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Message  MrSonge Dim 3 Mai 2009 - 18:36

Charmante jeune fille
Et vlan quelques coups placés pour Werber et Meyer.

Sinon, petite remarque, je trouve assez étrange que la fille soit mise dans un établissement public et ce, sansque personne ne la connaisse.
Si un Dan Brown venait à poser son gosse devant les grilles du lycée, on le saurait avant que le prof fasse l'appel il me semble


Merci pour la correction !

Nan mais tu verras, elle va évoluer d'ici quelques chapitres, elle sera presque sympathique. What a Face

C'est vrai que c'est un hic, mais je m'étais dis que peut-être en première année de lycée, avec un minimum de discrétion des parents, elle aurait pu passer limite "inaperçue" au moins parmi les élèves, à défaut de ses professeurs. Mais effectivement, faudrait peut-être que je modifie un petit peu ce passage...
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Message  Pacô Dim 3 Mai 2009 - 19:19

MrSonge a écrit:
Chapitre Cinquième



Trônant (depuis quand un participe présent se met au féminin? Very Happy) dans son bureau au mobilier trop moderne pour être de bon goût et trop utilitaire pour être chaleureux, Jeanne Savranche feuilletait lentement un magasine littéraire dont les pages plastifiées luisaient légèrement à la lumière d'un pâle soleil automnal. C'était une femme frôlant chaque année plus dangereusement la cinquantaine, dans la chevelure blonde lisse et brillante de laquelle commençaient à poindre de discrètes mèches argentées. Systématiquement, après avoir tourné nerveusement une page, elle triturait ses lunettes cerclées qui lui donnaient un air intellectuel qui ne l'embellissait absolument pas (Deux "qui" à la suite... moyen ! "elle triturait ses lunettes cerclées et d'apparence intellectuelle qui ne l'embellissait etc..." Y'a beaucoup mieux, mais ce soir, je dois pas être inspiré ^^). La beauté est très souvent incompatible avec un air intellectuel ; une intelligence trop visible, qui vient prendre le pas sur le physique, duquel elle devrait être distincte, ne fait que rendre un visage intéressant, jamais beau.
Lorsqu'elle arriva enfin à la page qu'elle convoitait, elle se pencha un peu plus sur le mensuel et se mit à pianoter de ses ongles manucurés sur son bureau. Jeanne Savranche parcourut d'abord une fois rapidement les différentes rubriques avant de s'arrêter à celle qu'elle cherchait : la critique littéraire. Son regard se durcit un peu plus à chaque ligne qu'elle lisait.

Lorsque l'on se saisit du nouvel ouvrage de monsieur Fresnay, on ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire. La ridicule couverture choisie par la maison d'édition conviendrait mieux à un manuel de scientologie qu'à un roman - aussi médiocre soit-il. De plus, si l'on se donne la peine de retourner ce pavé d'environ huit-cent pages, on constate que là où il y a habituellement une quatrième de couverture, il n'y a qu'une petite citation qui a au moins le mérite de résumer à elle seule toute la vacuité de l'œuvre : « Et si Dieu en avait assez ?». L'histoire tient sur un timbre-poste : Dieu est lassé des plaintes incessantes de l'humanité et décide de faire savoir qu'il commence une grève sauvage et totale. Dès lors, le monde dans lequel nous vivons sombre dans un chaos dantesque qui évidemment ne perdurera pas jusqu'à la dernière page. Il serait vain que nous tentions d'écrire autre chose à son propos, car c'est bien d'un roman aussi creux qu'une caisse de résonance qu'il s'agit. L'intrigue n'est qu'un pur produit hollywoodien qui a raté la sélection cinématographique et, hélas, ce n'est pas la grandeur du style qui viendrait combler cette lacune. Car monsieur Fresnay persiste dans sa désarmante exploration de l'absence de style la plus compacte. Visiblement pour lui, l'écriture n'est qu'un travail de transcription simple de ses pensées. Aucune recherche, aucun travail approfondi n'est fait sur ses textes. Lorsque l'on lit du Fresnay, on se plonge lentement mais sûrement dans l'océan de la médiocrité littéraire, on s'enlise dans le bourbier puant de l'écriture au rouleau. Comment peut-on en son âme et conscience faire lire à son éditeur un manuscrit aussi vide, aussi peu soigné que celui qui a donné naissance à l'ouvrage regrettable dont il est question ici ? N'y a-t-il donc personne dans l'entourage de monsieur Fresnay pour l'implorer avec assez d'insistance d'abandonner sa lubie de l'écriture et de se consacrer plutôt à n'importe quel autre passe-temps ? Du moment qu'il n'est pas en contact avec une plume et du papier. (tu pars un peu dans le démontage là, et ça nuit un peu parfois) Il serait temps que certains prétendus auteurs qui ne s'élèveront jamais plus haut que le niveau atteint par les dissertations d'élèves de terminale se souviennent qu'être écrivain est un métier ; et qu'il ne semble pas être à la portée de tout le monde.
Par E. M. (han... okay. C'est une critique ! Mets des guillemets - jpensais que c'étaient les pensées de la nana moi - ou mets-y en italique !)

