savent que le silence peut devenir une arme. Tout comme le langage. »

Pas mal du tout ce paragraphe. On suit ce roman comme une rêverie, on ne sait pas où il nous mène mais on n’a pas envie de se réveiller.
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Message  MrSonge Ven 22 Jan 2010 - 18:24

différence entre passant et badaud ?
Le passant passe, le badaud badaude. ^^ Plus sérieusement - dans mon esprit du moins -, le passant est un badaud avec un but, et le badaud est un passant sans but.

Je te remercie une fois encore de tes corrections et de ta lecture suivie. Je vais déjà aller reporter tout cela sur la version du forum, et je devrais malheureusement attendre un peu avant de pouvoir corriger le texte même...
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Message  nico4g Mar 26 Jan 2010 - 1:18

Chapitre Troisième


Roseline Saint-Fiacre sortit à petits pas de chez ellesortit de chez elle à petits pas. Ses grosses lunettes rondes sur le nez et son châle rouge sur les épaules, elle trottina jusqu'à la grille de son petit jardin qu'elle ouvrit avec peine. La veille femme se rappela qu'elle avait oublié de demander au fils de sa voisine de venir mettre de l'huile dans les gonds de ce portail de plus en plus rouillé. Elle se promit de passer chez eux en revenant.
Une fois sur le trottoir, elle ajusta une anse de son petit cabas qui glissait le long de son avant-bras avant de traverser avec précaution la chaussée. De l'autre côté, elle obliqua sur sa droite et se dirigea vers le bout de la petite rue dans laquelle elle habitait. Le ciel était à nouveau bleu et les quelques nuages gris qui persistaitpersistaient à stagnerpersister + stagner, un peu redondant au-dessus de Paris glissaient lentement vers l'horizon. Les toits des bâtiments que longeait Roseline gouttaient sur les passants qui s'efforçaient de zigzaguer entre les innombrables flaques d'eau parsemant les trottoirs. Tout était mouillé, dégoulinant, les arbres étincelaient au soleil comme si leurs feuilles étaient de cristal.
Après avoir remonté plusieurs rues, Roseline Saint-Fiacre s'arrêta devant une vitrine étroite surmontée d'une enseigne en relief qui annonçait :

LIBRAIRIE LEJET


Avant d'y entrer, elle jeta un coup d'oeil aux quelques ouvrages qui trônaient dans surla devanture, lisant consciencieusement chaque titre et observant les images de couverture en clignant des paupières. Une fois qu'elle eût achevé sa méticuleuse inspection, elle poussa la porte de la boutique, déclenchant le petit carillon habituel. A l'intérieur, elle se dirigea rapidement vers un rayonnage placé au centre de la pièce sur lequel on pouvait lire : Dernières Sorties. Sans hésiter, elle se saisit délicatement d'un exemplaire épais sur la couverture duquel figurait la planète Terre, posée sur un échiquier géant et le tout surmonté du nom de l'auteur. Visiblement heureuse d'avoir pu mettre la main dessus, Roseline disparut derrière le rayon, en direction du comptoir qui se trouvait au fond de la librairie. Au moment où elle posait le livre près de la caisse, le libraire, Constant Lejet, sortit de l'arrière-boutique. C'était un homme mince, au visage anguleux qui s'adoucissait considérablement lorsqu'il se fendait en deux d'un large sourire. Depuis qu'il était tombé d'une échelle alors qu'il réparait l'enseigne de son magasin, il boitait légèrement et ne pouvait plus courir.
« Je m'étonnais que vous ne soyez pas déjà venue le chercher, dit-il après avoir salué sa cliente et en s'emparant de l'ouvrage qu'elle poussait vers lui.
- Avec ce temps horrible, répondit la vieille femme, j'essaye de sortir le moins possible et uniquement lorsque le soleil perce enfin entre les nuages.
- Vous avez tout à fait raison, et puis vous savez bien que je vous en aurais gardé un exemplaire si vous aviez tardé. Mais comme je sais que vous ne ratez jamais le dernier Fresnay, je ne doutais pas de votre venue.
- C'est toujours un immense plaisir pour moi d'en commencer un nouveau, répondit Roseline en tendant deux billets au libraire. Même si je sais hélas que j'arriverais un jour à la fin et qu'alors je devrais de nouveau attendre de longs mois pour pouvoir m'évader dans l'univers fabuleux de l'auteur.
- On peut dire que vous l'aimez, madame Saint-Fiacre, fit Lejet en souriant. Vous êtes sans doute sa plus fervente admiratrice.
- Je ne suis qu'une parmi tant d'autres, vous savez. Mais tout de même, je lui serais éternellement reconnaissant d'avoir égayé, par les livres magnifiques qu'il nous a donné, les vieux jours d'une petite vieille décrépite comme moi.
- N'exagérez pas, vous vous portez à merveille et vous avez encore de beaux jours devant vous. »

