Requiem de Venise

MrSonge a écrit:

III

Lorsque les jeunes filles recueillies par le Pio Ospedale della Pietà furent enfin libérées de l'astreignant office de Prime, elles purent gagner le réfectoire. Cette institution financée par la République de Venise, fondée en 1346, accueillait les nouveau-nés abandonnés, ainsi que les orphelins, les enfants illégitimes ou de familles indigentes. Cloîtrées presque comme des religieuses, les pensionnaires étaient cependant gracieusement dispensées d'une grande partie des offices de la liturgie des Heures et n'étaient tenues d'assister qu'aux second et au dernier (bah c'est soit "au second et au dernier" ou "aux second et dernier", mais pas un peu des deux xD) de la journée, à savoir Prime et Complies.
Lorsque le Bénédicité fut récité sans entrain par une centaine de bouches affamées, au moment où les pensionnaires se jetaient avec avidité sur leurs écuelles de cuivre, une petite nonne à la figure rougeaude se fraya un chemin jusqu'à Mère Veronica, la supérieure de la congrégation. Elle lui murmura longuement à l'oreille quelque chose qui sembla troubler la vieille femme. Cette dernière, après s'être excusée auprès de ses voisines de table, se leva et suivit sa menue consœur qui trottinait devant elle. Une fois les deux religieuses à l'extérieure de la grande salle, la Mère Supérieure s'immobilisa et retint son guide qui déjà s'élançait vers le fond du couloir.
- Soeur Angelina, lui demanda-t-elle, vous avez bien dit : un père Inquisiteur ?
- Oui ma Mère, il s'est présenté ainsi. Il a dit : "Père Giacomo, de la Sainte-Inquisition". Et il a demandé à vous voir immédiatement. Je lui ai dit que vous étiez à l'office. Alors, il a accepté d'attendre le début du repas mais il s'impatiente dans votre bureau et y tourne en rond comme un fauve en cage.
- Il n'a pas daigné vous confier le motif de sa visite ?
- Il a simplement dit que c'était au sujet d'une des filles.
- Bien. Merci, allons-y.
De plus en plus soucieuse, Mère Veronica suivit la Sœur Angelina à travers plusieurs couloirs et escaliers étroits et parfois bas de plafond, avant de demeurer seule sur le seuil (c'est con ... mais moi, ces deux mots me font tiquer et j'aurais tout fait pour pas les mettre côte à côte.) de son bureau. Elle n'y pénétra pas tout de suite, hésitant devant la porte close. Tout portait à croire que cet Inquisiteur était ici à cause de la petite disparue. Elle en était dores et déjà convaincue. Mais en quoi, se demandait-elle, la disparition d'une jeune orpheline recueillie seize ans auparavant par le Pio Ospedale pouvait-elle concerner cette juridiction spécialisée de l'Église ? Il était évidemment fort regrettable qu'une jeune fille s'évapore ainsi dans la nature du jour au lendemain, d'autant plus que l'hospice de la Pietta était le plus réputé de tout Venise... Car enfin (j'aurais plus vu un "mais enfin" puisque ce qui suit est une opposition à la phrase précédente et non une explication ... non ?), cela justifiait-il cette intrusion de l'Inquisition dans son établissement ? La Mère Supérieure se mit à réfléchir fébrilement. L'absence de la petite Alessandra lui avait été signalée la veille au matin. La prévôté avait été avertie quelques heures plus tard mais, évidemment, n'avait pas fait grand cas de la fugue d'une adolescente sans famille... Mais (répétition => "toutefois", "néanmoins" enfin tout le tralala habituel) peut-être la religieuse se fourvoyait-elle, peut-être que la venue de cet Inquisiteur n'avait rien à voir avec toute cette affaire. Mère Veronica tenta de se réconforter en s'accrochant à cette idée et essaya de se persuader que cette visite pouvait être tout ce qu'il y a de plus anodin.
Après avoir pris une large respiration, elle se décida enfin à pousser la porte de son propre bureau. Elle s'immobilisa net, à peine le seuil franchi. Un homme de haute stature, vêtu d'une soutane particulièrement austère, une tête de rapace vissée sur un cou décharné, était assis à sa place, derrière sa table de travail. Il jaugea rapidement la nouvelle arrivante, d'un regard froid et acéré, puis daigna se lever et se présenter.
- Mère Veronica, entama-t-il tandis que son interlocutrice s'approchait lentement, je suis le Père Giacomo et j'appartiens - on vous l'a sans doute déjà fait savoir - à la Très Sainte Inquisition. J'espère que vous voudrez bien pardonner mon intrusion si matinale, mais l'affaire qui m'amène s'avère être d'une importance qui ne peut souffrir le moindre retard.
Il lui indiqua un siège. Très raide, la Mère Supérieur refusa d'un geste, en le foudroyant du regard, de prendre place dans une chaise prévue à l'intention de ses visiteurs, alors qu'un inconnu se permettait de se conduire en maître des lieux. L'ecclésiastique parut quelque peu amusé par ce refus (il y a refuser juste avant quand même => "protestation") brutal et semblait entièrement conscient de l'impolitesse de ses manières. Il reprit cependant du même ton rogue, après avoir fait disparaître l'ombre du sourire qui était brièvement apparu sur ses lèvres. Caressant du doigt un sourcil broussailleux, il donna à Mère Veronica les raisons exactes de sa présence au Pio Ospedale della Pietà. A mesure qu'il débitait son discours, le visage de la nonne palissait : c'était exactement ce qu'elle redoutait.