Jeanne Savranche referma violemment le magasine et le jeta dans la corbeille qui était placée près de sa chaise. Depuis qu'elle était à la tête des éditions Label elle n'avait cessé d'encourager des auteurs prometteurs comme cet Abel Fresnay qui s'était hissé dès ses premiers romans au sommet des meilleurs ventes. Pourtant, pas une seule fois, un roman publié par sa maison n'avait eu l'heur de plaire à ce critique qui étrillait systématiquement chaque nouvelle sortie. L'éditrice s'était vue traitée de «marchande de soupe», de «aimant sans cesse attiré vers les productions les plus médiocres» (le second est peu bof. Tu peux trouver mieux comme méprise, et je le sais Twisted Evil), de «commerçante arriviste sans le moindre sans artistique» mais malgré cela, elle n'avait jamais remis en cause sa ligne éditoriale et continuait à suivre ses goûts en matière de choix d'auteurs.
Elle se leva brusquement et se tourna vers la haute fenêtre qui donnait sur une large avenue bordée de platanes chétifs. Les bruits des moteurs lui parvenaient faiblement et de temps en temps (de temps à autre) elle entendait le cri autoritaire d'un avertisseur qui retentissait dans tout l'arrondissement. Perdue dans ses pensée, elle suivit du regard un jeune couple qui traversait la rue, bras dessus bras dessous, jusqu'à ce qu'il disparaisse dans une petite rue transversale. Sa bouche entrouverte était tellement proche de la vitre qu'un petit nuage de condensation se formait sur le verre. Savranche s'en rendit subitement compte et l'essuya à l'aide de la manche de son pull-over.
Chaque fois qu'elle repensait à ce critique arrogant, ce pamphlétaire hargneux, ce pisseur de copie suant la pédanterie, elle sentait monter en elle une vague de colère irraisonnée et était submergée par un désir de vengeance qu'elle ne contenait qu'avec grand peine. Ce chroniqueur rétrograde, à l'esprit étriqué n'avait sans doute jamais fait ses preuves en tant qu'écrivain et se complaisait à tirer sur tous ceux dont le succès ne pouvait qu'attiser sa jalousie. Un auteur raté, voilà ce qu'il devait sans doute être pour déverser avec tant de constance son fiel haineux sur à peu près tous les auteurs actuels. Le pauvre devait sans doute se sentir frustré de ne point (le "pas" est bien aussi Very Happy) pouvoir suivre l'évolution du monde des lettres et se retranchait dans une vénération stérile du passé. L'adoration d'une littérature compliquée, écrite pour des gens encore plus compliqués qui se complaisaient dans des exercices de style alambiqués, dans des prouesses formelles aussi creuses qu'ennuyantes et rebutantes. Aujourd'hui la littérature se devait d'être simple (ou "devait être simple"), accessible au plus grand nombre, démocratique en quelque sorte. Elle s'arrêta sur cette pensée. C'était exactement cela. Il fallait qu'elle se fasse le chantre de la littérature démocratique. Ce ne serait d'ailleurs pas bien difficile puisque c'était ce que le public aimait ; et c'était le public qui décidait des ventes. Après tout, que lui importait les braiments incessants et venimeux de ces critiques obscurs (enfin ça dépend en fait ^^. Critiques dans le sens féminin ou masculin?) ? Tant que le public aimait ce qu'elle publiait, ses stocks s'écoulaient on ne peut mieux et ses caisses se remplissaient (proportionnellement).

