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Message  MrSonge Lun 1 Fév 2010 - 21:13

pourquoi ?
Elle se nomme Tréphine, mais ne l'est pas particulièrement. ^^

Encore et toujours merci pour tes passages, tes corrections et tes suggestions, je lis avec toujours plus de plaisir tes commentaires à chacun de des posts !

A dire vrai, je vais parler des deux, mais plus du style. Sur ce point, je l'avoue, je suis terriblement célinien. "Ne m'intéressent que les écrivains qui ont un style", disait-il, et je partage grandement son avis, même s'il a poussé ce point de vue à l'extrême et que je ne me sens pas le cœur de le suivre en tout. Mais je vais également parler du besoin d'écriture en confrontant deux visions. Celles de Céline, qui avouait ne ressentir aucun besoin d'écrire, et celle d'autres écrivains qui considèrent qu'ils seraient incapable de faire autre chose. Je ne me permettrai pas de trancher, un roman n'a pas à apporter de solution à de telles questions, de mon point de vue. J'espère seulement apporter de quoi nourrir modestement la réflexion du lecteur...
J'avoue que j'ai dû me reprendre à plusieurs fois avant de comprendre le sens de l'entier de l'extrait de ta lettre, mais j'ai fini par cerner, je crois, ton propos (on dirait un peu le Sartre-Philosophe en plus lyrique, parfois). Cependant, ce qui me semble très important, c'est la notion de finalité prioritaire. Pour moi, le roman n'a qu'une finalité prioritaire : l'esthétique. Non pas le rêve du lecteur, non pas la visée politique (beurk !), ni philosophique, ni quoi que ce soit d'autre, lorsqu'on parle de littérature en tant qu'art. La littérature est avant tout un art, et ne sert donc à rien (qui a-t-il de plus hideux que de la musique "politique"?), et c'est ce qui la rend admirable. La matière de l'écrivain, c'est la langue et c'est en priorité ( je dis bien : en priorité, pas uniquement ! Car un roman c'est aussi une psychologie, des personnages, un monde etc...) là-dessus que l'on peut juger une oeuvre littéraire. Mais le style, pour moi, n'est pas langue. Le style est presque au-delà de la langue. Des images, un débit, un lexique naissent du corps et du passé de l'écrivain et deviennent peu à peu les "automatismes" mêmes de son art. Sous le nom de style se forme en fait un langage autarcique qui ne plonge que dan la mythologie personnelle et secrète de l'auteur, dans une espèce d'hypophysique de la parole, où se forme le premier couple des mots et des choses, où s'installent une fois pour tous les grands thèmes verbaux de son existence, un peu comme le sucre qui descend au fond de la tasse de thé chaud, attendant d'être remué. Quel que soit son raffinement, le style a toujours quelque chose de brut ; forme sans destination, produit d'une poussée et non d'une intention, c'est une dimension verticale et solitaire de la pensée. Le style, en effet, je crois, n'a qu'une dimension verticale. Il plonge dans le souvenir clos de la personne, compose son opacité à partir d'une certaine expérience de la matière ; le style n'est jamais qu'une métaphore, c'est-à-dire une équation entre l'intention littéraire et la structure charnelle de l'auteur. Voilà à peu près (désolé si je suis confus) ce qui pour moi et la finalité prioritaire de l'écriture, ce qui ne veut pas dire que je n'accorde pas d'importance, comme je l'ai dit, aux autre composantes d'un roman. C'est pour cela que la poésie n'est rien d'autre que la quintessence de la littérature : un style à l'état distillé.
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Message  nico4g Lun 1 Fév 2010 - 22:27

Tréphine, oh!, comment ne l'ai-je pas vu, moi le roi du jeu de mot ?

je ne me sens pas le cœur de le suivre en tout
Tu as raison, c'était un grand écrivain mais un personnage détestable.

Pour moi, le roman n'a qu'une finalité prioritaire : l'esthétique.
Je me sens plus proche de l'idée de l'écriture comme élément biologique de notre être. Ecrire pour vivre. C'est là que se situe son acte créatif, se créer lui-même par les lettres : exister littérairement, c'est-à-dire dans sa matérialité scripturaire.
C'est de cette poésie comme fonction d'existence que nous pouvons dire du poète qu'il est un logicien.

Sous le nom de style se forme en fait un langage autarcique qui ne plonge que dan la mythologie personnelle et secrète de l'auteur, dans une espèce d'hypophysique de la parole, où se forme le premier couple des mots et des choses, où s'installent une fois pour tous les grands thèmes verbaux de son existence, un peu comme le sucre qui descend au fond de la tasse de thé chaud, attendant d'être remué. Quel que soit son raffinement, le style a toujours quelque chose de brut ; forme sans destination, produit d'une poussée et non d'une intention, c'est une dimension verticale et solitaire de la pensée.
Oui, ça rejoint l'idée d'Artaud, cette verticalité poussera vers le haut (cri) ou vers le bas (merde), dans les deux cas, il y a un travail psychologique ou métabolique.

le style n'est jamais qu'une métaphore, c'est-à-dire une équation entre l'intention littéraire et la structure charnelle de l'auteur.
Oui, j'apprécie beaucoup le "charnel"; ce qui manque à beaucoup d'auteur. "J'ai déjà chié et sué ma vie en des écrits qui ne valent guère que des affres dont ils sont sortis"

Le poète est un créateur, ce n'est pas seulement un inventeur : la création, c'est créer du nouveau, de l'original. L'artiste créateur est toujours sans père. Même si l'œuvre est datée, elle n'a pas de filiation et son auteur est toujours le "fils de ses œuvres" comme l'a dit Cervantès et c'est sous cette acception que nous entendons le terme d'œuvre pour le poète. Il s'est donné une filiation par la lettre. "Le secret c'est d'être soi-même la source de la poésie et cela ne se dit pas".

Pour finir une lettre célèbre sur "comment écrire de la poésie" :

« Une seule chose est nécessaire: la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer, des heures durant, personne - c'est à cela qu'il faut parvenir. Etre seul comme l'enfant est seul quand les grandes personnes vont et viennent, mêlées à des choses qui semblent grandes à l'enfant et importantes du seul fait que les grandes personnes s'en affairent et que l'enfant ne comprend rien à ce qu'elle font.
S'il n'est pas de communion entre les hommes et vous, essayez d'être prêt des choses: elles ne vous abandonneront pas. Il y a encore des nuits, il y a encore des vents qui agitent les arbres et courent sur les pays. Dans le monde des choses et celui des bêtes, tout est plein d'évènements auxquels vous pouvez prendre part. Les enfants sont toujours comme l'enfant que vous fûtes: tristes et heureux; et si vous pensez à votre enfance, vous revivez parmi eux, parmi les enfants secrets. Les grandes personnes ne sont rien, leur dignité ne répond à rien.
Cherchez en vous-mêmes.
Explorez la raison qui vous commande d'écrire; examinez si elle plonge ses racines au plus profond de votre cœur; faites-vous cet aveu : devriez-vous mourir s'il vous était interdit d'écrire. Ceci surtout : demandez-vous à l'heure la plus silencieuse de votre nuit; me faut-il écrire ?
Creusez en vous-mêmes à la recherche d'une réponse profonde. Et si celle-ci devait être affirmative, s'il vous était donné d'aller à la rencontre de cette grave question avec un fort et simple "il le faut", alors bâtissez votre vie selon cette nécessité; votre vie, jusqu'en son heure la plus indifférente et la plus infime, doit être le signe et le témoignage de cette impulsion. Puis vous vous approcherez de la nature. Puis vous essayerez, comme un premier homme, de dire ce que vous voyez et vivez, aimez et perdez.
N'écrivez pas de poèmes d'amour; évitez d'abord les formes qui sont trop courantes et trop habituelles : ce sont les plus difficiles, car il faut la force de la maturité pour donner, là où de bonnes et parfois brillantes traditions se présentent en foule, ce qui vous est propre. Laissez-donc les motifs communs pour ceux que vous offre votre propre quotidien; décrivez vos tristesses et vos désirs, les pensées fugaces et la foi en quelque beauté.
Décrivez tout cela avec une sincérité profonde, paisible et humble, et utilisez, pour vous exprimer, les choses qui vous entourent, les images de vos rêves et les objets de votre souvenir. Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l'accusez pas; accusez-vous vous-même, dites-vous que vous n'êtes pas assez poète pour appeler à vous ses richesses; car pour celui qui crée il n'y a pas de pauvreté, pas de lieu pauvre et indifférent. Et fussiez-vous même dans une prison dont les murs ne laisseraient parvenir à vos sens aucune des rumeurs du monde, n'auriez-vous pas alors toujours votre enfance, cette délicieuse et royale richesse, ce trésor des souvenirs ?
Tournez vers elle votre attention.
Cherchez à faire resurgir les sensations englouties de ce vaste passé; votre personnalité s'affirmera, votre solitude s'étendra pour devenir une demeure de douce lumière, loin de laquelle passera le bruit des autres. »

et une petite leçon de Verlaine, je crois, qui montre l'importance du style :
Entre la Voix et la Pensée, entre la Pensée et la Voix, entre la Présence et l'Absence, oscille le pendule poétique.
Il résulte de cette analyse que la valeur d'un poème réside dans l'indissolubilité du son et du sens. Or, c'est là une condition qui paraît exiger l'impossible. Il n'y a aucun rapport entre le son et le sens d'un mot. La même chose s'appelle HORSE en anglais, IPPOS en grec, EQUUS en latin, et cheval en français; mais aucune opération sur aucun de ces termes ne me donnera l'idée de l'animal en question; aucune opération sur cette idée ne me livrera aucun de ces mots-sans quoi nous saurions facilement toutes les langues à commencer par la nôtre.
Et cependant c'est l'affaire du poète de nous donner la sensation de l'union intime entre la parole et l'esprit.
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Message  MrSonge Mar 2 Fév 2010 - 16:47

Tu as raison, c'était un grand écrivain mais un personnage détestable.
Oui et non. Je suis très prudent sur ce point. Après tout, il a pondu des pamphlets ignobles, mais n'a fait de mal à personne, était anti-militariste, anti-colonialiste, médecin par vocation de sauver des vies... Si je condamne bien évidemment sa plongée dans la folie antisémite, je ne glisse pas dans la posture banale qui consiste à dire "J'aime l'oeuvre mais l'homme était détestable" comme on le fait souvent avec Wagner, par snobisme. L'homme et l'oeuvre sont indissociables et pour comprendre l'un il faut comprendre l'autre. Sans son amour immodéré pour le style, Céline aurait-il pu élaborer le sien, si splendide, qu'il appelait modestement (ça lui arrivait) "Ma petite musique" ?

Je me sens plus proche de l'idée de l'écriture comme élément biologique de notre être. Ecrire pour vivre. C'est là que se situe son acte créatif, se créer lui-même par les lettres : exister littérairement, c'est-à-dire dans sa matérialité scripturaire.
C'est de cette poésie comme fonction d'existence que nous pouvons dire du poète qu'il est un logicien.
Mon idée de la finalité esthétique n'est pas du tout inconciliable avec cette pensée d'écrire pour vivre. Après-tout, Flaubert ne vivait que pour son style, mais ces romans, il l'avouait lui-même n'ont qu'un but principal : l'esthétique. Il y a la motivation et la finalité, ce n'est pas tout-à-fait la même chose et je pense que ce besoin que tu décris peut être concilié avec cet espèce de quête interminable et infinie de son langage, son méta-langage propre.

Oui, j'apprécie beaucoup le "charnel"; ce qui manque à beaucoup d'auteur. "J'ai déjà chié et sué ma vie en des écrits qui ne valent guère que des affres dont ils sont sortis"
Exactement ! Encore une citation de Céline, si je puis me permettre (je vois que tu n'es pas un raciste de la citation, je me permets donc d'en faire ^^) : "Quand on écrit, il faut mettre sa peau sur a table, sinon on a rien. ça sentira le gratuit, et ça puera le gratuit". Ce qui sous-entend évidemment que si on y va pas avec ses tripes, ça sera de la littérature gratuite (pas dans le sens "écrite pour rien", mais bien "écrite avec rien"), donc de la merde, si je puis oser ce terme. D'ailleurs il reprend cette idée en la modifiant, dans "A l'agité du Bocal", pamphlet écrit contre Sartre qui avait eu l'outrecuidance de médire de lui alors qu'il était en prison au Danemark (et encore, s'il l'avait attaqué de front sur son antisémitisme, mais non, il le traite de corrompu !). Je cite :
"Réfléchissez que l'horreur n'est rien sans le Songe et sans la Musique... Je vous vois bien ténia, certes, mais pas cobra, pas cobra du tout... nul à la flûte ! Macbeth n'est que du Grand-Guignol, et des mauvais jours, sans musique, sans rêve... Vous êtes méchant, sale, ingrat, haineux, bourrique, ce n'est pas tout J.‑B. S. ! Cela ne suffit pas... Il faut danser encore !... Je veux bien me tromper bien sûr... Je ne demande pas mieux... J'irai vous applaudir lorsque vous serez enfin devenu un vrai monstre, que vous aurez payé, aux sorcières, ce qu'il faut, leur prix, pour qu'elles vous transmutent, éclosent, en vrai phénomène. En ténia qui joue de la flûte."
Payer le prix aux sorcières, danser, etc... On retrouve ici les thèmes littéraires chers à Céline. D'abord y mettre du sien, ensuite la musique, oui, la musique, ce style que Céline peaufinera toute sa vie de reclus, hais cordialement par tous ces collègues qui ne comprendront jamais rien à ses textes... (peut-on demander à des types comme Cocteau, Giraudoux de comprendre un génie de l'envergure de Céline ?)