MrSonge a écrit:
- Je suis ici, dit-il, car on m'a informé qu'une de vos pensionnaires a disparu il y a quelques jours. Or, il se trouve que hier matin, le corps d'une jeune fille blonde a été repêché près de la Punta del Dogana. Avant d'aller plus avant, j'aimerais donc vous posez une question très simple : la disparue avait-elle les cheveux blonds ? (les cheveux pailles ? xD Non, je conçois, et ce n'est pas si horrible de garder deux "blonds" dans le dialogue ... mais si tu pouvais trouver un artifice pour masquer cette répétition ...)
Pétrifiée que l'on puisse opérer un rapprochement quelconque entre une de ses petites protégées et un cadavre régurgité par les flots du Grand Canal, la Mère Supérieur ne put acquiescer que d'un hochement de tête, le visage de la petite Alessandra lui revenant brutalement en mémoire, mais boursouflé et bleui comme il devait l'être s'il s'agissait bien d'elle. Elle chassa rapidement cette vision désagréable, tandis que le Père Giacomo reprenait ses explications.
- Il m'aurait été impossible de faire le lien entre cette malheureuse enfant et votre établissement si je n'avais pas pris soin d'examiner les lambeaux de robe qui lui étaient restés accrochés au corps. Ceci m'a permis de conjecturer qu'il devait s'agir d'un de ces vêtements simples et utilitaires que l'on réserve aux nécessiteux. J'ai donc décidé, ces conclusions en main, de visiter un à un tous les hospices de la ville. Fort heureusement, il est arrivé à mes oreilles l'écho de cette disparition que vous aviez vous-même signalée quelques heures auparavant. Je suis donc venu directement au Pio Ospedale della Pietà vous demander s'il vous serait possible de m'accompagner à la geôle du Palais des Doges, là où j'ai fait transporter le corps en attendant que l'on procède à son ouverture.
A ce dernier mot, la religieuse sortit de sa torpeur et leva les yeux vers son interlocuteur, en fronçant les sourcils.
- Son ouverture ? demanda-t-elle comme si elle ne parvenait pas à saisir le sens exact de ce dernier mot.
- Avec la permission de la Très Sainte Église Catholique, bien entendu, s'empressa de préciser le prêtre.
- Vous envisagez, entama lentement la Mère Veronica, de profaner le cadavre d'une jeune fille qui pourrait bien sortir de mon institution ? Pourquoi ?
- C'est là le point le plus important, Mère Supérieure. Nous avons retrouvé sur la défunte des marques étranges qui m'ont laissé penser qu'elle avait pu être torturée avant sa mort, d'une façon qui n'a rien de normal. Par normal, reprit-il après quelques secondes de silence au cours desquelles il scruta le visage de la nonne, j'entends les supplices que l'on rencontre habituellement dans des affaires de vengeance ou de pur sadisme : membres rompus, gorge tranchée, yeux arrachés, émasculation pour les hommes, strangulation violente, articulations brisées...
La vieille femme coupa court à ce macabre inventaire en faisant claquer sa langue.
- Taisez-vous, mon Père, par pitié ! Votre complaisance pour ses horreurs n'a pas lieu d'être étalée ici.
- Je vous demande pardon, s'excusa hypocritement l'Inquisiteur, son imperceptible sourire flottant à nouveau sur ses lèvres.
Il laissa s'écouler quelques instants, promenant dans le bureau ses petits yeux d'oiseaux de proie (beuh euh ... pourquoi pas d'oiseaux prédateurs ?). A l'extérieur, le soleil commençait lentement à s'élever au-dessus des toits, réchauffant et éclaircissant l'intérieur de la pièce. Du quai montait la rumeur d'une ville qui s'ébroue au sortir de la nuit. Les cris des marchands de poissons vantant (sauf si éventuellement ils soufflent dessus pour faire du vent ...) la qualité de leur dernière pêche se mêlaient au bruissement des conversations des passants et aux intermittents bruits des pots de chambre que l'on vidait par les fenêtres. Distraite par l'effort qu'elle fournissait pour tenter d'appréhender les échos de ce monde qui s'éveille, la Mère Supérieure était presque parvenue à oublier la présence de son visiteur, jusqu'à ce que ce dernier lui rappelle sa présence en toussant ostensiblement. Elle quitta la fenêtre des yeux pour les poser à nouveau sur le visage du Père Giacomo qui, lui, n'avait pas relâché son attention une seconde.