Bon j'ai commencé par souligner tout ce qui était participes présent et adverbes pour que tu voies un peu leur grande quantité.
Mais l'ensemble est plutôt pas mal.
Pense à bien mettre des guillemets pour la critique, sinon on ne sait pas trop ce que c'est au départ.
Enfin, on sent le débat de la débandade remonter (c'est plutôt cool ^^). Et là tu le touches de deux manières différentes. Je ne prends pas trop de risques en affirmant lequel va triompher ...

Enfin bon Wink. Si ça se poursuit comme ça, moi je prends !
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Message  MrSonge Lun 4 Mai 2009 - 5:08

Ahoups XD. Effectivement dans mon texte, la critique est en italique, et comme un boulet j'ai oublié de vérifier. C'est vrai que comme ça, c'est difficile à comprendre.

Enfin, on sent le débat de la débandade remonter (c'est plutôt cool ^^). Et là tu le touches de deux manières différentes. Je ne prends pas trop de risques en affirmant lequel va triompher ...
Tu as toujours été d'une perspicacité renversante. Razz
Non, mais cela dit, je vais essayer de faire plus subtile que le Bien triomphe du Mal, parce que dans le cas contraire ça risque de faire un peu prévisible (beaucoup ?), manichéen en diable, schématique et j'en passe. Donc, va y avoir du sang (^^), mais de tous les côtés.

(les adverbes.... mon pécher mignon. Véritable invasion par endroits. Va falloir ratisser tout cela. What a Face )
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Message  Pacô Ven 8 Mai 2009 - 22:57

Oui, il ne faut pas faire une oeuvre qui passe son temps à détruire tout simplement les nouveaux auteurs poubelles.
Sinon, l'appétit du lecteur se trouverait décru. Mais je veux que le BIEN triomphe Twisted Evil.
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Message  MrSonge Ven 11 Sep 2009 - 15:32

Ehhhoui, comme j'ai terminé mon Travail de Bac (enfin, sauf l'intro et la conclusion, mais bon, c'est ine zeu poquette ! ^^), j'ai trouvé le temps de me remettre à mon roman. Et comme je sais que cela vous a manqué à tous (ou pas xD), voici la suite !!

Chapitre Cinquième (suite)