Il lui tendit le petit sac en plastique dans lequel il avait placé l'exemplaire de Jeu de Rôle. Roseline Saint-Fiacre le glissa dans son cabas, salua le libraire et sortit du magasin. Une fois à l'extérieur, elle jeta un coup d'oeilrépétition : elle scruta anxieusement le ciel ? anxieux au ciel qui se couvrait à nouveau lentement de menaçants nuages noirs. Soupirant, elle se hâta de remonter la rue dans laquelle elle se trouvait, puis obliqua sur sa droite avant de traverser précautionneusement la chaussée et de se retrouver dans sa rue. La vieille femme s'immobilisa, essoufflée. Depuis qu'elle avait perdu l'habitude de marcher chaque jour, comme elle avait coutume de le faire lorsque son mari était encore en vie, elle se fatiguait de plus en plus rapidement et n'arrivait même plus à monter l'escalier de sa maison sans devoir reprendre son souffle longuement, appuyée contre le mur du palier. Elle resta quelques instants debout au milieu du trottoir, son cabas sous le bras puis, lorsque son souffle fut à nouveau régulier, se remit en route. Elle arriva devant la grille de son petit jardin au moment précis où les premières gouttes de pluie se remettaient à tomber. En entendant grincer les gonds du portail, elle se souvint qu'il fallait qu'elle passe chez ses voisins pour leur demander de l'huile. Mais voyantcraignant de subir une véritable averse que l'averse redoublait d'intensité de seconde en seconde, Roseline décida plutôt de rentrer directement se mettre au chaud.
A peine avait-elle glissé la clef dans la serrure de la porte d'entrée, qu'une voix la héla depuis le jardin qui jouxtait le sien. La vielle femme interrompit son geste et se tourna vers son voisin qui lui faisait de grands signes de la main, dissimulé à demi sous un énorme parapluie noir. Enjambant avec agilité la haie qui séparait son jardin de celui de Roseline Saint-Facre, il courut se mettre à l'abri dans le vestibule dont elle lui tenait la porte ouverte. Une fois à l'intérieur, il ferma son parapluie et s'essuya longuement les souliers sur le paillasson. Roseline lui proposa de boire quelque chose. Eugène Malloin déclina son invitation et tira de la poche de son long pardessus gris un petit livre épais trop d’adjectifs : long, gris, petit, épais : dont la couverture était légèrement cornée.
« Je suis simplement venu vous rendre votre livre. Enfin.»
Roseline prit le volume qu'il lui tendait et alla le poser sur un rayon de la bibliothèque près de la cheminée. Malloin se tenait toujours dans le couloir et ne fit que passer la tête par la porte lorsqu'elle lui demanda depuis le salon ce qu'il avait pensé de sa lecture.
« Comme tous les Fresnay, il est admirable.»
L'odeur de renfermé qui habitait chaque pièce de la maison de Roseline Saint-Fiacre, indisposait légèrement Malloin qui avait l'impression de pénétrer dans l'échoppe mal aérée d'un brocanteur ou d'un antiquaire. Les murs intérieurs étaient tous recouverts d'un papier peint vert foncé aux discrets motifs floraux qui assombrissaient considérablement les lieux. La maison semblait avoir échappé au XXIème siècle. Aucun meuble moderne, une télévision vieille de dix ans, un téléphone tout aussi âgé, les charentaises usées que chaussaient madame Saint-Fiacre à l'intérieur, tout participait à l'illusion générale d'un retour dans le passé. Le vingt et unième sièclesoit tu l’écris en nombre romain, soit en lettre n'avait marqué sa présence que dans un seul endroit : la bibliothèque. Remplie d'ouvrages aussi futiles que mal écrits, c'était le seul meuble de toute la maison qui rappelait au visiteur les défauts de ce siècle. Ainsi, Roseline Saint-Fiacre