Encore une chose, pour terminer avec ton idée d'écrire pour vivre...
Pour moi, le style engage toute l'existence de l'écrivain (cf Flaubert qui souffrait terriblement de l'écriture, comme si ce n'était pas que son cerveau ou sa main qui écrivaient, mais son corps entier), et pour cette raison il vaudrait mieux l'appeler une écriture : écrire c'est vivre ("un livre a toujours été pour moi, dit Flaubert, une manière spéciale de vivre"), l'écriture est la fi même de l'oeuvre, non sa publication. Cette précellence, attestée ou payée par le sacrifice même d'une vie, modifie quelque peu les conceptions traditionnelles du bien-écrire (quel mot très laid!), donné ordinairement comme le vêtement dernier (l'ornement) des idées ou des passions. C'est d'abord, aux yeux de Gustave, toujours, l'opposition même du fond et de la forme qui disparait : écrire et penser ne font qu'un, l'écriture est un être total.

Très belle, cette lettre, mais j'avoue que le nom de son auteur m'échappe. C'est d'Artaud ?
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Message  nico4g Mar 2 Fév 2010 - 17:53

Après tout, il a pondu des pamphlets ignobles, mais n'a fait de mal à personne,
Ecrire est parfois une arme bien plus redoutable que les bombes, non ? Voir comment la soeur antisémite de Nietzsche a récupéré le manuscrit de son frère afin d'en faire de la propagande nazi.

ce besoin que tu décris peut être concilié avec cet espèce de quête interminable et infinie de son langage, son méta-langage propre.
C'est exactement ça.
Je reste sur mon idée d'écriture organique plus que sur celle à finalité esthétique qui me paraît plus abstraite et conceptuel (et puis, on est est biologiste ou on ne l'est pas^^).

une écriture : écrire c'est vivre
écrire pour vivre, dans le sens où c'est un besoin vital pour éviter le noeud d'asphyxie.

La lettre est de Reiner Maria (lettres à un jeune poète)
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Message  MrSonge Mar 2 Fév 2010 - 18:09

Heu... tu veux bien parler de Rilke ? (désolé je ne connais pas bien ses prénoms... xD)

Je reste sur mon idée d'écriture organique plus que sur celle à finalité esthétique qui me paraît plus abstraite et conceptuel (et puis, on est est biologiste ou on ne l'est pas^^).
Oui mais toi tu me parles de la raison d'écrire. Moi je parle de la finalité du livre. Ce n'est pas du tout sur le même plan que cela se situe. Encore une fois, il suffit de prendre l'exemple de Flaubert. Il avait besoin d'écrire, un besoin vital, mais il le faisait dans un but esthétique. C'est justement l'équation entre ce besoin organique et la conscience de cette fin stylistique qui fait un bon écrivain.... Peut-être... ^^

écrire pour vivre, dans le sens où c'est un besoin vital pour éviter le noeud d'asphyxie.
La nuance est ténue, mais elle est là. Flaubert vivait en écrivait, quand ça n'allait pas, il souffrait, quand ça allait, il se sentait bien. Maintenant, l'aurai-t-on sevré d'écriture, en serait-il mort ? Grande question. M'enfin, je vois tout-à-fait ce que tu veux dire, et même si on ne devrait pas céder devant des généralités dans le monde de l'écriture, je crois que bon nombre d'écrivain méritoires partagent ton point de vue.

Ecrire est parfois une arme bien plus redoutable que les bombes, non ? Voir comment la soeur antisémite de Nietzsche a récupéré le manuscrit de son frère afin d'en faire de la propagande nazi.
André Gide : « Je considère "Bagatelles pour un massacre" trop grotesque pour pouvoir être pris au sérieux. »
D'ailleurs, on aurait tort de condamner en bloc les Pamhplets de Céline. Il y a des pages admirables sur l'éducation (il est un des premiers écrivains à prôner la prolongation des études obligatoires ! et le développement des disciplines artistiques), sur la politique (pas du tout fasciste) etc...
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Message  nico4g Mer 3 Fév 2010 - 10:56

Heu... tu veux bien parler de Rilke ?
Ja, naturlich ^^


Maintenant, l'aurai-t-on sevré d'écriture, en serait-il mort ?
Là, je suis obligé de mettre de côté ma biologie ^^. Il serait mort en tant qu'homme=écrivain, de la même manière qu'une femme peut ne plus se sentir femme quand elle apprend qu'elle ne peut plus être mère. Quant à la finalité, écrire= thérapie permettant d'expulser ses "raclures d'âmes" :
"Convention peu tacite entre l'auteur et le lecteur,
par laquelle le premier s'intitule malade,
et accepte le second comme garde-malade."
Je comprends ta finalité esthétique à prendre dans son ensemble et non à considérer comme contemplation de la beauté surfacique des choses. Artaud, dans sa grande humilité parle de merde, car il ne peut imaginer que ses écrits puissent toucher l'âme (autre manière d'exprimer la finalité esthétique).
Fresnay, pour moi, écrit surtout pour la reconnaissance, mais celle de ses pairs lui sera toujours refusée tant qu'il n'écrira pas dans une autre optique.
Certains restent à copier leurs maitres, ne sachant ou ne voulant pas s'en affranchir, mais avoir son style propre est le défi de l'artiste. Exposer son âme est évidemment courageux mais nécessaire pour véritablement créer un lien auteur/lecteur évoqué précédemment.
Pour ma part, écrire me sert à expulser ma part d'ombre. Si je n'écrivais pas, vivrais-je à Monsanto en cereale-killer ? Je ne le crois pas mais je pense que ne donnerai pas autant d'amour à mes proches. L'équilibre est une notion fondamentale pour moi car elle est la clé de mon bonheur.

J'espère t'avoir donné matière pour poursuivre ton roman qui apporte une réflexion intelligente sur l'écriture sans négliger un récit bien construit.
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Message  MrSonge Mer 3 Fév 2010 - 14:03

Quant à la finalité, écrire= thérapie permettant d'expulser ses "raclures d'âmes"
Mais justement, il y a des écrivains qui ne partagent pas du tout ce point de vue. Céline et Valéry, par exemple, admettaient tout-à-fait pouvoir se passer de l'écriture. Céline disait même qu'il n'avait écrit le Voyage que dans le but de renflouer ses finances. Par conséquent, je comprend tout-à-fait ce que tu veux dire mais une fois encore, peut-on donner une définition générale de l'écriture ? Il y aura toujours un auteur qui le ressentira différemment. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que vitale ou pas pour l'écrivain, l'écriture vraie demande un payement et même un sacrifice. Là on est tout-à-fait d'accord.

Oui entendons-nous bien, quand je parle de finalité esthétique, ce n'est pas de finalité plastique uniquement. Il y a de cela aussi, bien sûr, mais je ne prône pas la recherche d'une forme parfaite mais creuse. Une esthétique parfaite serait justement une adéquation parfaite entre la forme et le fond, et même l'abolition de cette frontière...

A propos de copier les maître, Barthes dit quelque chose d'à peu près identique dans un de ses ouvrages. Il dit :
"Par son origine biologique (c'est pour toi ! ^^), le style se situe hors de l'art, c'est-à-dire hors du pacte qui lie l'écrivain à la société. On peut donc imaginer des auteurs qui préfèrent la sécurité de l'art à la solitude du style. Le type même de l'écrivain sans style, c'est Gide, dont la manière artisanale exploite le plaisir moderne d'un certain éthos classique, tout comme Poulenc à refait du mauvais Schubert. A l'opposé, la poésie moderne - celle d'un Hugo, d'un Rimbaud ou d'un Char - est saturée de style et n'est art que par référence à une intention de Poésie."
Donc voilà, le mot "style" a bien évidemment un sens beaucoup plus large que simplement "manière d'écrire personnelle".

En tout cas merci beaucoup pour tes réflexions que je compte bien exploiter (d'ailleurs si jamais peut-être oserais-je te demander quelques éclaircissements sur certain points...) toutes les merveilleuses pistes que tu m'a fournies, car comme je l'ai dit, je ne veux pas, et ne peux pas donner une réponse. Toutes les hypothèses sont donc les bienvenues, et je tâcherais de les employer du mieux que je peux.
Wink
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Message  nico4g Jeu 4 Fév 2010 - 17:38

peut-on donner une définition générale de l'écriture ?
Comme pour le style d'ailleurs. Emile Ajar alias Romain Gary nous en a donné une belle leçon ^^.

Il y aura toujours un auteur qui le ressentira différemment.
Le fameux "ressenti" cher au poète.

d'ailleurs si jamais peut-être oserais-je te demander quelques éclaircissements sur certain points...) toutes les merveilleuses pistes que tu m'a fournies, car comme je l'ai dit, je ne veux pas, et ne peux pas donner une réponse. Toutes les hypothèses sont donc les bienvenues, et je tâcherais de les employer du mieux que je peux.
Wink
Pani pwoblem. Tout ce qui peut amener à une réflexion, tout ce qui rend le lecteur acteur, et non spectateur, à mon soutien total.
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Message  MrSonge Jeu 4 Fév 2010 - 17:57

Pani pwoblem. Tout ce qui peut amener à une réflexion, tout ce qui rend le lecteur acteur, et non spectateur, à mon soutien total.
C'est terrible, un livre dans lequel le lecteur est réduit à ce rôle-là. Sleep

Alors entendu, j'abuserai peut-être encore de tes optiques de pensée. Mais je vais déjà reporter toutes les corrections sur le texte lui-même étant donné que j'ai enfin pu récupérer mes documents ! ^^
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Message  nico4g Sam 6 Fév 2010 - 19:41

Trônant dans son bureau au mobilier trop moderne pour être de bon goût et trop utilitaire pour être chaleureux, Jeanne Savranche feuilletait lentement un magasine littéraire dont les pages plastifiées luisaient légèrement à la lumière d'un pâle soleil automnal. C'était une femme frôlant chaque année plus dangereusement la cinquantaine, dans la chevelure blonde lisse et brillante de laquelle commençaient à poindre de discrètes mèches argentées dont la chevelure blonde, lisse, et brillante se laissait corrompre par Chronos en de discrètes mèches argentées. Systématiquement, après avoir tourné nerveusement une page, elle triturait ses lunettes cerclées qui lui donnaient un air intellectuel ne l'embellissant absolument Houla ! trois adverbes dans cette phrase, 6 depuis le début Pâco bondirait ^^ pas. La beauté est très souvent incompatible avec un air intellectuel; une intelligence trop visible, qui vient prendre le pas sur le physique, duquel elle devrait être distincte, ne fait que rendre un visage intéressant, jamais beauattention phrase un peu 1 trop longue 2 lourde 3 alambiquée. Choisis ton arme ^^. Déjà tu as mis souvent au début et tu termines par jamais : proposition : L’intelligence est un maquillage, quand il est très prononcé, qui ne sied pas toujours à l’éclat d’un visage. Arrivée à la page qu’elle convoitait,….
Lorsqu'elle arriva enfin à la page qu'elle convoitait, elle se pencha un peu plus sur le mensuel et se mit à pianoter de ses ongles manucurés sur son bureau pianoter sur son bureau à l’aide de ses ongles manucurés. Jeanne Savranche parcourut d'abord une foisj’enlèverai « d’abord une fois » qui alourdît la phrase rapidement les différentes rubriques avant de s'arrêter sur celle qui l’intéressaità celle qu'elle cherchait : la critique littéraire. Son regard se durcit un peu plus à chaque ligne qu'elle lisait. Son regard se durcissait au fur et à mesure de sa lecture