Satisfaite de sa conclusion, les brumes menaçantes de la colère s'étant dissipées en elle, Jeanne Savranche retourna s'asseoir à son bureau. A ce moment, une secrétaire qui semblait être la seule chose vieille de plus d'un demi-siècle dans tout l'étage, passa la tête par la porte après avoir toqué discrètement. Elle informa l'éditrice de l'arrivée de monsieur Fresnay. celle-ci se leva, lissa son tailleur bleu et alla accueillir son visiteur. Ils s'installèrent dans deux fauteuils placés un peu à l'écart, dans un angle de la pièce, près d'une fenêtre et d'un buffet à hauteur de hanche dont la propriétaire des lieux se servait comme d'un bar. Elle servit à l'écrivain un verre de whisky et prit, quant à elle, un gin tonic. Après avoir rangé les bouteilles d'alcool, elle s'assit face à Fresnay et but lentement une gorgée.
« Félicitations, mon cher, finit-elle par dire lorsqu'elle posa son verre sur une petite table basse près de son siège. Après quelques semaines, les ventes de votre dernier-né sont excellentes, comme toujours. Décidément, en acceptant votre premier manuscrit, j'ai découvert le filon idéal. Vous n'êtes pas loin de devenir notre meilleur élément.
- J'en suis flatté, répondit Fresnay. Je ne peux que vous remercier une fois de plus de m'avoir fait confiance au moment de publier mon premier manuscrit.
- Je ne regrette pas d'avoir suivi mon instinct. Instinct qui me trompe rarement, soit dit en passant, pour ce qui est du potentiel d'un auteur. J'ai immédiatement compris que vous aviez la fibre d'un grand prosateur.
- Cela, répliqua Fresnay quelque peu confus, je laisse le public en décider.
- Je crois que ces réactions ne sont pas trop ambiguës. On vous adore, mon cher, on vous encense partout - ou presque, ajouta-t-elle en son fort intérieur en repensant au magasine qu'elle avait jeté quelques instants auparavant -, vous êtes traduit dans toute l'Europe et je pense pouvoir affirmer que vous ferez bientôt partie des auteurs français les plus lus sur notre continent. D'ailleurs, à propos de succès, votre intervention télévisée de mardi a obtenu une excellente audience. J'ai suivi l'émission et vous ai trouvé parfait. Votre réponse à la critique stupide qu'a lu le présentateur était tout à fait pertinente. »
Abel Fresnay la remercia en souriant et vida le fond de son verre. Il sortit un étui à cigarettes d'une poche intérieure de son veston et interrogea du regard son éditrice qui lui signifia d'un hochement de tête qu'il pouvait fumer. Il lui en proposa une. Elle déclina l'offre, alla chercher le cendrier placé sur son bureau et le déposa sur la table, entre eux. Lorsque l'écrivain eût tiré les premières bouffées, de fines volutes de fumée bleutées se tordirent en de capricieuses arabesques qui montaient lentement vers le plafond, avant de se répandre paresseusement au-dessus des deux têtes, glissant contre le plâtre blanc comme de discrets nuages contre la voûte céleste, avant de disparaître progressivement, absorbées par l'air ambiant.
Au bout de quelques instants de silence, Jeanne Savranche interrogea Fresnay sur ses projets d'écriture. Il répondit en faisant tomber la cendre de sa cigarette dans le petit objet en verre, qu'il n'avait pas encore d'idée précise mais que le cadre général était déjà posé. L'action se déroulera à New-York, parce qu'une ville américaine est plus à même de correspondre à l'atmosphère d'un roman réellement moderne que n'importe qu'elle agglomération du Vieux Continent. Les protagonistes principaux seront un couple de jeunes enseignants et leur jeune fille. Le centre de l'intrigue sera la disparition de cette enfant, le désespoir du père qui quittera son travail et ira vivre en vagabond dans les rues, puis la réapparition de la petite, plusieurs années après, à l'endroit même où elle avait disparu. Comme il lui avait expliqué, les détails n'étaient pas encore tout à fait clairs à son esprit mais les grandes lignes du scénario étaient là, prêtes à s'étoffer de détails en tous genres, de précisions et de rebondissements.
Jeanne Savranche l'assura de son entière confiance.
« Donnez-nous comme toujours votre si délicieux et personnel cocktail d'action, de passion et de suspens. Je m'occuperais du reste et ce sera un succès.»
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Message  Pacô Dim 13 Sep 2009 - 11:46

MrSonge a écrit:
Chapitre Cinquième (suite)