Et depuis quand l'Église de cette époque accepte les autopsies ? Enfin, a t-elle donné seulement son accord pour une seule durant la Renaissance ? Même les plus pieux allaient en Hollande pour ça, même les plus fervents proches de l'Église ... donc pour une affaire de petite fille sans importance, on va décoincer toute l'armature religieuse ?

Passionnant comme chapitre malgré le point soulevé par Pacô sur le blond ^^

MrSonge a écrit:Maispasdutout ! ^^ (j'en crève de trouille en fait)
Non mais étant donné que je suis le champion des fautes bêtes et des répétitions pas repérées, je me dis que plus je me relis, moins vous aurez de boulot chiant à faire. Même si, ne vous inquiétez pas, il en restera toujours.

Je confirme, mais tant que ça n'atteint pas le niveau du "kloug", ça va aller va.

Mais tu as raison, RELIE-TOI !

MrSonge a écrit:

Mais tu as raison, RELIE-TOI !

Y a un calembour, ou c'est juste une faute ?

MrSonge a écrit:Ecoute, pour une fois. Si je t'en tenais rigueur ce serait vraiment de la mesquinerie....

MrSonge a écrit:Très Haut Guide Spirituel, s'il te plaît. N'écorche pas mon sublime et frais titre ! xD

MrSonge a écrit:
- Vous me demandez donc de venir identifier ce corps, reprit-elle comme pour rassembler ses pensées confuses. À la prison ?
- C'est exact, répondit le prêtre en faisant le tour du bureau, si, évidemment, vous avez suffisamment dans l'œil le visage de la petite disparue.
- Oui, ce ne sera pas un problème. Elle était une privilegiate di coro. Nous désignons ainsi, précisa-t-elle, voyant le sourcil gauche de l'ecclésiastique se relever en signe d'incompréhension, nos filles les plus douées pour le chant, celles qui peuvent prétendre à se produire à l'extérieur.
- Je comprends. Cependant, je me dois de vous prévenir que même dans ces conditions, la tâche ne sera sans doute pas aisée. Le bref séjour du cadavre dans les bas fonds a suffit à le rendre assez difforme. Peut-être la ressemblance, si mes supputations s'avèrent exactes, ne vous sautera-t-elle pas aux yeux.
- Et quand proposez-vous que cette visite ait lieu ? demanda Mère Veronica.
- Le plus tôt serait, à mon avis, le mieux. Êtes-vous libre immédiatement ?
La religieuse sursauta. Cette proposition lui semblait visiblement tout à fait aberrante.
- Maintenant ? Mais je ne peux laisser l'orphelinat ainsi, sans personne pour s'en occuper.
- Vos consœurs ne pourraient-elles donc pas se débrouiller seules pendant quelques heures ?
- Si bien sûr, elles sont très compétentes mais...
Comme elle paraissait être à court d'arguments valables pour retarder cette morbide sortie, le prêtre en profita (euh .. formulation maladroite un peu non ? Elle casse le rythme.). Il alla lui-même ouvrir la porte du bureau, signifiant ainsi à la Mère Supérieur de le précéder à l'extérieure. Cette dernière s'exécuta, pâle mais le dos toujours droit, le port de tête altier. Quelques minutes plus tard, le temps que la nonne informe ses collègues de son départ et donne quelques instructions, les deux religieux étaient dehors et clignaient des yeux face à la clarté éblouissante du plein jour.
- Allons-y à pied, si vous le voulez bien, proposa l'homme. Ce n'est guère loin et par un temps pareil, cette petite marche ne pourra nous faire que du bien.