Lorsque l'on se saisit du nouvel ouvrage de monsieur Fresnay, on ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire. La ridicule couverture choisie par la maison d'édition conviendrait mieux à un manuel de scientologie qu'à un roman - aussi médiocre soit-il. De plus, si l'on se donne la peine de retourner ce pavé d'environ huit-cent pages, on constate que là où il y a habituellement une quatrième de couverture, il n'y a qu'une petite citation qui a au moins le mérite de résumer à elle seule toute la vacuité de l'oeuvre : « Et si Dieu en avait assez?». L'histoire tient sur un timbre-poste : Dieu est lassé des plaintes incessantes de l'humanité et décide de faire savoir qu'il commence une grève sauvage et totale. Dès lors, le monde dans lequel nous vivons sombre dans un chaos dantesque qui évidemment ne perdurera pas jusqu'à la dernière page. Il serait vain que nous tentions d'écrire autre chose à son propos, car c'est bien d'un roman aussi creux qu'une caisse de résonance dont ilqu'il s'agit. L'intrigue n'est qu'un pur produit hollywoodien qui a raté la sélection cinématographique et, hélas, ce n'est pas la grandeur du style qui viendrait combler cette lacune. Car monsieur Fresnay persiste dans sa désarmante exploration de l'absence de style la plus compacte. Visiblement pour lui, l'écriture n'est qu'un travail de transcription simple de ses pensées. Aucune recherche, aucun travail approfondi n'est fait sur ses textes. Lorsque l'on lit du Fresnay, on se plonge lentement mais sûrement dans l'océan de la médiocrité littéraire, on s'enlise dans le bourbier puant de l'écriture au rouleau. Comment peut-on en son âme et conscience faire lire à son éditeur un manuscrit aussi vide, aussi peu soigné que celui qui a donné naissance à l'ouvrage regrettable dont il est question ici ? N'y a-t-il donc personne dans l'entourage de monsieur Fresnay pour l'implorer avec assez d'insistance d'abandonner sa lubie de l'écriture et de se consacrer plutôt à n'importe quel autre passe-temps ? Du moment qu'il n'est pas en contact avec une plume et du papier. Il serait temps que certains prétendus auteurs qui ne s'élèveront jamais plus haut que le niveau atteint par les dissertations d'élèves de terminale se souviennent qu'être écrivain est un métier ; et qu'il ne semble pas être à la portée de tout le monde.
Par E. M. Bonne critique, tiens j’en ai en réserve dans le style Angelo Rinaldi :
Fresnay ne régresse pas dans le moyen, il progresse dans le nul
« Et si Dieu.. » ? une méduse abandonnée sur le sable
Il y a dans l’écriture de Fresnay, quelque chose qui relève de la prouesse onaniste où on réussirait à se sucer soi-même.
Ni fait ni à faire, écrit à partir d’une idée qui ne vaut rien
Fresnay écrit beaucoup trop. Ce n’est plus un écrivain, c’est un diarrhétique. Oui, je sais : je devrais éviter cette image peu ragoutante, mais en fin, quand on se répand à ce point, le dérèglement paraît d’ordre physiologique, non ?
Une prose de garçon de bain pour salle d’attente de proctologue
L’homme écrit plus vite que son ombre, mais, hélas, moins bien qu’elle.
Des lignes d’une beauté seulement surpassées par certaines brochures de Nouvelles Frontières.


Jeanne Savranche referma violemment le magasine et le jeta dans la corbeille qui était placée près de sa chaise. Depuis qu'elle était à la tête des éditions Label elle n'avait cessé d'encourager des auteurs prometteurs comme cet Abel Fresnay qui s'était hissé dès ses premiers romans au sommet des meilleurs meilleuresventes. Pourtant, pas une seule fois, un roman publié par sa maison n'avait eu l'heur de plaire à ce critique qui étrillait systématiquement chaque nouvelle sortie. L'éditrice s'était vue traitée de «marchande de soupe», de «aimant sans cesse attiré vers les productions les plus médiocres», de «commerçante arriviste sans le moindre sanssens artistique» mais malgré cela, elle n'avait jamais remis en cause sa ligne éditoriale et continuait à suivre ses goûts en matière de choix d'auteurs.
Elle se leva brusquement et se tourna vers la haute fenêtre qui donnait sur une large avenue bordée de platanes chétifs. Les bruits des moteurs lui parvenaient faiblement et de temps à autre elle entendait le cri autoritaire d'un avertisseur qui retentissait dans tout l'arrondissement. Perdue dans ses pensée, elle suivit du regard un jeune couple qui traversait la rue, bras dessus bras dessous, jusqu'à ce qu'il disparaisse dans une petite rue transversale. Sa bouche entrouverte était tellement proche de la vitre qu'un petit nuage de condensation se formait sur le verre. Savranche s'en rendit subitement compte et l'essuya à l'aide de la manche de son pull-over.

Chaque fois qu'elle repensait à ce critique arrogant, ce pamphlétaire hargneux, ce pisseur de copie suant la pédanterie, elle sentait monter en elle une vague de colère irraisonnée et était submergée par un désir de vengeance qu'elle ne contenait qu'avec grande peine. Ce chroniqueur rétrograde, à l'esprit étriqué n'avait sans doute jamais fait ses preuves en tant qu'écrivain et se complaisait à tirer sur tous ceux dont le succès ne pouvait qu'attiser sa jalousie. Un auteur raté, voilà ce qu'il devait sans doute être pour déverser avec tant de constance son fiel haineux sur à peu près tous les auteurs actuels. Le pauvre devait sans doute se sentir frustré de ne point pouvoir suivre l'évolution du monde des lettres et se retranchait dans une vénération stérile du passé. L'adoration d'une littérature compliquée, écrite pour des gens encore plus compliqués qui se complaisaient dans des exercices de style alambiqués, dans des prouesses formelles aussi creuses qu'ennuyantes et rebutantes. Aujourd'hui la littérature se doit d'être simple, accessible au plus grand nombre, démocratique en quelque sorte. Elle s'arrêta sur cette pensée. C'était exactement cela. Il fallait qu'elle se fasse le chantre de la littérature démocratique. Ce ne serait d'ailleurs pas bien difficile puisque c'était ce que le public aimait ; et c'était le public qui décidait des ventes. Après tout, que lui importait les braiments incessants et venimeux de ces critiques obscurs ? Tant que le public aimait ce qu'elle publiait, ses stocks s'écoulaient on ne peut mieux et ses caisses se remplissaient proportionnellement. vu le nombre d’adverbe que tu utilises, ce qui ne me dérange pas, je me demande ce que Pâco a dit ^^
Satisfaite de sa conclusion, les brumes menaçantes de la colère s'étant dissipées en elle, Jeanne Savranche retourna s'asseoir à son bureau. A ce moment, une secrétaire qui semblait être la seule chose vieille de plus d'un demi-siècle dans tout l'étage, passa la tête par la porte après avoir toqué discrètement. Elle informa l'éditrice de l'arrivée de monsieur Fresnay. celle-ciMadame Savranche se leva, lissa son tailleur bleu et alla accueillir son visiteur. Ils s'installèrent dans deux fauteuils placés un peu à l'écart, dans un angle de la pièce, près d'une fenêtre et d'un buffet à hauteur de hanche dont la propriétaire des lieux se servait comme d'un bar. Elle offrit à l'écrivain un verre de whisky et prit, quant à elle, un gin tonic. Après avoir rangé les bouteilles d'alcool, elle s'assit face à Fresnay et but lentement quelques gorgées.
« Félicitations, mon cher, finit-elle par dire lorsqu'elle posa son verre sur une petite table basse près de son siège. Après quelques semaines, les ventes de votre dernier-né sont excellentes, comme toujours. Décidément, en acceptant votre premier manuscrit, j'ai découvert le filon idéal. Vous n'êtes pas loin de devenir notre meilleur élément.
- J'en suis flatté, répondit Fresnay. Je ne peux que vous remercier une fois de plus de m'avoir fait confiance au moment de publier mon premier manuscrit.
- Je ne regrette pas d'avoir suivi mon instinct. Instinct qui me trompe rarement, soit dit en passant, pour ce qui est du potentiel d'un auteur. J'ai immédiatement compris que vous aviez la fibre d'un grand prosateur.
- Cela, répliqua Fresnay quelque peu confus, je laisse le public en décider.
- Je crois que ces réactions ne sont pas trop ambiguës. On vous adore, mon cher, on vous encense partout - ou presque, ajouta-t-elle en son fort intérieur en repensant au magasine qu'elle avait jeté quelques instants auparavant -, vous êtes traduit dans toute l'Europe et je pense pouvoir affirmer que vous ferez bientôt partie des auteurs français les plus lus sur notre continent. D'ailleurs, à propos de succès, votre intervention télévisée de mardi a obtenu une très bonne audience. J'ai suivi l'émission et vous ai trouvé parfait. Votre réponse à la critique stupide qu'a lu le présentateur était tout à fait pertinente. »
Abel Fresnay la remercia en souriant et vida le fond de son verre. Il sortit un étui à cigarettes d'une poche intérieure de son veston et interrogea du regard son éditrice qui lui signifia d'un hochement de tête qu'il pouvait fumer. Il lui en proposa une. Elle déclina l'offre, alla chercher le cendrier placé sur son bureau et le déposa sur la table, entre eux. Lorsque l'écrivain eût tiré les premières bouffées, de fines volutes de fumée bleutées se tordirent en de capricieuses arabesques qui montaient lentement vers le plafond, avant de se répandre paresseusement au-dessus des deux têtes, glissant contre le plâtre blanc comme de discrets nuages contre la voûte céleste, puis de disparaître progressivement, encore 3 adverbes ^^ dans cette phrase absorbées par l'air ambiant.
Au bout de quelques instants de silence, Jeanne Savranche interrogea Fresnay sur ses projets d'écriture. Il répondit en faisant tomber la cendre de sa cigarette dans le petit objet en verre, qu'il n'avait pas encore d'idée précise virgulemais que le cadre général était déjà posé. L'action se déroulera à New-York, parce qu'une ville américaine est plus à même de correspondre à l'atmosphère d'un roman réellement moderne que n'importe quelle agglomération du Vieux Continent. Les protagonistes principaux seront un couple de jeunes enseignants et leur jeune fille. Le centre de l'intrigue sera la disparition de cette enfant, le désespoir du père qui quittera son travail et ira vivre en vagabond dans les rues, puis la réapparition de la petite, plusieurs années plus tard, à l'endroit même où elle avait disparu. Comme il lui avait expliqué, les détails n'étaient pas encore tout à fait clairs à son espritvirgule après mais car ou et si le sujet n’est pas le même ou si la phrase dépasse trois mots mais les grandes lignes du scénario étaient là, prêtes à s'étoffer de précisions en tous genres et de rebondissements.
Jeanne Savranche l'assura de son entière confiance.
« Donnez-nous comme toujours votre si délicieux et personnel cocktail d'action, de passion et de suspens. Je m'occuperais du reste et ce sera un succès.»

Abel Fresnay sortit du bureau de son éditrice avec l'étrange et ambivalente impression d'avoir scellé une excellente affaire d'une part et d'autre part, pas de virgule d'avoir marchandé un futur livre comme un produit banal destiné à faire fureur à sa sortie et à se démoder sans tarder. En remontant la rue Sébastien-Bottin puis la rue de Beaune, les mains dans les poches de son imperméable gris au col relevé, une troisième cigarette entre les lèvres, il sentit soudainement une vague brutale de froid lui engourdir les membres et l'âme. Il s'immobilisa au milieu du trottoir et leva lentement les yeux vers le ciel. Quelques nuages à la substance ténue parsemaient l'étendue d'un bleu extrêmement pâle. Le vent les chassait progressivement vers le levant. L'écrivain reprit sa route et arriva sur le quai Voltaire. A sa droite se trouvait le Pont du Carrousel, à sa gauche le Pont Royal et un peu plus loin le musée d'Orsay dans lequel il n'avait jamais mis les pieds. Il traversa la chaussée, faisant freiner un automobiliste visiblement agacé qui lui signifia d'un geste éloquent son mécontentement. Abel Fresnay n'y prêta pas garde et alla s'accouder à la balustrade qui surplombait un petit port prisonnier entre les deux ponts enjambant la Seine aux deux extrémités du Quai Voltaire. Il écrasa sa cigarette du bout de la chaussure et suivit du regard un bateau-mouche qui glissait lentementcelui-là tu l’aimes bien dans le sens du courant. Lorsque celui-ci eût disparu derrière l'arcade du pont Royal, il se sentit brutalement désemparé, comme si ce bateau qu'il venait de perdre de vue était quelque chose dont il ne pouvait se séparer sans regret. Il eût soudain l'impression d'entendre le bruit d'une déchirure dans le tissu fragile de son être, une dissonance râpeuse dans l'harmonie schubertienne de son existence. joli ! Il lui sembla qu'il était devenu orphelin, non pas de parents, mais de quelque chose de bien plus intime, de quelque chose qui venait de lui être arraché par le monde extérieur et dont il ne parvenait pas à discerner la substance exacte, ne pouvant qu'en constater douloureusement la disparition. Disposant subitement d'une conscience aiguë des tréfonds de son être, il se livra pour la première fois de sa vie à une longue introspection. Comme un homme qui descendrait dans une grotte sombre et inexplorée, il entra en lui en tâtonnant, en hésitant, en s'aventurant à l'aveuglette dans des recoins de son esprit dont il n'avait pas une seule fois, auparavant, soupçonné l'existence.
Abel Fresnay resta courbé sur le mur de pierre jusqu'au soir, les yeux perdus dans le vague, les lèvres entrouvertes et les narines frémissantes. Une brise légère lui caressait le visage et faisait onduler ses cheveux bruns dont certain glissaient parfois lentementqu’est-ce que je disais… le long de son front, jusqu'à ce qu'il les repousse d'un mouvement sec de la tête. Les feuilles des platanes bordant le trottoir s'agitaient au rythme irrégulier du vent qui se faufilait avec un bruissement tendre et discret entre les branches fragiles. Lorsque le soleil couchant commença à baigner le ciel du ponant de lueurs roses et oranges qui semblaient s'épandre des nuées, lorsque le fond du ciel se revêtit de flammes douces et moelleuses, tandis qu'à l'est la lune surgissait lentement un tic, je te dis ^^au milieu de nuages vaporeux, l'écrivain se redressa enfin et sortit de sa poche son paquet de cigarettes. Il s'en glissa une entre les lèvres, l'alluma, laissa la fumée s'échapper par ses narines et se mit à remonter lentementtu le fais exprès ? le long de la Seine. Il traversa le Pont Royal en s'arrêtant plusieurs fois pour regarder couler la rivière, tentant vainement d'en saisir le doux murmure, couvert par le bruit incessant des automobiles circulant derrière lui. Arrivé sur le quai des Tuileries, il hésita quelques instants, puis s'engagea dans le Jardin, qu'il traversa par l'Avenue du Général Lemonnier. Au milieu de celle-ci, il s'immobilisa face à la Pyramide du Louvre. Les lumières venaient d'être allumées, tout au long des façades baroques des différentes ailes, ainsi que dans les entrailles de la splendide construction de verre. La perspective était magnifique. Le palais se détachait parfaitement bien sur le ciel sombre, bleu céladon, la couleur de la turquoise occidentale, engorgée et sulfureuse. La Grande Pyramide resplendissait sous cette voûte tiquetée de nuages discrets, rosis par les lueurs du couchant. Une phrase du regretté Sacha Guitry lui revint en mémoire : "On nous dit que nos rois dépensaient sans compter, qu'ils prenaient notre argent sans prendre nos conseils, mais lorsqu'ils construisaient de semblables merveilles ne nous mettaient-ils pas notre argent de côté?". encore faudrait-il pouvoir en profiter, les morts de faim goûtent peu à l’art En observant cette vue irréelle de beauté, cette merveilleuse conciliation de l'art architectural baroque, à la majesté toute classique, et des prouesses de l'architecture moderne, sobre et puissante, il comprit que la mégalomanie des dirigeants, lorsque ceux-ci sont pourvus d'un sens artistique développé, est un cadeau à la nation.