Satisfaite de sa conclusion, les brumes menaçantes de la colère s'étant dissipées en elle, Jeanne Savranche retourna s'asseoir à son bureau. A ce moment, une secrétaire qui semblait être la seule chose vieille de plus d'un demi-siècle dans tout l'étage, passa la tête par la porte après avoir toqué discrètement. Elle informa l'éditrice de l'arrivée de monsieur Fresnay. celle-ci se leva, lissa son tailleur bleu et alla accueillir son visiteur. Ils s'installèrent dans deux fauteuils placés un peu à l'écart, dans un angle de la pièce, près d'une fenêtre et d'un buffet à hauteur de hanche dont la propriétaire des lieux se servait comme d'un bar (ou "comme bar" tout simlement). Elle servit (répétition=> "offrir")) à l'écrivain un verre de whisky et prit, quant à elle, un gin tonic. Après avoir rangé les bouteilles d'alcool, elle s'assit face à Fresnay et but lentement une gorgée (boire lentement une gorgée ... enfin ouais ... mais ça fait presque pas correct u__u").
« Félicitations, mon cher, finit-elle par dire lorsqu'elle posa son verre sur une petite table basse près de son siège. Après quelques semaines, les ventes de votre dernier-né sont excellentes, comme toujours. Décidément, en acceptant votre premier manuscrit, j'ai découvert le filon idéal. Vous n'êtes pas loin de devenir notre meilleur élément.
- J'en suis flatté, répondit Fresnay. Je ne peux que vous remercier une fois de plus de m'avoir fait confiance au moment de publier mon premier manuscrit.
- Je ne regrette pas d'avoir suivi mon instinct. Instinct qui me trompe rarement, soit dit en passant, pour ce qui est du potentiel d'un auteur. J'ai immédiatement compris que vous aviez la fibre d'un grand prosateur.
- Cela, répliqua Fresnay quelque peu confus, je laisse le public en décider.
- Je crois que ces réactions ne sont pas trop ambiguës. On vous adore, mon cher, on vous encense partout - ou presque, ajouta-t-elle en son for intérieur en repensant au magasine qu'elle avait jeté quelques instants auparavant -, vous êtes traduit dans toute l'Europe et je pense pouvoir affirmer que vous ferez bientôt partie des auteurs français les plus lus sur notre continent. D'ailleurs, à propos de succès, votre intervention télévisée de mardi a obtenu une excellente (répétition) audience. J'ai suivi l'émission et vous ai trouvé parfait. Votre réponse à la critique stupide qu'a lu le présentateur était tout à fait pertinente. »
Abel Fresnay la remercia en souriant et vida le fond de son verre. Il sortit un étui à cigarettes d'une poche intérieure de son veston et interrogea du regard son éditrice qui lui signifia d'un hochement de tête qu'il pouvait fumer. Il lui en proposa une. Elle déclina l'offre, alla chercher le cendrier placé sur son bureau et le déposa sur la table, entre eux. Lorsque l'écrivain eût tiré les premières bouffées, de fines volutes de fumée bleutées se tordirent en de capricieuses arabesques qui montaient lentement vers le plafond, avant de se répandre paresseusement au-dessus des deux têtes, glissant contre le plâtre blanc comme de discrets nuages contre la voûte céleste, avant de (répétition => "et de disparaître)" disparaître progressivement, absorbées par l'air ambiant (très beau passage ... mais très long aussi et la phrase s'essouffle avec toutes les virgules qui reprennent le sujet d'avant. Tu peux essayer de la couper en gardant toujours la même image).
Au bout de quelques instants de silence, Jeanne Savranche interrogea Fresnay sur ses projets d'écriture. Il répondit en faisant tomber la cendre de sa cigarette dans le petit objet en verre, qu'il n'avait pas encore d'idée précise mais que le cadre général était déjà posé. L'action se déroulera à New-York, parce qu'une ville américaine est plus à même de correspondre à l'atmosphère d'un roman réellement moderne que n'importe quelle agglomération du Vieux Continent. Les protagonistes principaux seront un couple de jeunes enseignants et leur jeune fille. Le centre de l'intrigue sera la disparition de cette enfant, le désespoir du père qui quittera son travail et ira vivre en vagabond dans les rues, puis la réapparition de la petite, plusieurs années après ("plus tard" ou "ensuite" mais après c'est bof), à l'endroit même où elle avait disparu. Comme il lui avait expliqué, les détails n'étaient pas encore tout à fait clairs à son esprit mais les grandes lignes du scénario étaient là, prêtes à s'étoffer de détails (répétition => "prêtes à s'étoffer de scènes en tous genres") en tous genres, de précisions (surtout qu'en plus ... détails et précisions, c'est légèrement la même chose ^^) et de rebondissements.
Jeanne Savranche l'assura de son entière confiance.
« Donnez-nous comme toujours votre si délicieux et personnel cocktail d'action, de passion et de suspens. Je m'occuperais du reste et ce sera un succès.»

Bouh les vilains !
Bon je m'y suis remis, l'histoire m'est à peu près revenu en tête ^^". Bien que un petit résumé rapide ne serait pas de refus en spoiler.
Que dire ?
Des petites maladresses parfois dans le vocabulaire, mais un ensemble toujours et encore très bon u__u".

Voici donc l'apologie des auteurs que tu détestes Razz.
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Message  MrSonge Dim 13 Sep 2009 - 15:53

Oh que je suis ingrat, je n'y avais même pas pensé. Mea culpa moi !