avait inconsciemment réussi l'exploit de ne laisser une place dans son logis qu'à une des plus déplaisantes manifestations de la médiocrité moderne. Sur les rayons de cerisier, étaient présents les ouvrages les plus représentatifs du bourbier littéraire qui ensevelissait chaque jour un peu plus les parisiens, ordonnés avec soin et classés par auteur. Seuls trois volumes faisaient exception. Serrés sur le dernier étage de la bibliothèque, il s'agissait à peu près des seuls ouvrages en sa possession que la propriétaire des lieux n'avait jamais ouverts. C'étaient les trois tomes des Misérables, que son mari avait récupérés à la mort d'un vieillevieil oncle qu'il n'avait jamais fréquenté.
Voyant qu'Eugène Malloin ne semblait pas disposé à entrer dans le salon, Roseline Saint-Fiacre le rejoint dans le couloir. Il lui demanda comment se portait son fils, Désiré. Elle répondit qu'elle n'avait pas souvent de ses nouvelles.
« Et votre petit fils ?
- Certainement très bien aussi, il est toujours au lycée.
- Il s'y plaît toujours ?
- Oh vous savez, lui, c'est plutôt un scientifique. Il n'y a guère que cela qui nepas de négation l'intéresse. Simon m'a confié qu'il s'ennuyait profondément dans à peu prèsrépétition : presque ? tous les autres cours. Le français et la philosophie en particulier. Il n'y a Il n’aaucune affinité avec la littérature et la philosophie lui semble absconse. Mais il faut avouer, ajouta-t-elle après un court silence pendant lequel elle passa rapidement la main sur la surface polie d'une commodephrase trop longue, tu casses le rhytme, que son professeur ne fait rien pour intéresser les jeunes lycéens aux livres. Il ne leur fait lire que des classiques d'un autre âge, vous savez comme sont les enseignants de nos jours. Pour eux, la littérature actuelle n'a pas à être étudiée. Elle est inférieure, sans intérêt et l'on a l'impression que plus les ouvrages sont passionnants et se laissent lire facilement, moins ils ont l'heur de plaire à la caste pédante des prétendus gardiens du Bon Goût. Je puis vous assurer que le jour où les remarquables écrits de monsieur Fresnay seront lus dans les lycées, la popularité des cours de français montera en flèche.
- Je n'en doute pas, lui répondit Mallouin. C'est de cette façon que ces fonctionnaires arrogants crèvent dans l'oeuf tout amour de la lecture. Mais que voulez-vous ? Tant que les écoles seront aux mains de ces élitistes rétrogrades, cela continuera ainsi et rien de ce qu'ils qualifient de littérature-poubelle ne passera les portes de bronze des programmes scolaires.»
Ils se morfondirent encore quelques instants sur le sort cruel des pauvres lycéens français que l'on confiait à des tortionnaires aux goûts surannés et à l'esprit étriqué. Lorsqu'ils eurent épuisés à peu près tous les qualificatifs méprisants et péjoratifs dont ils désignaient le corps enseignant, Eugène Mallouin s'excusa de devoir se retirer. En effet, il lui fallait absolument faire une course urgente. Saisissant son parapluie, il salua Roseline Saint-Fiacre en ouvrant la porte et en jetant un regard dégoûté vers le ciel qui se vidait sur la ville.
Quand il eût traversé le jardin, elle referma lentement la porte et se dirigea à petits pas vers son salon. La vieille femme s'assit dans un fauteuil qui faisait dos à la fenêtre donnant sur le jardin et se saisit de l'exemplaire de Jeu de Rôle qu'elle venait d'acquérir, l'ouvrit religieusement et se plongea avec plaisir dans sa lecture, laissant son esprit couler paresseusement dans les méandres du récit, emporté par le flot de la plume flatteuse d'Abel Fresnay. attention aux phrases trop longues