un début que j’ai trouvé lourd à cause de phrases trop longues, puis une suite beaucoup plus agréable et cohérente avec ta critique. Cependant, n’oublies pas toi l’action, car c’est un roman pas un essai ^^.
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Message  MrSonge Sam 6 Fév 2010 - 19:54

Razz J'adore monsieur Rinaldi ! Comme écrivain et comme critique. Sauf sa voix détestable, m'enfin, personne n'est parfait. Excellente, ta critique, c'est tout ce que je n'ose pas faire de peur de me faire traiter de tous les noms d'oiseaux imaginables.

J'ai viré une partie des adverbes que tu as relevés, et la majorité des "lentement" qui sont un vrai fléau dans mes textes. Je devrais faire des relectures spéciales "lentement" pour exterminer les dizaines qui se trouvent en trop.

En te remerciant une fois encore, je m'en vais reporter tout cela sur le topic idoine. ^^
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Message  nico4g Sam 6 Fév 2010 - 19:57

Enfin, ce n'est pas ma critique, c'est un pot pourri que j'avais noté. Tu peux y aller, il y a pas de droits d'auteur ^^
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Message  MrSonge Sam 6 Fév 2010 - 20:02

Le plus drôle c'est que le coup de l'ombre je l'a déjà utilisé, et sans savoir que monsieur Rinaldi en avait fait de même (mais bon, ça, il n'y a que ma parole pour le prouver, hélas). C'était dans La vie est trop courte pour lire de mauvais livres. Je parlais des académiciens et en pensant à Gallo je disais "qui écrivent plus vite que leur ombre (et certains plus mal qu'elle)". Mais je ne crois pas que je vais tirer la critique de mon texte dans ce sens-là, se serait fatal pour le personnage de Malesherbe. Razz
(D'ailleurs je lui consacre plus tard un chapitre où il sera expliqué qu'il ne peut pas se permettre n'importe quoi...)
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Message  nico4g Ven 19 Fév 2010 - 17:58

Chapitre Sixième

Au moment où Abel Fresnay traversait les Tuileries, Philémon Clairambault poussait la porte d'entrée du grand hall de son immeuble. Il hésita quelques instants face à la cage d'escalier deen ? marbre, puis s'engouffra dans l'ascenseur. Arrivé au troisième, il traversa le couloir et poussa la porte de son appartement. Le jeune homme signala sa présence en criant qu'il était là, et alla poser son sac dans sa chambre, avant de retourner au salon. Il y trouva son père, en costume bleu, un numéro de l'Humanité entre les mains, assis dans le canapé qui faisait face à la grande baie vitrée donnant sur le pied lumineux de la Tour Eiffel. Soigneusement coiffé, les cheveux luisants, il venait de retirer sa cravate, qu'il avait négligemment déposée à côté de lui. Félix Clairambault, quarante trois ans, occupait le poste, convoité par des centaines de petits politiciens arrivistes, de secrétaire d'Etat. Pour y parvenir, il avait bien sûr dû jouer des coudes. Il avait menti, triché, accepté des pots-de-vin, en avait offert, mais n'avait jamais rien regretté, et ne s'en portait pas plus mal ; plutôt mieux, étant donné le nombre astronomique de zéros qui venaient s'aligner chaque mois derrière un chiffre de plus en plus élevé, sur ses relevés bancaires. Il n'avait jamais fait cas de ces maximes moralistes adjurant d'acclamer l'effort plutôt que le résultat ; au contraire il estimait risible de croire que seul le premier est important. Si le résultat était médiocre, il ne se permettait pas de louer un effort qui n'aura été qu'improductif et uniquement bon à pousser celui qui l'a fourni à faire l'étalage complaisant de son propre échec. Il haïssait la morale démagogique dont les hommes politiques se parent de plus en plus dans l'espoir de passer pour l'exception salvatrice dans un milieu de corrompus. La moralité était pour lui une notion aussi abstraite et arbitraire que le bien ou le mal et dont il ne tenait absolument pas compte lorsqu'il prenait une décision. Etant persuadé de ne vivre qu'une seule fois, ou tout au moins de ne jamais avoir accès à ses vies antérieures, il savait ne disposer d'aucun point de comparaison pour qualifier une action de bonne ou de mauvaise. Partant de là, il tâchait d'agir de telle façon qu'arrivé au terme de son existence, il pourrait dire de sa vie : "Si c'était à refaire, je ne changerais rien." Ainsi, il était prêt, conformément aux théories nietzschéennes, à affronter les insondables et vertigineux abîmes de l'Eternel Retour.
A peine Philémon s'était-il installé dans un fauteuil, face à son père que sa mère passa la tête par la porte de la cuisine pour les informer que le dîner était prêt. Ils se levèrent tous deux et passèrent à table, rapidement rejoints par Ludivine, la soeur aînée du jeune lycéen. Grande, ses cheveux noirs lisses lui recouvrant les omoplates, elle nourrissait une passion grandissante pour la politique et penchait de plus en plus dangereusement vers un socialisme exacerbé, révélateur d'une personnalité humaniste compulsive.

Lorsqu'ils furent tous assis autour de la table, Félix Clairambault se servit copieusement de salade.
« Savez-vous que, demanda-t-il en reposant les couverts de plastique vert dans le plat que lui tenait son épouse, le spectacle réjouissant de la débandade du PS me réjouit de plus en plus ? Savez-vous que le spectacle réjouissant de la débandade du PS me réjouit de plus en plus ? demanda-t-il en reposant les couverts de plastique vert dans le plat que lui tenait son épouse .
- Il n'y a pourtant pas de quoi, répondit Ludivine. La gauche française est en train de sombrer de façon révoltante et inadmissible et cette gabegie semble t'amuser.
- Evidemment que cela m'amuse ! s'exclama son père en riant. Tu ne voudrais tout de même pas que j'en pleure ? Les incohérences de ce parti et de ses membres dirigeants sont de plus en plus fascinantes.
- Il y a tout de même des choses plus importantes que la contemplation complaisante des déboires du Parti Socialiste, non ? demanda Madame Clairambault entre deux bouchées de pain.
- Tout à fait ! lança sa fille. Je n'ose même pas vous donner les chiffres de la hausse du chômage. Le nombre de chômeurs a doublé en moins d'un an et ce n'est pas terminé, la tendance n'est pas encore inversée.
- J'ai toujours trouvé effroyable cette manie qu'ont les gens de chercher du travail à cause du salaire. Le travail n'est plus le but lui-même, mais un moyen. Cela explique le peu de finesse qu'ils mettent dans le choix de leur emploi, pourvu qu'il leur rapporte suffisamment pour terminer le mois tranquillement. Travailler sans plaisir est tout de même assez vulgaire.
- Mais c'est proprement scandaleux, ce que tu dis là ! s'insurgea la jeune fille. Tout le monde n'a pas la chance de pouvoir choisir son travail comme tu choisis une pâtisserie dans la vitrine du confiseur. C'est une nécessité, le travail, un moyen de survie. Le travail est une nécessité, un moyen de survie.
- L'homme véritable se rit de sa santé et de ses besoins lorsqu'il est question de faire face au pire vice qui soit au monde : l'ennui. Or, tout ce qui est vulgaire ne peut et ne doit être qu'ennuyeux. »
Placé en bout de table, Philémon observait leur différend, laissant son regard errer lentement de sa soeur qui gesticulait, visiblement révoltée, à son père qui répliquait avec calme, tout en vidant rapidement son assiette. Félix Clairambault faisait preuve d'un cynisme déconcertant et pourtant le jeune homme ne parvenait pas à s'empêcher de discerner un fond de vérité dans chacune des considérations qui semblaient scandaliser Ludivine. c’est toute la différence entre le théoricien et le praticien ^^.
A la fin du repas, le jeune homme se leva, débarrassa son couvert et alla s'allonger sur son lit. Il resta quelques instants les yeux fixés au plafond, les bras croisés derrière la nuque, avant de se lever et d'aller chercher son exemplaire des Femmes Savantes dans sa bibliothèque. Il reprit sa lecture, qu'il avait interrompue la veille, juste avant d'entamer la scène extraordinaire de Vadius et Trissotin. Elle débute par l'introduction du poète Vadius dans le salon de Philaminte, la Femme Savante. C'est Trissotin, l'auteur favoris favori de la maîtresse de maison, un pédant "trois fois sot" comme l'indique son nom, qui le présente et vante ses mérites.

" TRISSOTIN
Il a des vieux auteurs la pleine intelligence,
Et sait du grec, Madame, autant qu'homme de France.

PHILAMINTE

Du grec, Ô Ciel! du grec! Il sait du grec, ma sœur!

BÉLISE

Ah, ma nièce, du grec!

ARMANDE

Du grec! quelle douceur!

PHILAMINTE

Quoi? Monsieur sait du grec? Ah! permettez, de grâce,
Que pour l'amour du grec, Monsieur, on vous embrasse."

Le pauvre homme stupéfait se fait donc embrasser par la mère, la tante et la nièce. Il s'installe dans un fauteuil qu'on lui offre avec obséquiosité et s'excuse de s'être introduit de telle façon.


"VADIUS

Je crains d'être fâcheux par l'ardeur qui m'engage
À vous rendre aujourd'hui, Madame, mon hommage,
Et j'aurais pu troubler quelque docte entretien.

PHILAMINTE

Monsieur, avec du grec on ne peut gâter rien."

Réplique sublime de Philaminte. Vadius ne se fait pas prier longtemps et sort de sa sacoche une liasse de papier où il a noté "de petits vers pour de jeunes amants" et sur lesquels il aimerait avoir le sentiment de ses hôtes. Mais Trissotin l'interrompt en lui lançant un compliment, auquel répond Vadius.

"TRISSOTIN

Vos vers ont des beautés que n'ont point tous les autres.

VADIUS

Les grâces et Vénus règnent dans tous les vôtres.

TRISSOTIN

Vous avez le tour libre, et le beau choix des mots.

VADIUS

On voit partout chez vous l'ithos et le pathos.

TRISSOTIN

Nous avons vu de vous des églogues d'un style
Qui passe en doux attraits Théocrite et Virgile.

VADIUS

Vos odes ont un air noble, galant et doux,
Qui laisse de bien loin votre Horace après vous."

Il s'ensuit un véritable duel de compliments, chacun renchérissant sur le précédent, encensant son interlocuteur. Cette avalanche de flagornerie se termine par ces quatre vers magistraux :

"TRISSOTIN

Si la France pouvait connaître votre prix.

VADIUS

Si le siècle rendait justice aux beaux esprits.

TRISSOTIN

En carrosse doré vous iriez par les rues.

VADIUS

On verrait le public vous dresser des statues."

Vadius tente ensuite de ramener la conversation à sa ballade qu'il s'apprêtait à lire mais Trissotin l'interrompt à nouveau en l'interrogeant à propos d'un sonnet dont il est lui même l'auteur, ce qu'il se garde bien de préciser.

"TRISSOTIN

Avez-vous vu certain petit sonnet
Sur la fièvre qui tient la princesse Uranie?

VADIUS

Oui, hier il me fut lu dans une compagnie.

TRISSOTIN

Vous en savez l'auteur?

VADIUS

Non; mais je sais fort bien
Qu'à ne le point flatter son sonnet ne vaut rien.

TRISSOTIN

Beaucoup de gens pourtant le trouvent admirable.

VADIUS

Cela n'empêche pas qu'il ne soit misérable;
Et, si vous l'avez vu, vous serez de mon goût.