Spoiler:

En tout cas, merci pour cette correction, je constate une fois de plus que les répétitions sont sans doute les choses (fautes d'ortho exceptées xD) qui m'échappent le plus, je ne sais pas pourquoi, mais j'essayerais d'y faire particulièrement attention à l'avenir !
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Message  Pacô Sam 19 Sep 2009 - 10:29

Ah ouais, la grand mère qui va à la librairie pour acheter le dernier Fresnay et qui se colle dans son fauteuil au coin du feu pour le dévorer.
Et pis la fille rebelle au restaurant non ?

Si si, ça me revient ^^".

Oui, toi c'est marrant, question vocabulaire il n'y a quasiment rien à redire, mais question étourderie ... =).
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Message  MrSonge Sam 19 Sep 2009 - 10:40

xD... C'est pour cela que je devrais faire cosmonaute, vu que je suis tout le temps dans la lune, la moitié du travail est fait !

Bon alors, là, c'est un passage qui me tient à cœur et qui est assez important, disons psychologiquement, puisque c'est le début d'un virage qui va influencer toute la suite du récit. ^^

Abel Fresnay sortit du bureau de son éditrice avec l'étrange et ambivalente impression d'avoir scellé une excellente affaire d'une part et d'un autre côté, d'avoir marchandé un futur livre comme un produit banal destiné à faire fureur à sa sortie et à se démoder sans tarder. En remontant la rue Sébastien-Bottin puis la rue de Beaune, les mains dans les poches de son imperméable gris au col relevé, une troisième cigarette entre les lèvres, il sentit soudainement une vague brutale de froid lui engourdir les membres et l'âme. Il s'immobilisa au milieu du trottoir et leva lentement les yeux vers le ciel. Quelques nuages à la substance ténue parsemaient l'étendue d'un bleu extrêmement pâle. Le vent les chassaient progressivement vers le levant. L'écrivain reprit sa route et arriva sur le quai Voltaire. A sa droite se trouvait le Pont du Carrousel, à sa gauche le Pont Royal et un peu plus loin le musée d'Orsay dans lequel il n'avait jamais mis les pieds. Il traversa la chaussée, faisant freiner un automobiliste visiblement agacé qui lui signifia d'un geste éloquent son mécontentement. Abel Fresnay n'y prêta pas garde et alla s'accouder à la balustrade qui surplombait un petit port prisonnier entre les deux ponts enjambant la Seine aux deux extrémités du Quai Voltaire. Il écrasa sa cigarette du bout de la chaussure et suivit du regard un bateau-mouche qui glissait lentement dans le sens du courant. Lorsque celui-ci eût disparu derrière l'arcade du pont Royal, il se sentit brutalement désemparé, comme si ce bateau qu'il venait de perdre de vue était quelque chose dont il ne pouvait se séparer sans regret. Il eût soudain l'impression d'entendre le bruit d'une déchirure dans le tissu fragile de son être, une dissonance râpeuse dans l'harmonie schubertienne de son existence. Il lui sembla qu'il était devenu orphelin, non pas de parents, mais de quelque chose de bien plus intime, de quelque chose qui venait de lui être arraché par le monde extérieur et dont