IV

La jeune fille décédée était étendue, comme une étoile de mer oubliée par la marée, sur une table de pierre humide. La décomposition s'annonçait dans le corps par de larges taches bleues et pourprées qui couraient le long de ses membres en suivant les vaisseaux sanguins (euh ... ça ne me semble pas le plus utile ^^). Son visage boursouflé, au milieu duquel les yeux exorbités semblaient fixer ardemment un point du plafond en ogives, était hideux à regarder. Ses cheveux blonds, délavés et souillés par la vase, n'étaient plus que gris et lui collaient à la peau comme les tentacules d'un poulpe mort. Sur son ventre et ses jambes, on distinguait plusieurs marques brunes circulaires, aux endroits où le bourreau avait dû arracher quelques mollusques qui avaient découvert un garde-manger idéal.
A la vue de ce corps entièrement dénudé et d'un aspect si repoussant, Mère Veronica détourna les yeux (ça fait toujours un peu bête le truc: à la vue ... elle détourna les yeux (donc la vue). C'est pourquoi je préfère: "elle détourna la tête". Tu m'as compris ? Je suis pas clair à cette heure là moi). La salle dans laquelle elle venait de pénétrer, accompagnée de son cicérone au faciès d'aigle était située dans les sous-sol de la grande prison de Venise. C'était une vaste pièce obscure, pareille aux cachots dans lesquels l'Inquisition se plaisait à mener ses interrogatoires. Après avoir descendu quelques degrés, les deux visiteurs s'étaient trouvés entre quatre hauts murs suintants, encadrés par un nombre égal de colonnes encastrées dans les angles et qui s'élançaient vers le sommet des voûtes du plafond. La lumière du jour ne pénétrait à l'intérieur que par une mince ouverture qui donnait visiblement dans une petite ruelle, au niveau des pavés. Celui à qui revenait la macabre tâche de s'occuper des cadavres et de procéder aux rares ouvertures autorisées n'était autre que le bourreau attitré de la geôle ducale, le signor Gaetano Mascagni, un petit homme trapu qui ne cessait de gratter son crâne à moitié dégarni. Tandis que les deux nouveaux arrivants observaient le cadavre, il s'affairait au fond de la salle, triant et nettoyant sommairement son attirail.

Comme elle paraissait être à court d'arguments valables pour retarder cette morbide sortie, le prêtre en profita (euh .. formulation maladroite un peu non ? Elle casse le rythme.). Il alla lui-même ouvrir la porte du bureau, signifiant ainsi à la Mère Supérieur de le précéder à l'extérieure.

(ça fait toujours un peu bête le truc: à la vue ... elle détourna les yeux (donc la vue). C'est pourquoi je préfère: "elle détourna la tête". Tu m'as compris ? Je suis pas clair à cette heure là moi)

On se demande toujours pourquoi cette fille intrigue tant ! Là j'avoue que ma curiosité est exacerbée ... je veux savoir >_<