TRISSOTIN

Je sais que là-dessus je n'en suis point du tout,
Et que d'un tel sonnet peu de gens sont capables.

VADIUS

Me préserve le Ciel d'en faire de semblables!

TRISSOTIN

Je soutiens qu'on ne peut en faire de meilleur;
Et ma grande raison, c'est que j'en suis l'auteur."

Ici, il y a un silence qui peut durer un quart d'heure. Un silence admirable, amené à la perfection, un silence de génie qui tient plus du non-bruit que du silence à proprement parler. Si les acteurs sont bons, cette scène produit un effet comique qu'il est inutile d'essayer de décrire. On pourrait penser qu'ici Molière a terminé, que la chute est suffisante. Le public a ri, l'auteur peut être satisfait. Pourtant, il n'en reste pas là. La fin de la scène est tout aussi sublime. Vadius tente de se justifier avec embarras, puis décide de changer de sujet rapidement et propose de faire la lecture de sa ballade. Trissotin, vexé, ne le laisse pas commencer et explique que "La ballade est à [son] goût une chose fade", que "ce n'en est plus la mode" et qu'elle "sent son vieux temps".
Le ton monte à nouveau, les deux auteurs s'échauffent, s'insultent copieusement sous les yeux ébahis de la maisonnée féminine. Finalement Vadius défie Trissotin "en prose, grec et latin" avant de se ruer vers la porte, hors de lui.

Arrivé à la fin de cette scène, Philémon Clairambault referma son livre après y avoir glissé un marque-page cartonné. Il se mit lentement debout, retourna au salon, s'empara de la commande de la télévision et alluma le poste en se laissant tomber dans un fauteuil. Il avait noté la veille qu'Arte diffusait une série d'interviews de Louis-Ferdinand Céline et s'était promis de ne pas en manquer un seul épisode. A l'instant même où il parvenait à trouver la chaîne, Ludivine fit bruyamment irruption dans le salon. Voyant son frère installé face à l'écran, elle poussa un braillement de contestation, se précipita vers lui et lui arracha la télécommande des mains. Elle changea immédiatement de chaîne sans lui demander son avis, et se laissa tomber sur le canapé.
« Cela fait deux jours que j'ai prévenu tout le monde que je tenais absolument (elle détacha les quatre syllabes du mot de façon presque grotesque) à suivre le débat entre le représentant du PS et Bernard-Henri Levint .
- Voilà un débat bien fastidieux qui s'annonce, claironna Félix Clairambault en pénétrant dans la pièce. Ce brave homme est tout juste capable de porter l'ennui à son paroxysme en donnant son avis sur une myriade de sujets à propos desquels il n'a absolument rien à dire. La seule chose dont il sache parler, c'est sa propre personne, mais elle est tellement ennuyeuse en soi qu'il n'y a rien à tirer du bonhomme, sinon un manifeste du nombrilisme, peut-être.
- Tu es injuste, rétorqua la sa fille. Bernard-Henri Levint est un philosophe renommé pour son engagement politique et son humanisme.
- Un philosophe n'a pas de préférence politique. Chez un philosophe, une préférence politique est un maniérisme impardonnable.
- Paraphrase de Wilde, murmura Philémon.
Son père lui adressa un clin d'oeil discret puis se retourna vers Ludivine.
- Comment voudrais-tu qu'un homme se prétende à la fois philosophe, à la fois politicien et à la fois de gauche ? demanda-t-il. C'est tellement antinomique que ça en est inepte. Surtout que ce guignol n'est pas plus philosophe que sa chemise blanche n'est mal repassée. Il est beaucoup trop moral et trop humaniste ah non ! c’est surtout un manipulateur égocentrique et sioniste (ces propos n’engagent que moi). pour faire un bon philosophe ; au mieux pourrait-il se lancer définitivement dans la politique s'il avait des talents d'acteur raté. »
Philémon se leva, les laissant à leurs chamailleries, et retourna s'enfermer dans sa chambre.


Très bon chapitre, de mon point de vue qui rejoint celui des membres de cette famille ^^. Je trouve les propos et le ton très justes jusqu’à BHL. Cependant, il me semble que tu crées un univers très vaste et que tu ais ensuite dû mal à le gérer du fait de sa vastitude. Je dis ça parce que tu as commencé beaucoup de choses mais terminées aucune sur ID, à ma connaissance. Peut-être aussi te lasses-tu ?
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Message  MrSonge Ven 19 Fév 2010 - 18:22

ah non ! c’est surtout un manipulateur égocentrique et sioniste (ces propos n’engagent que moi)
Entièrement d'accord, mais je maintiens pour la morale. Humaniste, c'est dans l'optique du père Clairambault qui considère cela comme une insulte, à peu près égale à un faible pleurnichard. En gros. ^^

Cependant, il me semble que tu crées un univers très vaste et que tu ais ensuite dû mal à le gérer du fait de sa vastitude. Je dis ça parce que tu as commencé beaucoup de choses mais terminées aucune sur ID, à ma connaissance. Peut-être aussi te lasses-tu ?
C'est malheureusement vrai pour "Les liens du sang" que j'ai abandonné, ne me sentant pas la force de mener deux romans conséquents de front. J'espère que ce ne sera pas le cas ici, mais pour une fois, j'ai un plan, que j'écris à l'avance, et je m'y tiens. Donc je sais où je vais (dans une certaine mesure) ce qui facilite de beaucoup la rédaction et m'empêcher de partir n'importe où. D'ailleurs, ici, l'univers est "clos" si j'ose dire. Plus de nouveaux personnages prévus, à partir de là, je vais commencer à traiter des rencontres, parce que bon, tous ces gens, ils vont s'entre-rencontrer, quand même...
Donc j'espère ne pas céder à la lassitude sur ce texte-ci et j'essaye de tout faire pour gérer la chose du mieux que je peux. "Requiem de Venise", je ne peux pas l'abandonner, ma cousine le lit régulièrement et elle me truciderait si je lâchais en cours de route... ^^
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Message  nico4g Ven 26 Fév 2010 - 1:30

Chapitre Septième


Assis dans un confortable fauteuil au tissu vert, Nicéphor Fabergé sirotait tranquillement un thé noir tout en écoutant avec ravissementta phrase me va tout à fait mais avec ses deux adverbes et son participe présent, elle est aux antipodes des cours de Pâco sa version favorite de La Traviata de Verdi. Il s'agissait de celle de Maria Callas, Giuseppe di Stephano, accompagnés par l'orchestre de la Scala, sous la baguette de Giulini. Même si l'enregistrement n'était pas de toute première qualité - il remontait à 1955 -, la perfection de la voix de la Callas, intacte, parvenait à transcender le moindre petit air en forme de valse, en apparence badin, presque simplet, mais qui prenait là toute son ampleur et toute sa profondeur. Fabergé avait toujours préféré Verdi à Puccini, et de loin. L'apparente simplicité du premier, sa poésie sublime, sa sensibilité délicate, son génie mélodique le touchait infiniment plus que les envolées lyriques bruyantes, la boursouflure et la grandiloquence du second. Seuls quelques airs de Tosca, Turandot et le petit bijou qu'est la pièce pour quatuor Crisantemi trouvaient grâce à ses yeux. Même si La Traviata n'était pas son opéra de Verdi favori, il ne s'en était jamais lassé. Au fil de ses multiples écoutes, il découvrait chaque fois un détail sublime qui lui avait échappé, il prêtait avec plus d'attention l'oreille au contour vif ou nostalgique d'une mélodie toute mozartienne dans l'âme, il respirait avec plus de plaisir les doux et enivrants effluves du parfum merveilleux d'un romantisme unique, tendre et intérieur, comparable à Chopin pour l'inspiration mélodique divine, à Mozart pour l'instinct scénique inné et à toute épreuve. Le prélude du troisième acte en particulier, l'émouvait tout autant que lorsqu'il l'avait découvert. Il lui semblait trouver là la plus émouvante et la plus harmonieuse expression du charme incroyable de cet opéra. Le dessin de la mélodie sinueuse, flottante, libérée des supports habituels, dont le développement était tout nouveau chez Verdi, lui rappelait la variété incroyable des directions que le génie du grand italien pouvait prendre. La courte introduction du hautbois à l'air magnifique Addio, Del Passato, à elle seule, le transportait dans un autre monde. Un monde réduit à l'essentiel, dans lequel une phrase de quinze notes, confiée à un hautbois plaintif, peut contenir toute le tragique et la douleur d'une vie entière, d'une vie brisée comme celle de Violetta. une critique émouvante et savante. Bravo.

Lorsqu'il eût atteint la fin du second acte, à l'endroit où le premier disque se termine, il s'extirpa de son fauteuil et traversa le salon, jusqu'à la chaîne stéréophonique. En saisissant le CD qu'il venait de faire sortir de l'appareil, il aperçu aperçut un petit post-it jaune qui avait glissé sous un ampli. Il le ramassa et déchiffra en plissant les yeux sa propre écriture brouillonne : c'était le numéro d'Ernest Malesherbe, qu'il lui avait donné en le quittant sur son perron. «Appelez moi donc un de ces jours, j'aurais grand plaisir à discuter plus longuement avec vous » avait-il précisé. Fabergé laissa un vague sourire flotter sur son visage quelques instants hum, y a un truc qui me dérange : Un sourire flotta quelques instants sur le visage de Fabergé qui se saisit du combiné téléphonique ?puis se saisit du combiné téléphonique. L'entretien fut bref, le critique était heureux que le jeune enseignant reprenne contact avec lui et il l'invita à passer le jeudi suivant à son appartement.

C'est ainsi que, deux jours plus tard, en sortant du lycée, Nicéphor Fabergé partit dans la direction opposée à celle qu'il avait l'habitude de prendre pour rentrer chez lui. Lorsqu'il arriva Place des Vosges, il s'arrêta devant le numéro six, dont le second étage avait été habité par Victor Hugo. Le jeune homme resta songeur quelques instants puis obliqua dans la rue des Francs-Bourgeois. Il atteint rapidement le bâtiment qui lui avait été indiqué et chercha le nom d'Ernest Malesherbe parmi ceux des différents locataires, avant de presser le bouton-poussoir correspondant. On lui répondit presque instantanément et dès qu'il s'annonça, la porte fut déverrouillée. Fabergé la poussa et pénétra dans un grand hall, sur les dalles duquel ses pas résonnaient. Arrivé sur le pallier du premier, il se dirigea droit vers une porte située au fond du couloir. Elle lui fut ouverte par le professeur de philosophie, en bras de chemise. Ils se serrèrent la main et Nicéphor Fabergé pénétra dans le luxueux appartement. L'effet fut immédiat. Il lui sembla qu'une brèche s'était ouverte dans le temps et qu'il venait de s'introduire dans une sorte de sanctuaire vierge de toute souillure du monde contemporain. Entrer dans ce lieu lui donna l'impression étrange de s'extirper d'un bourbier pour planer sereinement dans un ciel limpide et pur.
Le vestibule était une véritable invitation à s'enfoncer plus avant dans cet antre délicieux, repère du Bon Goût et du charme discret. L'ameublement était sobre sans être froid et rebutant comme les trop fréquents aménagements zen, d'un snobisme écoeurant. Chaque angle de la pièce semblait vouloir rappeler au visiteur que le luxe et l'élégance ne sont absolument pas dépendants l'un de l'autre. Le premier est une affaire d'argent, alors que l'élégance est une question d'éducation, disait déjà Sacha Guitry. Il n'y avait, dans tout l'appartement, aucun étalage complaisant de richesse. Une simple recherche de la beauté là où elle se trouve, sans qu'aucune considération pécuniaire n'entre en ligne de compte.
Deux commodes Napoléon III euh, c’est pas cadeau quand même ^^se faisaient face, l'une surmontée d'un miroir au fin cadre d'or. Au-dessus de l'autre était suspendue une excellente reproduction d'un portrait peu connu, peint par Ingres lors de son long séjour à Rome, en 1807, et représentant la belle Antonia Duvaucey De Nittis. Cette toile magnifique par son mélange de géométrie savante, de tendre féminité et ses accessoires de mode avait déjà suscité l'admiration de Théophile Gautier, qui en avait exalté la perfection vingt ans après sa réalisation.
« J'aime particulièrement ce portrait, expliqua Malesherbe lorsqu'il vit que son visiteur avait le regard rivé sur le tableau. Cette femme est d'une beauté divine et la symétrie parfaite de son visage est tout à fait remarquable. Observez cette bouche mince et fine comme une bouche de pierre du Bernin, ce sourire doux et sérieux à la fois, inconnu en France. Les yeux magnifiquement enchâssés sont d'une limpidité sans exemple ; toute la tête vit et remue. En règle générale, les portraits d'Ingres sont autant de petits bijoux. Il doit aussi apprécier Vermeer Il aura sans doute été le seul français de tout le XIXe à savoir faire de véritables portraits, c'est-à-dire la reconstruction idéale des individus. Savez-vous qu'il disait lui-même que les « maudits portraits l'empêchaient toujours de marcher aux grandes choses qu'il ne pouvait faire plus vite, tant un portrait est une chose difficile» ? Ne croyez pas qu'il aura méprisé ce genre. Il aura plutôt redouté de s'y colleter. La preuve en est l'imagination phénoménale qu'il déploya dans les portraits féminins des années 1840-1845. Ingres applique plus volontiers son talent aux femmes - le portrait de Monsieur Bertin excepté - qu'aux hommes. Il les peint telles qu'il les voit, à tel point que l'on pourrait songer qu'il les aime trop pour les changer ; il suit les plus légères ondulations de leurs lignes avec une servilité d'amoureux. Les deux Odalisques, pour ne citer qu'elles, sont des œuvres d'une volupté profonde.
- Vous citez quelque peu librement Baudelaire, si je ne m'abuse, fit remarquer Fabergé, amusé.