il ne parvenait pas à discerner la substance exacte, ne pouvant qu'en constater douloureusement la disparition. Disposant subitement d'une conscience aiguë des tréfonds de son être, il se livra pour la première fois de sa vie à une longue introspection. Comme un homme qui descendrait dans une grotte sombre et inexplorée, il entra en lui en tâtonnant, en hésitant, en s'aventurant à l'aveuglette dans des recoins de son esprit dont il n'avait pas une seule fois, auparavant, soupçonné l'existence.
Abel Fresnay resta courbé sur le mur de pierre jusqu'au soir, les yeux perdus dans le vague, les lèvres entrouvertes et les narines frémissantes. Une brise légère lui caressait le visage et faisait onduler ses cheveux bruns dont certains glissaient parfois lentement le long de son front, jusqu'à ce qu'il les repousse d'un mouvement sec de la tête. Les feuilles des platanes qui bordaient le trottoir s'agitaient au rythme irrégulier du vent qui se faufilait avec un bruissement tendre et discret entre les branches fragiles. Lorsque le soleil couchant commença à baigner le ciel du ponant de lueurs roses et oranges qui semblaient s'épandre des nuées, lorsque le fond du ciel se revêtit de flammes douces et moelleuses, tandis qu'à l'est la lune surgissait lentement au milieu de nuages vaporeux, l'écrivain se redressa enfin et sortit de sa poche son paquet de cigarettes. Il s'en glissa une entre les lèvres, l'alluma, laissa la fumée s'échapper par ses narines et se mit à remonter lentement le long de la Seine. Il traversa le Pont Royal en s'arrêtant plusieurs fois pour regarder couler la rivière, tentant vainement d'en saisir le doux murmure, couvert par le bruit incessant des automobiles circulant derrière lui. Arrivé sur le quai des Tuileries, il hésita quelques instants, puis s'engagea dans le Jardin, qu'il traversa par l'Avenue du Général Lemonnier. Au milieu de celle-ci, il s'immobilisa face à la Pyramide du Louvre. Les lumières venaient d'être allumées, tout au long des façades baroques des différentes ailes, ainsi que dans les entrailles de la splendide construction de verre. La perspective était magnifique. Le palais se détachait parfaitement bien sur le ciel sombre, bleu céladon, la couleur de la turquoise occidentale, engorgée et sulfureuse. La Grande Pyramide resplendissait sous cette voûte tiquetée de nuages discrets, rosis par les lueurs du couchant. Une phrase du regretté Sacha Guitry lui revint en mémoire : "On nous dit que nos rois dépensaient sans compter, qu'ils prenaient notre argent sans prendre nos conseils, mais lorsqu'ils construisaient de semblables merveilles ne nous mettaient-ils pas notre argent de côté?". En observant cette vue irréelle de beauté, cette merveilleuse conciliation de l'art architectural baroque, à la majesté toute classique, et des prouesses de l'architecture moderne, sobre et puissante, il comprit que la mégalomanie des dirigeants, lorsque ceux-ci sont pourvus d'un sens artistique développé, est un cadeau à la nation.
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Message  Pacô Dim 20 Sep 2009 - 14:34