Si tu me mets "extérieur" avec "e", je t'étrangle, ok ?? ^^

MrSonge a écrit:
S'approchant de la Mère Supérieur par derrière, au moment où elle s'arrachait à sa brève observation du cadavre, le Père Giacomo murmura :
- Alors, ma Mère, la reconnaissez-vous ?
- C'est difficile... bégaya-t-elle. Elle est tellement différente.
- C'est le moins que l'on puisse dire, confirma le prêtre, amusé par cet euphémisme. Cependant, je me vois contraint de vous prier de faire un effort. Pourriez-vous me certifier que ce n'est pas elle ?
- Non, cela, en tous cas pas.
Au prix d'un violent effort, Mère Veronica se mit à scruter le visage de la défunte avant de reprendre :
- Il y a bien une ressemblance. Ce nez fin et légèrement retroussé... Ses ongles, ajouta-t-elle après avoir laissé son regard errer sur le corps entier. Elle avait la triste manie de se les ronger à tout bout de champ (http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/a-tout-bout-de-champ/), et ceux-ci le sont aussi. Et cette cicatrice à la tempe droite... Oui c'est bien elle, elle avait fait une mauvaise chute dans les escaliers du balcon de l'église, il y a plusieurs années déjà.
- Vous confirmez donc qu'il s'agit de la jeune Alessandra, pensionnaire de votre établissement ?
- Hélas, je crois bien que c'est elle, confirma la religieuse en quittant la dépouille des yeux.
- Voilà une bonne chose de faite, conclut le Père Giacomo. Je vous remercie d'avoir accédé si promptement à ma requête. Comme vous le voyez, ce n'était pas inutile.
La Mère Supérieure s'apprêtait à quitter les lieux quand il la héla, toujours immobile près de la couche de pierre.
- Encore une dernière chose, ma Mère, dit-il en lui faisant signe de s'approcher. Lorsque vous l'avez vue pour la dernière fois, avez-vous remarqué ces étranges marques sur ses chevilles ? Regardez bien, ces deux traces rouges sombres. On dirait qu'elles ont été (tu mérites le pal) serrées jusqu'au sang par des liens, ou plutôt par des chaînes. Le genre de fers que traînent aux pieds les prisonniers de nos geôles, par exemple.
- Je n'ai pas pour habitude de me complaire dans l'examen des chevilles des orphelines qui me sont confiées, répondit-elle, mais je peux vous certifier que de telles lésions n'auraient pu être dissimulées longtemps à l'hospice. Ce sera tout ?
- Pour l'instant. Je vous remercie, un des gardes en faction dans le couloir va vous reconduire.
Mère Veronica salua l'Inquisiteur d'un hochement de tête, jeta un dernier et furtif regard au cadavre et gravit lentement les quelques marches qui la séparait de la porte de la salle. Dès qu'il se retrouva seul avec le Père Giacomo, le bourreau s'approcha du corps, un assemblage d'outils dans les mains. Il déposa sur la table de granit ses pinces, ses scies et ses couteaux, puis s'essuya les mains sur son tablier de cuir, avant de lever les yeux vers l'homme d'Église qui s'était retourné vers lui.
- Puis-je procéder, mon Père ? demanda Mascagni en considérant la jeune défunte des pieds à la tête.
- Attendez une minute, répondit le prêtre. Nous devons nous livrer à un examen scrupuleux du corps, tant qu'il est encore en relativement bon état. Tenez, par exemple, regardez ces marques, sur les seins et sur une partie du ventre.
Il indiqua du doigt plusieurs endroits où l'épiderme avait pris une teinte sombre et avait quelque peu durci. Ces intrigants stigmates étaient le plus souvent arrondis et groupés sur la poitrine, mais certains, plus allongés, dessinaient de courtes traînées bistres.
- Pensez-vous, s'enquit-il, qu'il s'agisse de manifestations de la décomposition ?
- Non, fit le bourreau en examinant la peau de plus près, je ne crois pas. Voyez, cela ne ressemble aucunement à ces hématomes bleus qui serpentent le long des vaisseaux sanguins. On dirait plutôt qu'il s'agit de brûlures faibles, comme si ces différentes places avaient été (mais tu le cherches xD) en contact avec un liquide légèrement corrosif.
- Du vitriol ?
- Non, quelque chose de beaucoup moins agressif. Le vitriol aurait causé de bien plus graves lésions.
- Que tout cela est obscur, murmura l'Inquisiteur en se penchant sur le ventre de la morte et en scrutant attentivement les plaies légères. Il me faudra tirer cela au clair, plus tard... Je vais vous laisser procéder à l'ouverture afin de tenter d'en savoir plus sur les causes exactes du décès.

Mais bon sang de bois, tu m'as trompé, perfide personnage !
On ne sait rien de plus, mis à part qu'elle est suspecte (mais en même temps, si elle ne l'était pas, il y aurait pas d'histoire à écrire dessus).