De nouveaux personnages. Intéressant mais le rythme de ton roman s’en ressent. Suivre les tribulations d’une grand mère et ses élucubrations n’est pas des plus passionnants car la critique est assez convenue et manque de subtilité par rapport aux précédents chapitres.
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Message  MrSonge Mar 26 Jan 2010 - 15:31

Une fois de plus, merci pour tes corrections, le nombre de redondances/répétitions que j'ai laissé échappé me laisse pantois. Je vais tâcher de veiller à mes phrases trop longues qui arrivent comme un cheveux sur la soupe pour couper le rythme et vais essayer d'éviter les adjectifs qui apportent des précisions superflues (mon gros défaut, je veux trop dire...).

Je comprend tout-à-fait le fait que ce chapitre te semble moins intéressant mais... je suis un peu partagé. Je voulais justement rendre l'idée d'ennui, de conformisme et de... disons-le, de niaiserie du personnage qui fait ici son entrée (le ciel gris, son intérieur renfermé, les précisions inutiles -mais voulues cette fois xD - sur ses habitudes respiratoires, etc...). Sauf que, j'ai peur d'en avoir fait trop, encore une fois. Bref, je m'en remet à toi, si cela te semble trop ennuyeux, leur dialogue trop convenu, voir bas-de-plafond, n'hésite pas à me le dire, et je tenterais de leur donner un peu plus... d'altitude. ^^

Encore merci, tes remarques me sont très précieuses ! Very Happy
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Message  nico4g Mar 26 Jan 2010 - 17:05

C'est surtout d'éviter la caricature et une moquerie que l'on pourrait qualifier d'élitiste. L'équilibre est difficile à trouver entre critique et caricature.
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Message  MrSonge Mar 26 Jan 2010 - 17:07

C'est bien là-dessus que je me casse les dents, en effet. Bon, je vais donc revoir ce passage et tâcher de gommer l'aspect caricatural de cette discussion. Je ne promet rien, mais je vais en tout cas le rebosser dans cette optique-ci.
A propos d'élitisme, il me revient à l'esprit une phrase de Vitez : "L'élitisme pour tous.... mais l'élitisme surtout". Razz

(je ne cautionne pas, je cite. ^^)
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Message  nico4g Lun 1 Fév 2010 - 18:06