- Rien ne vous échappe, constata son hôte en souriant. J'avais en effet en tête un passage de son compte-rendu du salon de 1846. Vous lisez trop, monsieur Fabergé, on ne peut plus se permettre impunément le moindre plagiat en votre présence.
- N'exagérons rien. J'apprécie particulièrement Baudelaire, voilà tout.
- Noir assassin de la Vie et de l'Art,/Tu ne tueras jamais dans ma mémoire/..., récita Malesherbe, les yeux perdus dans le vague.
- ... Celle qui fut mon plaisir et ma gloire, compléta le jeune homme. Le dernier tercet du Portrait.
- Vous connaissez votre Baudelaire autant que vous semblez l'apprécier. Venez, passons au salon.»
L'impression qui avait saisi Fabergé dans le vestibule se renforça lorsqu'il pénétra au salon. Il s'immobilisa sur le seuil et fit des yeux le tour de la pièce, lumineuse et spacieuse. Plusieurs reproductions de toiles célèbres étaient suspendues aux murs : Magritte, Moreau, Claez (une nature morte magnifique), Gericault (une tête de cheval, vivante et presque humaine) et Rembrandt (un splendide portrait de sa vieille mère, toute ridée et recroquevillée). Etrangement, aucun impressionniste.
Les deux hommes prirent place autour d'une table basse en verre, Nicéphor Fabergé installé sur un canapé en tissu clair, et Malesherbe assis jambes croisées dans un profond fauteuil.
« Vous ne semblez pas vouer un culte immodéré aux impressionnistes, fit remarquer le jeune enseignant en parcourant à nouveau le salon du regard.
- Si, répondit son hôte, mais à petites doses et surtout dans des lieux appropriés. Ici rien ne convient, surtout pas la lumière. Je dois cependant confesser que je me lasse assez rapidement des nénuphars et des couchers de soleil de Monet, comme des guinguettes de Renoir et des ballerines de Degas. Entendons-nous bien, je ne me permettrais pas de cracher sur leur génie mais la relative monotonie de leurs sujets et cette forme de complaisance dans le fugace, la surface, ne m'émeuvent pas outre mesure. Surtout en regard des chef-d'oeuvres d'un Corot, par exemple. Ses paysages ont une telle force, une telle intensité, une telle vie, qu'à côté, même les jeux de lumière les plus délicieux de l'auteur des Nymphéas ne peuvent que me sembler cruellement anecdotiques. Les impressionnistes manquent de substance à mon goût, sauf rares exceptions. Vous devez sans doute penser que je suis bien obtus et réactionnaire pour proférer de telles critiques à l'encontre d'un mouvement qui marqua le début de la peinture moderne. Ne croyez cependant pas que je le méprise : j'émets quelques réserves sur son universalité et son intemporalité, tout simplement. L'Impression : soleil levant est une toile tout à fait admirable. Mais la délicatesse du coup de pinceau, la recherche d'un effet mosaïque, une palette de couleur lumineuse mais comme submergée par la brume ambiante, tout cela était destiné à capturer l'instant fugace et pour ma part, je préfère l'éternel à l'instant. C'est sans doute pour cela que j'ai une petite préférence pour ce maître incontesté de la lumière pommelée qui baigne ses toiles sensuelles et aguicheuses : Auguste Renoir. Le Déjeuner des canotiers est un hymne aux joies de la jeunesse et de l'été, à la facture frémissante et duveteuse, que j'apprécie particulièrement. Vous voyez, je suis incapable de condamner en bloc un mouvement si important de l'histoire de la peinture : je commence par vous expliquer pourquoi aucune copie de Monet ou de Pissaro ne décore mon salon, et je termine par faire l'éloge du Déjeuner de Renoir.

Le meilleur passage que j’ai lu d’un goût amer. Une joyeuse et délicieuse érudition, employée à bon escient, très intéressante et qui sert véritablement à l’histoire et à la psychologie des personnages. Tu as su parfaitement nous faire partager tes passions. Je regrette d’autant plus que j’arrive bientôt à la fin de ta publication.
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Message  MrSonge Ven 26 Fév 2010 - 6:08

euh, c’est pas cadeau quand même ^^
Non en effet, j'étais entrain de me demander si ce n'était pas trop ostentatoire avec ce que j'ai dit juste avant...
M'enfin, on dira que c'était un héritage. La commode de gauche en entrant lui vient de son grand-père paternel qui y avait caché, pendant la Première Guerre, la moitié de sa fortune dans un tiroir secret ; celle d'en face lui vient de son oncle qui a eu deux années auparavant un accident de voiture et qui est mort deux jours plus tard à l'hôpital. Dans cette dernière, il a retrouvé, ému, les vieux cahiers du lycée de son parent que celui-ci n'avait jamais voulu jeter et avait fini par ranger dans le premier tiroir de cette commode. Il a d'ailleurs remarqué une faute d'orthographe dans le cahier de physique : "Calculons la masse linéïque d'un solide en rotation autour d'un axe"

Humbref, ça n'a aucun rapport avec rien du tout ce que je viens de dire. Ça doit être la fatigue, il est encore tôt. xD

Il doit aussi apprécier Vermeer
Je ne le mentionne nul part mais oui, bien sûr, Vermeer est dans le palmarès également. Sa toile favorite, d'ailleurs, doit être L'Astronome. ^^

Je regrette d’autant plus que j’arrive bientôt à la fin de ta publication.
Alors si cela peut te rassurer, je posterai bien entendu la suite quand tu seras arrivé au bout. Je tenais seulement à ne pas trop vite (au détriment de mes relectures) pour ne pas noyer les lecteurs, et surtout parce que les passages suivants m'ont donné un peu plus de mal et je les retravaille sans arrêt. Mais la suite viendra, ne t'en fait pas. Very Happy

En tout cas merci encore beaucoup pour tes lectures attentives et tes suggestions judicieuses, je suis très heureux que cela te plaise toujours et je vais tenter de continuer comme ça ! ^^
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Message  nico4g Dim 28 Fév 2010 - 1:40

(Chapitre septième, suite)