Abel Fresnay poussa la porte du restaurant puis, une fois à l'intérieur, s'effaça pour laisser entrer sa femme Agathe et sa fille Tréphine. Cette dernière, oxymore vivant, pourquoi ? se dandina rapidement vers une table occupée par deux couples et un jeune garçon qui semblaient les attendre. Les cinq occupants se levèrent. On se serra la main, on se rassit. Abel Fresnay s'installa entre son épouse et Marie, une femme aux longs cheveux blonds et au rire cristallin qui ne cessait de poser sa main d'une pâleur excessive sur l'épaule de son mari. Ce dernier, Jean, était placé à sa droite et avait la désagréable manie de se lisser sans cesse le sourcil droit. Pourtant sa coupe de cheveux des plus anarchiques trahissait un mépris total pour toute tentative d'organisation capillaire. En face de lui était assis Simon, un ami de longue date d'Abel avec qui il avait été à l'université. Le regard morne derrière ses lunettes à demi cerclées, il semblait constamment absent et ne s'exprimait que par aphorismes creux et brèves boutades. Sa femme, Anne, compensait ce laconisme par un verbiage ininterrompu et exaspérant que la tablée semblait pourtant trouver irrésistible. Seul son fils, j’enlèverai cette virgule Jacques restait de marbre, jouant avec sa serviette et fixant son regard sur Abel Fresnay qu'il avait juste en face de lui.
Autour de leur table, les serveurs tourbillonnaient et bourdonnaient comme d'innombrables abeilles butinant un parterre de lilas. De temps à autres, des rires bruyants fusaient d'une table ou d'une autre.
Lorsque les plats commandés arrivèrent, la conversation obliqua rapidement sur la récente apparition de Fresnay sur un plateau de télévision. On l'encensa religieusement de toutes parts pour sa performance, son élocution, la justesse de ses propos. Les adjectifs superlatifs s'épuisant rapidement, Jacques sortit soudain de son mutisme et demanda d'une voix mal assurée si Abel Fresnay travaillait déjà à un nouveau roman. La réponse fut positive et les yeux bleus du jeune homme se mirent à pétiller.
« Il est tellement heureux chaque fois qu'il découvre ton dernier chef d'oeuvre, expliqua sa mère. C'est grâce à toi qu'il a commencé à lire et maintenant il attend avec impatience chacun de tes livres.
- Je suis flatté que mes ouvrages te plaisent, répondit Fresnay en s'adressant directement à Jacques.
- Figure toi Figue-toi qu'il est vexé que la lecture ne soit pas mon passe-temps favori, lança Tréphine. Et en particulier la lecture de ses romans, ajouta-t-elle en coulant un regard vers son père.
- Tu n'es pas gentille, répondit Agathe. Ton père voudrait simplement que tu essayes de lire un minimum. C'est une question d'épanouissement intellectuel.
- Eh bien moi, je m'épanouis sans la lecture et je n'en mourrais pas pour autant. »
Il y eût un petit silence gêné qui plana au-dessus de la tête des huit convives pendant quelques secondes jusqu'à ce que Marie s'extasie bruyamment sur la qualité de la salade qu'elle avait à peine entamée. La conversation reprit rapidement et l'on ne parla plus de livres.

Vers onze heures vingt, la famille Fresnay sortait du restaurant. Sur le trottoir, Tréphine remonta en bougonnant les pans de son court manteau noir avant d'enfoncer les mains dans ses poches et de presser ses parents qui prolongeaient leur conversation avec Jean et Marie. Ils se séparèrent enfin et le couple rejoignit la jeune fille qui battait la semelle quelques mètres plus loin en parcourant distraitement le répertoire de son téléphone portable. Agathe Fresnay fit remarquer à Tréphine qu'elle aurait pu faire un effort et se montrer un peu moins glaciale. L'adolescente ne répondit pas, se contentant d'accélérer le pas pour arriver la première à la voiture.
Un quart d'heure plus tard, ils étaient chez eux. Tréphine fila directement dans sa chambre, alluma son ordinateur et alla vérifier qu'elle n'avait pas reçu de courriel. Abel et sa femme se défirent de leurs pardessus, les rangèrent sur des cintres et allèrent s'installer à la cuisine. S'assurant qu'elle ne pouvait l'entendre, l'écrivain constata :
« Tréphine a été d'une humeur détestable toute la soirée.
- Je crois qu'elle a beaucoup de peine à avoir un père si célèbre et si plein de talent, répondit Agathe en s'asseyant près de son mari. Elle a l'impression de vivre dans ton ombre.
- Tu crois que cela va durer longtemps ?
- Elle est en plein adolescence, c'est pour cela. C'est la période d'affirmation de la personnalité. D'ici une année ou deux ce sentiment aura complètement disparu chez elle.
- Dans le fond, expliqua Abel Fresnay après quelques secondes de silence, fixant le plafond, Abel Fresnay fixait le plafond. Après quelques secondes de silence, il expliqua :
Dans le fond, …
je crois que j'ai peur de l'étouffer. Elle s'est souvent plainte de n'être pour les autres que la fille d'Abel Fresnay. Comme si mon succès lui nuisait.
- C'est un âge d'affirmation, répéta-t-elle son épouse. Il y a quelques années, elle ne cachait nullement sa fierté d'être la fille d'un écrivain aussi doué et célèbre que toi. Dans quelques années, sa crise d'adolescence sera passée et ce sera de nouveau le cas. Il faut simplement lui laisser le temps de s'émanciper de ta notoriété. »

Dans la cuisine, le plafonnier était éteint. Le couple était plongé dans la pénombre. La seule lumière émanait du néon d'un aquarium qui dégageait une lumière bleutée aussi froide que cette cuisine trop moderne. Au gré des vaguelettes que produisaient les allers et retours des poissons argentés, les ombres frémissaient sur le mur opposé, comme agitées de tressaillements spasmodiques.
Abel Fresnay songeait à sa fille. Il était certain qu'elle lui en voulait, tout en ignorant sans doute elle même la cause de cette humeur. N'ayant jamais nourri la moindre passion pour la lecture, il lui était d'autant plus difficile de comprendre et de cautionner son succès d'écrivain. Il se souvenait en particulier qu'elle lui avait raconté avec beaucoup de mépris et de colère contenus dans la voix sa première journée de cours de l'année. Lorsque le professeur qui faisait l'appel avait prononcé son nom, il avait levé les yeux sur elle et lui avait demandé si elle n'avait pas un lien de parenté avec «le fameux auteur de best-seller». Elle avait murmuré une réponse affirmative à peine audible mais cela avait suffit à faire d'elle le point de mire des vingt-deux paires d'yeux présentes dans la salle ; et dès que le cours fut terminé, on s'était rué sur elle pour savoir à quoi ressemblait monsieur Fresnay, comment il travaillait, où il trouvait ses idées, s'il avait un projet en cours, s'il était possible de le rencontrer... La jeune fille était rentrée chez ses parents, à la fin de la journée, bouillante de colère et s'était montrée d'une humeur tout à fait déplaisante pendant toute j’enlèverai toute pour éviter la répétition la soirée.
En outre, il était tout à fait plausible que son désintérêt total pour la lecture ne vienne directement de la frustration absurde que Tréphine éprouvait depuis qu'elle était consciente de l'aura de son père. Elle ne lisait que les ouvrages inscrits au programme scolaire avec une lenteur certaine et un ennui grandissant de chapitre en chapitre ; parfois elle se plongeait dans un roman de gare quelconque dont la mièvrerie lui donnait l'illusion de se trouver confrontée à de nobles et grands sentiments. Elle tenait de son père ce mépris absurde pour le style et lorsqu'elle appréciait un des rares livres dont elle faisait la lecture, c'était parce que l'auteur avait déployé assez de stratagèmes imaginatifs pour la tenir en haleine jusqu'à la dernière page, insufflant ainsi à son oeuvre les caractéristiques propres aux mauvaises productions cinématographiques. De cela, Abel Fresnay ne pouvait évidemment pas se rendre compte, étant lui-même rongé par les mêmes vices si peu propices à l'éclosion d'un talent littéraire. La haine du style est avant tout une haine de l'art, une haine qui se nourrit de l'ignorance et de la bêtise - ce monstre hideux génialement disséqué par un Flaubert ulcéré -, une haine qui n'est autre que de la frustration, une sorte d'aveu indirect de sa médiocrité et de son incapacité à trouver de belles significations aux belles choses. Cette haine inconsciente de la littérature expliquait l'absence cruelle de finalité esthétique des oeuvres de Fresnay et par là même mettait en lumière toute la distance qui les séparait de l'art.
Abel Fresnay émergea de sa rêverie lorsque sa femme se leva lentement et s'étira en baillant. Il jeta un rapide coup d'oeil à l'horloge digitale du four et se mit à son tour debout. Le couple sortit de la cuisine et passa devant la porte fermée de la chambre de Tréphine, sous laquelle filtrait un raie rai de lumière. Agathe toqua discrètement et entrouvrit la porte. Elle souhaita la bonne nuit à sa fille, s'effaça pour laisser son mari faire de même et se contenta de la réponse vaseuse qu'éructa distraitement Tréphine sans lever la tête de l'écran de son portable.