- En revanche, vous semblez apprécier Magritte, constata Fabergé en se tournant vers une reproduction de la Condition humaine, accrochée entre deux fenêtres.
- Et cette admiration m'est tout-à-fait inexplicable. Magritte est un peintre dénué d'à-peu près tout ce qui me fascine chez les autres : une technique aboutie et personnelle, des vertus esthétiques indiscutables, l'amour de la couleur... Sa technique est banale, sa palette grise. C'est son iconographie, je crois, qui me captive. Son sens aigu de l'absurde, son humour corrosif et son imagination débordante. « Magritte est un grand peintre, Magritte n'est pas un peintre », disait Scutenaire.
- Saviez-vous qu'à treize ans, Magritte a assisté au suicide de sa mère ?
- Non, j'ignorais qu'il était présent au moment où elle s'était jetée dans je ne sais plus quelle rivière.
- La Sambre, je crois mais peu importe. Cela a certainement dû le marquer profondément. Il n'est pas étonnant que certaines de ses toiles les plus réussies (à mon avis, celles de la période 1920-1930) j’aurai mis des virgules à la place des parenthèses.jettent le spectateur dans un tel trouble.
- En effet. Mais nous parlons, nous parlons, et j'en oublie de vous proposer quelque chose à boire. Je dois avoir à peu près de tout, sauf de l'eau minérale. Whisky, gin, armagnac, cognac, rhum, brandy, calvadoson dira plutôt calva, cidre, vodka...? »
Nicéphor Fabergé opta pour un whisky, tandis que son hôte se versait un gin. Une fois les verres pleins, généralement, on ne remplit pas les verres d’alcools forts Malesherbe tendit le sien à son visiteur avant de se diriger vers une chaîne stéréophonique fine comme une ardoise.
« La musique ne vous dérange pas ? demanda-t-il.
- Pas le moins du monde, tant qu'elle est bonne, harmonieuse mais je vous fait faisconfiance.
- J'en suis flatté. Préférez-vous Brahms ou Tchaikovsky ?
- Brahms, répondit Fabergé sans hésiter.
- Excellent. »
Le professeur de philosophie glissa un CD dans l'appareil. Les sombres et puissants premiers accords de la Première Symphonie de Brahms se répandirent dans la pièce, scandés par des coups de timbales réguliers.
« Quelle version est-ce ? s'enquit le jeune enseignant.
- Celle de Furtwängler. Je n'ai plus la date de l'enregistrement en tête mais il est remarquable. »
Ils se turent quelques instants, jusqu'à ce que la profondeur solennelle du mouvement face place à une violence intense mais de courte durée. Baissant imperceptiblement le volume sonore, Malesherbe reprit :
« Quand je vous ai demandé si vous préfériez Tchaikovsky, vous n'avez pas hésité un seul instant. Dois-je en déduire que vous n'appréciez pas le plus parisien de tous les compositeurs russes ?
- Ma foi, j'avoue être incapable de me résoudre à dire que j'aime Tchaikovsky. Sa musique est si peu constante ! A côté d'œuvres bien menées, géniales du point de vue de l'inspiration, il en est d'autres qui frôlent tout simplement la vulgarité. Dans le fond, je pense que Tchaikovsky était doté d'une personnalité somme toute assez ordinaire, mais pourvue de dons immenses pour la musique. Le pauvre homme n'a jamais réussi à assumer, ni à véritablement transcender son drame humain - à de rares exceptions près. Le fatum, thème qu'il pétrit tout au long de son œuvre avec plus ou moins de complaisance et de succès, est rétréci à la mesure de son esprit - si j'ose dire - moyen, dont le malheur ne peut être que matériel et tangible. Pas de grandes aspirations vers un humanisme supérieur chez lui, qui me semble plus enclin à la recherche d'un bonheur bourgeois confortable. La conséquence en est que ses œuvres restent pour moi au niveau de la description de ses remous psychologiques. Angoisse facile alimentée par une hypersensibilité incorrigible, complaisance dans le malheur, névrose, introversion, trop souvent pleurnicherie, voilà tout ce qui me rebute parfois chez un compositeur que, pourtant, malgré mes réserves, je ne peux pas me résoudre à condamner en bloc. sauf si on le compare à Rachmaninoff ^^ Manfred me tire des larmes, son Concerto pour piano en si bémol mineur aussi, ainsi que certains passages du Lac des Cygnes. Si la sincérité était en art le critère suprême, je suis persuadé qu'il faudrait compter un nombre démentiel de pages de Tchaikovsky parmi les plus grands chef-d'œuvre de la musique. Peut-être plus pour la confession publique et pantelante que l'on y lit plutôt que pour leur contenu de pensées : Piotr Illitch était sans doute incapable d'élévation intellectuelle ou spirituelle. Lorsque je me suis rendu compte que la Pathétique a été écrite à peu près en même temps que les premières symphonies de Mahler et Till Eulenspiegel de Strauss, j'ai mesuré la distance qu'il y avait entre le talent de ce russe conservateur et sentimental, et le génie pur des grands novateurs de son époque.
- Pourtant, fit remarquer Malesherbe, Brahms non plus n'était pas un révolutionnaire de la musique.
- En effet, mais le classicisme de Brahms se situe au niveau de la forme uniquement. Il est, nous sommes bien d'accord, le seul musicien germanique de renom à ne pas être un créateur de forme, mais chez lui, la rhétorique musicale du romantisme allemand est parfaitement assimilée, presque naturelle. Tchaikovsky, lui, lorsqu'il se fond dans le moule occidental, s'approprie mal des lesformes étrangères à sa culture, et sans doute à sa personnalité. Il avouait lui-même son «inaptitude à s'assimiler les formes musicales et à les manier correctement». Cela, peut-être, aurait pu lui servir s'il avait l'esprit d'un novateur mais personne n'était plus éloigné que lui d'un homme comme Moussorgski. Brahms manifeste une étonnante liberté rythmique, un langage personnel maintenu à un haut niveau d'inspiration et, en de nombreux endroits, une hardiesse tonale qu'Arnold Schoenberg, je crois, fut le premier à souligner et que n'eût sans doute pas désavouée, s'il avait été de bonne foi, le grand Wagner. Alors qu'en harmonie, Tchaikovsky est d'un académisme absolu et, s'il lui arrive parfois de se laisser aller à quelques rythmiques libres et débridées, il ne parvient pas toujours à masquer dans ses symphonies un style un peu trop relâché.
- Vous êtes cruel avec ce pauvre Piotr, remarqua son hôte.
- Pas du tout ! Je suis simplement étonné que, de nos jours, on tente par tous les moyens de le placer aux côtés des plus grands génies musicaux alors que, ma fois, je ne vois guère de point de comparaison entre lui et un monstre sacré du romantisme comme Strauss. Mais je maintiens que certaines de ses œuvres me touchent profondément. Parfois, ce ne sont même pas les plus connues. Le final de son Deuxième Concerto pour piano, par exemple, ou sa Première Symphonie, d'une sensibilité plus fine que les suivantes. L'amusant Capriccio italien, d'une vivacité rare chez ce compositeur. Son Carnaval romain, avec les trompettes sonnant le couvre-feu, les coups de langue des pistons, les airs de bals d'une charmante canaillerie, moissonnées moissonnésdans les rue de la Ville Eternelle. De plus, il faut reconnaître que Tchaikovsky est un orchestrateur adroit, qui équilibre parfaitement bien ses timbres.
- Vous m'avez tout l'air d'être de bonne foi dans vos critiques. Je vous avoue d'ailleurs partager en grande partie vos restrictions quant au génie - dans le sens le plus élevé du terme - du grand russe. Brahms remporte donc la première manche, déclara-t-il en souriant.
- Sans contestation, à mes yeux, du moins. On me reproche souvent mes opinions musicales quelque peu tranchées, ma femme en particulier. Mais pour moi, on aura beau dire, il n'y que trois véritables génies incontestables : Bach, Mozart et Beethoven. sans conteste, mon préféré Ensuite, il y a les créateurs de chefs-d'œuvres « dont la vraie fin est l'art de porter à la conscience les intérêts les plus élevés de l'esprit, dont l'œuvre est significative, ne s'épuisant pas dans son matériau, mais déployant une vitalité intérieure, un sentiment, un fond, dont la musique, en définitive, exprime l'âme elle-même.» pour citer Kant : Schubert, Schumann, Wagner, Verdi, Brahms, Mahler, ah oui, j’aime beaucoup aussi Strauss, Ravel, Stravinsky. Evidemment, cette petite liste peut varier au grès de la subjectivité de chacun. Tout en reconnaissant ses innovations et son immense talent, je n'apprécie que très peu Debussy. Schoenberg ne me parle pas non plus, j'ai parfois de la peine avec Bruckner et n'écoute jamais de Puccini. Par contre, je vénère Mendelssohn. Sa troisième symphonie me transporte, ainsi que les deux suivantes. Je ne me lasse pas de ses Variations sérieuses, de son Rondo capricioso, de son Songe d'une nuit d'été, de son magnifique Quatuor en fa, de l'Octuor au final endiablé et de son divin Concerto pour violon.
- Ses Variations sérieuses sont, pour moi aussi, un sommet du genre. Avez-vous déjà entendu la version magnifique de Jorge Bolet ?
- Jamais. Ma référence, jusqu'à maintenant, va à celle de Richter.
- Malgré mon admiration sans borne pour ce pianiste de génie, celle du cubain me parait hautement supérieure. Il y a plus de sensibilité, de douceur et de profondeur. Richter, parfois, me semble cogner un peu fort, ce qui est pourtant extrêmement rare chez lui. Bolet abuse peut-être un petit peu du rubato mais chaque note est si habitée, si pleine de vie que l'on peut fort bien passer outre ce léger "défaut" qui pourrait rebuter les puristes du métronome. »
La conversation roula encore sur la musique pendant un moment. il me manque Chopin, même sa vie est fascinante Fabergé se découvrait, au contact de son interlocuteur, une prolixité qu'il ne se connaissait pas. Il parla de la conception qu'avait Furtwängler de la notion de tempo, plus flexible et souple que celle de Toscanini, surnommé ironiquement "le batteur de mesure". Malesherbe vouait une admiration sans borne au grand chef italien, alors que son visiteur préférait son collègue allemand. Ils débattirent longuement, à grands renforts d'illustrations musicales que le critique s'empressait d'extraire de sa discothèque. Aucun d'eux ne parvenant à convaincre l'autre de la supériorité de son idole, ils se résolurent à conclure que les visions des deux chefs resteraient sans doute à jamais inconciliables et que leurs personnalités étaient trop diamétralement opposées pour subir une comparaison qualitative.
Alors que Nicéphor Fabergé portait son verre presque vide à ses lèvres, un petit livre de poche, négligemment posé à plat sur un rayon de la bibliothèque, retint son attention. Il pencha légèrement la tête et plissa les yeux afin de déchiffrer le titre écrasé par le nom de l'auteur.
« Seigneur, fit-il, vous lisez les ouvrages de Fresnay ?
Malesherbe se retourna rapidement pour voir ce qui avait poussé le jeune homme à poser une question si peu en rapport avec leur discussion. Lorsqu'il eu compris, il se réinstalla correctement dans son fauteuil en souriant.
- Ce n'est pas de gaieté de coeur que je parcours ces torchons. J'ai pourtant dit et répété au rédacteur en chef qu'il était inutile de continuer à s'intéresser de près ou de loin à la production de cet auteur, rien n'y fait : je suis tenu de fournir une critique en bonne et due forme, dans la mesure du possible pas trop assassine, de chacune des trop nombreuses sorties de monsieur Fresnay. Navrante candeur qui peut pousser à croire qu'un jour, enfin, ne serait-ce qu'une page d'un seul de ses livres ne vaille la peine d'être lue.
- Vous me rassurez, lui confia Fabergé. Un instant, j'ai cru que pour qu'il se trouve dans votre bibliothèque, vous trouviez quelque intérêt à ce texte. Pour ma part, je n'ai lu que Le papillon des cimes, sur la recommandation d'un de mes élèves, et celui-ci. Pour ma part, j’ai lu également cette anomalie littéraire ainsi que Le papillon…., sur la recommandation … Je me garderais bien d'en ouvrir un troisième. J'ai offert Désert à l'étudiant qui m'avait suggéré le premier Fresnay, en espérant qu'il saisisse l'envergure du fossé séparant la noircissure de papier de la littérature.
- Il est évident qu'il n'y aucune comparaison possible entre les magnifiques écrits de La Clèze et les lamentables romans de gare d'un Fresnay. Malheureusement il y n'y a pratiquement plus que des auteurs qui exploitent la même vaine que lui, actuellement. Exceptés quelques Michet - Ah, les Existences Minuscules !- , ah ben c’est sûr que c’est pas la même prolixité que Werber ^^ quelques Lourde, quelques Des Foray, quelques Nimbe, quelques Muillet, le roman est devenu film. Les gens veulent des livres qui se lisent comme se regarde un film, c'est-à-dire pour l'action, toujours l'action, uniquement l'action. Heureusement qu’il n’y a pas que des films d’action ^^. M’enfin je vois mal comment un Rivette pourrait être à l’affiche de nos jours… S'il y a du sang et du sexe grossier en plus, c'est mieux, évidemment. Ou à l'inverse, une écœurante profusion de niaiseries doucereuses, de bons sentiments embourgeoisés, comme dans les révulsants romans de Grivalda, dont les pages suintent la mièvrerie.
- Le temps vous donnera sans aucun doute raison. Si même des gens comme Anouilh, Sartre ou Cocteau vieillissent mal, alors qu'ils étaient autrement plus talentueux que la pléthore d'écrivaillons qui se pressent dans les maisons d'éditions, il y a fort à parier qu'eux ne vieilliront pas du tout. Stendhal, déjà, écrivait : "Nous autres critiques sommes bien bons et bien condescendants d'accorder notre attention à la plupart des livres qui sont lancés chaque jour dans le monde. C'est une chose entendue que ceux que nous louons d'être un peu moins ennuyeux, vides et affectés que les autres seront totalement oubliés dans vingt ans". Aujourd'hui, nous dirions : dans une année, mais le processus n'a pas changé. Notre époque n'a pas l'exclusivité de la littérature-poubelle. »

Très bon, dans la même veine que le début. Cependant, attention au « C’était mieux avant », certains ont digéré leur héritage et propose quelque chose de novateur. Ils surpassent parfois même le maitre :
André Rieu, (ah, ah, ah,) Olivier Messiaen et son élève Boulez, Artaud, Beckett, Nabokov, Neruda, Le Cléziot, Radiohead, David Lynch, … Bref, les artistes actuels ont quelque chose à dire et une jolie façon de le dire. Le souci, c’est qu’avec les progrès de diffusion, le talent est noyé dans un océan de médiocrité et il est aussi parfois dommage que purisme et classicisme se confondent. Tout n’est qu’affaire de ressenti pour moi, le chef d’œuvre allie ressenti physique et psychique : qu’une œuvre me donne une chair de poule qui remonte jusque dans mon cerveau
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Message  MrSonge Dim 28 Fév 2010 - 10:16

harmonieuse
Je ne crois pas. Je mentionne plus loin Stravinsky, alors que sa musique est tout sauf harmonieuse. ^^

sauf si on le compare à Rachmaninoff ^^
Tu préfère Rachmaninov à Tchaikovsky ? 0.0 Moi c'est nettement le contraire, parce que tout ce que je reproche à Tchaiko dans ses "mauvaises" œuvres, je le retrouve décuplé chez Rachmaninov... Razz

il me manque Chopin, même sa vie est fascinante
Oui, Chopin, bien sûr... Je ne pouvais pas tous les citer, mais je n'en pense pas moins. Il suffit d'écouter sa première Ballade pour fondre.

André Rieu, (ah, ah, ah,) Olivier Messiaen et son élève Boulez, Artaud, Beckett, Nabokov, Neruda, Le Cléziot, Radiohead, David Lynch, … Bref, les artistes actuels ont quelque chose à dire et une jolie façon de le dire.
Bon, Rieu, hein, je crois que cela se passe de commentaires... Ninja Laumie
J'ai personnellement énormément de peine avec les musiques de Messiaen et de Boulez, et surtout, pire encore, avec leur conception de la musique. La seule chose que je ne dénie pas à Boulez, c'est son génie de chef d'orchestre. Pour le reste, sa musique me semble lancée dans une voix à sens unique de masturbation intellectuelle qui finira tôt ou tard par le conduire en plein dans un mur de béton.
Je ne reviens pas sur Artaud, Beckett ou Nabokov, pour moi ils sont déjà rangés dans "classiques", m'est avis qu'en discuter le génie serait risible. ^^
Mais c'est d'ailleurs pour éviter de tomber dans le pessimisme du mec qui croit que plus rien n'est bon que j'ai voulu terminer ce passage en citant des auteurs vivants qui me semblent talentueux (sous le couvert de pseudonymes) et surtout en précisant que "notre époque n'a pas le monopole de la littérature-poubelle", ça a toujours été ainsi, sauf qu'à notre époque, tout se diffuse tellement vite que la médiocrité se fait plus entendre qu'avant.
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Message  noway Dim 28 Fév 2010 - 10:26

Je viens de faire un constat alarmant et me devais de t'en faire part immédiatement (n'en déplaise, la critique ne te sera pas ici très développée): ton ouvrage est IMPOSSIBLE à lire quand deux petites filles jouent dans le salon où tu souhaites te délecter des écrits MrSongesque!

En gros, j'ai essayé d'entamer ton ouvrage (ou de le reprendre car j'ai souvenir de l'interview du départ) mais c'est humainement impossible sans un calme olympien...Ou alors cela équivaut à manger du caviar sur un tranche de pain blanc (c'est pas un peu trop flatteur là Rolling Eyes ).

Je reviendrais, disait le Terminator. Moi aussi, ajouta le Noway Razz
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Message  MrSonge Dim 28 Fév 2010 - 10:35

Razz
Ce n'est donc que partie remise, et même si la référence à Terminator ne me rassure pas (^^) je suis très heureux et flatté de voir que tu as tenté la lecture de ce texte et me réjouis de Noway II "Le Retour" ! Very Happy
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Message  nico4g Dim 28 Fév 2010 - 12:15

harmonieuse
Je ne crois pas. Je mentionne plus loin Stravinsky, alors que sa musique est tout sauf harmonieuse. ^^

Oui, mais là, c'est Fabergé qui parle de la musique qu'il s'attend à écouter. "Bonne" me paraît un peu plat de sa part.

Tu préfère Rachmaninov à Tchaikovsky ? 0.0 Moi c'est nettement le contraire, parce que tout ce que je reproche à Tchaiko dans ses "mauvaises" œuvres, je le retrouve décuplé chez Rachmaninov...
Hum, pour moi aussi, ils se ressemblent mais Rachmaninov a cette dimension tourmentée qui manque à Tchaiko, avis personnel, hein.
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Message  MrSonge Dim 28 Fév 2010 - 12:20

Oui, mais là, c'est Fabergé qui parle de la musique qu'il s'attend à écouter. "Bonne" me paraît un peu plat de sa part.
Oui, tu as raison, je vais chercher un autre qualificatif, un peu plus fort.