Oui, un chapitre beaucoup plus mordant dans sa critique car juste et la vision du repas ainsi que de cette famille est truculente sans tomber dans l’excès. Cependant, j’espère que tu développeras la raison d’écrire, plus que la nécessité d’un style. Ce qui a mes yeux est autrement plus important car nous n’écrivons jamais que de la merde si ce n’est pas un cri. J’ai un ami virtuel, poète, qui m’a fait découvrir Artaud. Un petit extrait de ma lettre pour me faire comprendre :
Cher ami poète,
Lorsque je lis que vos poèmes « accrochent », il n’est de plus beau compliment pour celui qui crie.
Je me permettrais de vous citer et de « détourner » vos écrits pour expliquer ma pensée au néophyte :
« Pourquoi l’envers qui est l’unique endroit est-il jalousé par le revers alors qu’il est l’inaliénable surface dont le plein est le seul état. »
A partir de ce constat, tentons de disséquer votre âme :
Si « l’âme est un nœud rythmique » pour Mallarmé, le Centre-nœuds, indicible noyau paralysant de l’être, devient encombrement total, s’il n’a pas de réelle chance de métamorphose pour vous. L’existence même de cette pulsion énergétique, ce « nœud de la vie où l’émission de la pensée s’accroche » (nous y voilà). Un nœud d’asphyxie centrale est la raison même de votre écriture.
« Et il y a un point phosphoreux où toute la réalité se retrouve, mais changée, métamorphosée, - et par quoi?? - un point de magique utilisation des choses. Et je crois aux aérolithes mentaux, à des cosmogonies individuelles. Centre-nœuds, Centre pitère et potron chier, Centre mère et patron minet révélations a posteriori de l’Ombilic des limbes lui-même revendiqué en Pèse-Nerfs « cette sorte de station incompréhensible et toute droite au milieu de tout dans l’esprit. En somme, la présence de ce relais du réseau de l’être, cette perception d’une ponctualisation du flux de l’âme est insupportable, parce qu’inexprimable, intraduisible. »
L’être - le sujet -ne peut s’auto-déterminer sans représentation, qu’elle soit externe, ce qui se manifeste la plupart du temps par le recours à Dieu, ou bien interne et là, le lexique ne suffit plus. Et même si bien souvent la question est éludée, quand la fantasmagorie d’un symbole intra psychophysique déborde, se fait trop entendre, il faut bien le nommer. Vous parlez d’« états d’esprits », de « raclures de l’âme » etc. C’est-à-dire une concentration de souffrances, ou plus exactement, un bouillonnement concentré de l’existence. Tous ces « centres » sont l’embarras de l’être organiquement clos, et c’est d’ailleurs le corps, l’enveloppe épidermique, qui appelle le centre.
Assimiler l'écriture à une "cochonnerie" et ses propres oeuvres à des déchets :
"Ce que vous avez pris pour mes œuvres n'était que les déchets de moi-même, ces raclures de l'âme que l'homme normal n'accueille pas".
Ou encore "Toute l'écriture est de la cochonnerie", "tous ceux qui sont maîtres de leur langue, tous ceux pour qui les mots ont un sens... sont des cochons" "et je vous l'ai dit : pas d'œuvres, pas de langue, pas de parole, pas d'esprit, rien. Rien sinon un beau pèse-nerfs"

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