Hum, pour moi aussi, ils se ressemblent mais Rachmaninov a cette dimension tourmentée qui manque à Tchaiko, avis personnel, hein.
Personnellement, je trouve que les deux ont une propension marquée au pathos exacerbé, voir dégoulinant. Mais Tchaikovsky, dans ses meilleures pièces, me donne l'impression de mieux savoir y échapper que Rachmaninov qui nous accable parfois un peu de lourdeurs pour nous faire entendre de choses que, somme toute, à peu près tous les grands romantiques ont déjà dites avant lui. L'ennui, avec lui, c'est qu'on a un peu l'impression qu'il n'est jamais parvenu à trouver un langage personnel pour nous dire ses chagrins que je crois fort réels.
Mais encore une fois, ce n'est que mon avis. ^^
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Message  Nérouje Mar 2 Mar 2010 - 9:10

Salut Mr Songe,

Tout d'abord, je regrette que tu ais omis d'insérer en début de chaque message, le lien vers la page de correction. Cette pratique rends la correction plus aisée car elle permet d'avoir deux onglets ouverts, sans cela je suis obligé d'ouvrir deux fois mon navigateur (ce qui n'est guère pratique.) La prochaine fois que tu réédite, pense à ajouter cette info. Merci.

Je trouve très intéressant le sujet abordé dans cette partie :
Je ne cherche pas à impressionner le lecteur par mes belles tournures de phrases ou à l'inciter à chercher un dictionnaire pour saisir la beauté d'une seule phrase. Je privilégie avant tout les idées et non le style, l'histoire et non l'enveloppe formelle.
Ce que j'appelle tout simplement le fond et la forme. Il est d'ailleurs très instructif de constater que la plupart des auteurs débutants n'arrivent pas à faire cette distinction, faute de recul.

Sur le fond :

j'ai simplement décidé d'écrire de la façon la plus claire possible, en allant droit au but, sans fioritures.
Pas d'accord avec ce mot : rien n'est plus difficile (# simple) que d'écrire de cette manière. Le poisson n'est pas décoré par (voire noyé dans) l'inutile et l'erreur ne pardonne pas.

C'est, en soit, un choix artistique que de [...] ne pas ennuyer le lecteur. Car c'est mon souci principal, il ne faut pas que mon lecteur s'ennuie
N'est-ce pas une Lapalissade ? Je m'explique : n'est-ce pas le souhait le plus cher de tous les auteurs ? Plus qu'un souhait, une obligation ? Au vu des nécessités économiques, j'imagine mal un éditeur choisir un nouvel auteur qui ne répond pas à ce critère, qui choisit de l'éditer alors qu'il est certain de ne pas le vendre. Vends-t-on un auteur dont on ferme le livre au bout de dix pages ? L'intellectualisme bourgeois est mort depuis l'apparition de nouveaux médias (télé, puis internet), enfin, il me semble.

aux critiques obtus qui semblaient prendre plaisir à se scléroser dans des lectures alambiquées incapables de répondre aux besoins et aux envies du public actuel.
N'est-ce pas surtout les profs de français qui font ainsi en enseignant la littérature classique ? (Eux sont payés, même s'ils sont ennuyeux à mourir...) Car je doute que les critiques actuels (je ne parle pas de ceux qui sont subventionnés) procèdent ainsi, réalité économique oblige. Si leur papier chiant vante de la littérature chiante, ils sont vite mis sur la touche par leur directeur de publication ! Problème de rentabilité, non ?

Sur la forme :
Je remarque que le style (ou du moins, cette absence) vanté par Abel Fresnay n'est pas le choix opté par Mr Songe Wink
Je suis gêné par ton abus manifeste de participes présents, d'adverbes et quelques piles d'adjectifs qui rendent ton texte lourd et plutôt indigeste.

Nicéphor Fabergé alluma le poste de télévision.
Le générique fit rapidement place à un plateau scintillant de lumières bleues et blanches. Au centre se trouvait une longue table rectangulaire sur laquelle apparaissaient, par intermittences, les noms des différents invités. Le présentateur, au sourire étincelant et à la mise aussi impersonnelle que tape-à-l'oeil, était installé à la place d'honneur, face à la caméra. Les six invités étaient divisés en deux groupes de trois, de chaque côté de la table. Le fond du plateau était constitué d'un écran qui diffusait des images de bords de mer au clair de lune, et sur lequel passait chaque minute une photographie particulièrement terne d'un invité.
Après quelques secondes, Bernard Tavel, le présentateur, prit la parole et présenta les invités de l'émission. Il y avait quatre hommes et deux femmes : trois écrivains, un journaliste au Figaro, un chroniqueur du Nouvel Observateur et une politicienne. Mieux vêtus les uns que les autres, chacun tentait de trouver la pose la plus avantageuse et de ce fait la plus artificielle possible lorsque la caméra le fixait, tandis que Tavel déblatérait d'une voix aux inflexions doucereuses un bref résumé de leur biographie. Massacrant toutes les règles de liaisons de la langue française, il s'arrêta finalement sur l'homme qui était assis à sa droite et qu'il avait présenté comme étant un écrivain à succès répondant au nom d'Abel Fresnay. Extirpant un volumineux ouvrage de la pile de livres qui avait été placée sur le bord de la table, à portée de son bras, il en montra aux spectateurs la hideuse couverture et rappela que ce roman était en librairies depuis deux jours seulement mais qu'il semblait d'ores et déjà vouloir se hisser au sommet de la liste des meilleures ventes.
Au-dessus d'une informe représentation de la terre vue de l'espace et posée sur un damier géant, le nom de l'auteur s'étalait prétentieusement en caractères en relief sur toute la moitié supérieure de la couverture, dissimulant presque le titre: Jeu de Rôle.
Après avoir reposé le livre devant lui, le présentateur débuta l'entretien en en résumant l'histoire. L'auteur avait imaginé une situation dans laquelle Dieu, lassé des doléances incessantes de la race humaine, aurait décidé de laisser les hommes se débrouiller par eux-mêmes pour qu'ils comprennent enfin la difficulté et la complexité de sa tâche. Dès lors, le pouvoir religieux s'était écroulé, car l'Homme, qui avait pris conscience de l'inexistence, ou plutôt de la démission de Dieu, ne cherchait plus aucun appui spirituel.
« Vous êtes, nous le savons tous, continua ensuite Bernard Tavel, un auteur très apprécié des adolescents - mais pas uniquement. Comment expliquez-vous ce succès qui ne s'est pratiquement pas démenti au fil de vos huit livres ? »
Après une courte hésitation et une brève inspiration, Abel Fresnay changea de position et répondit de sa voix fluette légèrement teintée d'un désagréable accent indéfini qu'il estimait tout simplement avoir offert aux lecteurs lassés des classiques poussiéreux et des tournures stylistiques absconses et prétendument artistiques une nouvelle forme de rêve. En écrivant des livres dans lesquels on trouvait de l'action, des décors grandioses, Fresnay expliqua qu'il pensait avoir réussi à offrir une forme de littérature qui s'adressait plus au lecteur d'aujourd'hui, friand de rebondissements surprenants, d'intrigues captivantes, qu'aux critiques obtus qui semblaient prendre plaisir à se scléroser dans des lectures alambiquées incapables de répondre aux besoins et aux envies du public actuel.
« A = À ce propos, enchaîna le présentateur, on vous reproche souvent votre manque de style. Un critique littéraire du Figaro a même été jusqu'à écrire à propos de votre dernier roman, La Fleur du Paradis :

Les romans de monsieur Fresnay sont écrits à la truelle, de façon à minimiser considérablement l'effort intellectuel que le lecteur aura à fournir tout au long du texte. Cet ouvrage n'a aucune finalité esthétique et au fil de ses trop nombreuses pages je n'ai, hélas, relevé que très peu de phrases sur lesquelles on puisse avoir envie de s'arrêter.

- C'est en effet, répondit-il, l'explication qu'ont trouvé certains critiques parisiens à ce qu'ils ont vu comme une absence de style. Je dirais plutôt que j'ai simplement décidé d'écrire de la façon la plus claire possible, en allant droit au but, sans fioritures. C'est, en soit, un choix artistique que d'avoir un récit simple pour ne pas ennuyer le lecteur. Car c'est mon souci principal, il ne faut pas que mon lecteur s'ennuie et c'est pourquoi je met un point d'honneur à essayer, du mieux que je peux, de le surprendre le plus souvent possible.
- Vous ne cherchez donc pas à «faire du style» ?
- Absolument pas, approuva catégoriquement Fresnay. Je ne comprends pas pourquoi il existe, dans le milieu littéraire, cette orthodoxie du style. Je ne cherche pas à impressionner le lecteur par mes belles tournures de phrases ou à l'inciter à chercher un dictionnaire pour saisir la beauté d'une seule phrase. Je privilégie avant tout les idées et non le style, l'histoire et non l'enveloppe formelle. »
À propos des adverbes, tu remarquera qu'ils résultent toujours d'un manque de précision du verbe employé, un peu le même rôle que l'adjectif pour le nom. Prenons un exemple : "Le générique fit rapidement place à un plateau."
L'adverbe est là pour accentuer un mouvement temporel qui n'est pas signifié par le verbe. On peut en effet "faire place" lentement ou rapidement. À toi de trouver un verbe plus rapide que celui que tu as employé. Tu remarquera aussi que "faire" est un générique (= sens est très large et imprécis, à moins de l'employer pour son sens strict = fabriquer, créer) et qu'à cause de ceci, son emploi appelle obligatoirement un adverbe.

Enfin, pour ce que j'en dis....

N.
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Message  MrSonge Mar 2 Mar 2010 - 12:15

Tout d'abord, je regrette que tu ais omis d'insérer en début de chaque message, le lien vers la page de correction. Cette pratique rends la correction plus aisée car elle permet d'avoir deux onglets ouverts, sans cela je suis obligé d'ouvrir deux fois mon navigateur (ce qui n'est guère pratique.) La prochaine fois que tu réédite, pense à ajouter cette info. Merci.

Embarassed Damnation, je n'y ai même pas pensé. Promis je le ferai systématiquement dès que j'édite des passages, à l'avenir. ^^

Pas d'accord avec ce mot : rien n'est plus difficile (# simple) que d'écrire de cette manière. Le poisson n'est pas décoré par (voire noyé dans) l'inutile et l'erreur ne pardonne pas.
C'est le point de vue de Fresnay qui, lui, ne fait aucun travail de recherche stylistique pour simplifier, malgré ce qu'il veut bien en dire. Il écrit comme il parle, par conséquent, pour lui, c'est d'une simplicité déconcertante. Il utilise "simplement" pour souligner que c'est, pour lui, une démarche élémentaire (pas dans sa réalisation, mais dans son idée), quelque chose qui devrait venir à l'esprit de tous les écrivains.

N'est-ce pas une Lapalissade ? Je m'explique : n'est-ce pas le souhait le plus cher de tous les auteurs ? Plus qu'un souhait, une obligation ? Au vu des nécessités économiques, j'imagine mal un éditeur choisir un nouvel auteur qui ne répond pas à ce critère, qui choisit de l'éditer alors qu'il est certain de ne pas le vendre. Vends-t-on un auteur dont on ferme le livre au bout de dix pages ? L'intellectualisme bourgeois est mort depuis l'apparition de nouveaux médias (télé, puis internet), enfin, il me semble.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi sur la mort de l'intellectualisme bourgeois, la TV lui a redonné un souffle qu'il n'avait plus connu depuis longtemps, au contraire... ^^
Cela dit, visiblement, non, il y a des auteurs soit qui ne se relisent pas, soit dont le soucis principal (comme celui de leur éditeur) est d'ennuyer le lecteur au plus profond de son être. Je pense aux mauvaises œuvres de Sollers, à Angot et à tous ces écrivains illisibles qui pourtant se vendent et sont surcôtés chez les bourgeois magouilleurs culturels du tout-Paris.

N'est-ce pas surtout les profs de français qui font ainsi en enseignant la littérature classique ? (Eux sont payés, même s'ils sont ennuyeux à mourir...) Car je doute que les critiques actuels (je ne parle pas de ceux qui sont subventionnés) procèdent ainsi, réalité économique oblige. Si leur papier chiant vante de la littérature chiante, ils sont vite mis sur la touche par leur directeur de publication ! Problème de rentabilité, non ?
Non, le professeurs de français, s'ils n'y parviennent pas toujours, ont un but important, transmettre la passion de la littérature et faire découvrir des ouvrages que les élèves de liraient pas sans eux. Par contre, il y a deux sortes de critiques, ceux qui, comme tu le dis, se prostituent à l'économie du marché du livre et chantent les louanges de Marc Lévy sans l'avoir lu parce que de toutes façons ce sera un Best-Seller ; et ceux qui vont faire le contraire, vanter une littérature expérimentale incompréhensible, sans but ni raison, sans sens, pour se prouver à eux-mêmes qu'ils sont supérieurs à la fangieuse masse des incultes qui les entourent. C'est le cas de nombreux journalistes du Nouvel Obs, par exemple, de Mme Savigneau, et d'autres encore...

Mais en tous cas, merci beaucoup pour ta venue, pour ta lecture visiblement très attentive et tes suggestions ! Je viens de faire le ménage dans mes adverbes et participe présents et si je n'ai pu tous les supprimer, je crois en avoir fait passer une bonne partie à la trappe. ^^
(
Je remarque que le style (ou du moins, cette absence) vanté par Abel Fresnay n'est pas le choix opté par Mr Songe
Non, en effet, tu verras rapidement si tu as le courage de poursuivre ta lecture, que Fresnay n'est pas le personnage.. disons, le plus représentatif de mes propres opinions artistiques Razz )
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