MrSonge a écrit:Abel Fresnay sortit du bureau de son éditrice avec l'étrange et ambivalente impression d'avoir scellé une excellente affaire d'une part et d'un autre côté (j'aurais plus suivi l'expression en mettant: et d'une autre part" non ?), d'avoir marchandé un futur livre comme un produit banal (ou "un banal produit") destiné à faire fureur à sa sortie et à se démoder sans tarder (comme il y a "à sa sortie", j'aurais plus vu un "ensuite"). En remontant la rue Sébastien-Bottin puis la rue de Beaune, les mains dans les poches de son imperméable gris au col relevé, une troisième cigarette entre les lèvres, il sentit soudainement une vague brutale de froid lui engourdir les membres et l'âme. Il s'immobilisa au milieu du trottoir et leva lentement les yeux vers le ciel. Quelques nuages à la substance ténue parsemaient l'étendue d'un bleu extrêmement pâle. Le vent les chassait (rooh aussi belle que d'habitude Razz ) progressivement vers le levant. L'écrivain reprit sa route et arriva sur le quai Voltaire. A sa droite se trouvait le Pont du Carrousel, à sa gauche le Pont Royal et un peu plus loin le musée d'Orsay dans lequel il n'avait jamais mis les pieds. Il traversa la chaussée, faisant freiner un automobiliste visiblement agacé qui lui signifia d'un geste éloquent son mécontentement. Abel Fresnay n'y prêta pas garde et alla s'accouder à la balustrade qui surplombait un petit port prisonnier entre les deux ponts enjambant la Seine aux deux extrémités du Quai Voltaire. Il écrasa sa cigarette du bout de la chaussure et suivit du regard un bateau-mouche qui glissait lentement dans le sens du courant. Lorsque celui-ci eût disparu derrière l'arcade du pont Royal, il se sentit brutalement désemparé, comme si ce bateau qu'il venait de perdre de vue était quelque chose dont il ne pouvait se séparer sans regret. Il eût soudain l'impression d'entendre le bruit d'une déchirure dans le tissu fragile de son être, une dissonance râpeuse dans l'harmonie schubertienne de son existence. Il lui sembla qu'il était devenu orphelin, non pas de parents, mais de quelque chose de bien plus intime, de quelque chose qui venait de lui être arraché par le monde extérieur et dont il ne parvenait pas à discerner la substance exacte, ne pouvant qu'en constater douloureusement la disparition. Disposant subitement d'une conscience aiguë des tréfonds de son être, il se livra pour la première fois de sa vie à une longue introspection. Comme un homme qui descendrait dans une grotte sombre et inexplorée, il entra en lui en tâtonnant, en hésitant, en s'aventurant à l'aveuglette dans des recoins de son esprit dont il n'avait pas une seule fois, auparavant, soupçonné l'existence.
Abel Fresnay resta courbé sur le mur de pierre jusqu'au soir, les yeux perdus dans le vague, les lèvres entrouvertes et les narines frémissantes. Une brise légère lui caressait le visage et faisait onduler ses cheveux bruns dont certains glissaient parfois lentement le long de son front, jusqu'à ce qu'il les repousse d'un mouvement sec de la tête (avec la main, tu as plus de résultat. Parce que le mouvement sec de la tête, ça les fait sauter (tes cheveux) mais ils reviennent dans la demie seconde qui suit XD). Les feuilles des platanes qui bordaient le trottoir s'agitaient au rythme irrégulier du vent qui se faufilait avec un bruissement tendre et discret entre les branches fragiles. Lorsque le soleil couchant commença à baigner le ciel du ponant de lueurs roses et oranges qui semblaient s'épandre des nuées, lorsque le fond du ciel se revêtit de flammes douces et moelleuses (c'est très joli, mais ça fait un peu "trop" pour simplement dire que le soleil se couche, sachant que ce n'est pas le but ultime de ce passage ^^), tandis qu'à l'est la lune surgissait lentement au milieu de nuages vaporeux, l'écrivain se redressa enfin et sortit de sa poche son paquet de cigarettes. Il s'en glissa une entre les lèvres, l'alluma, laissa la fumée s'échapper par ses narines et se mit à remonter lentement le long de la Seine. Il traversa le Pont Royal en s'arrêtant plusieurs fois pour regarder couler la rivière, tentant vainement d'en saisir le doux murmure, couvert par le bruit incessant des automobiles circulant derrière lui. Arrivé sur le quai des Tuileries, il hésita quelques instants, puis s'engagea dans le Jardin, qu'il traversa par l'Avenue du Général Lemonnier. Au milieu de celle-ci, il s'immobilisa face à la Pyramide du Louvre. Les lumières venaient d'être allumées, tout au long des façades baroques des différentes ailes, ainsi que dans les entrailles de la splendide construction de verre. La perspective était magnifique. Le palais se détachait parfaitement bien sur le ciel sombre, bleu céladon, la couleur de la turquoise occidentale, engorgée et sulfureuse. La Grande Pyramide resplendissait sous cette voûte tiquetée de nuages discrets, rosis par les lueurs du couchant. Une phrase du regretté Sacha Guitry lui revint en mémoire : "On nous dit que nos rois dépensaient sans compter, qu'ils prenaient notre argent sans prendre nos conseils, mais lorsqu'ils construisaient de semblables merveilles ne nous mettaient-ils pas notre argent de côté?". En observant cette vue irréelle de beauté, cette merveilleuse conciliation de l'art architectural baroque, à la majesté toute classique, et des prouesses de l'architecture moderne, sobre et puissante, il comprit que la mégalomanie des dirigeants, lorsque ceux-ci sont pourvus d'un sens artistique développé, est un cadeau à la nation.

Ou presque, mais nous ne rentrerons pas dans le débat (au pire, il y a un lieu spécial pour ça et si tu te sens prêt, ouvre-le XD).

Très belle promenade dans Paris à travers son ordinateur dit donc Wink. Tu mentionnes peut être un peu trop le pont royal, mais en même temps, c'est là qu'il rêvasse.
Non, ce qui m'a étonné un peu c'est qu'il puisse marcher comme ça dans le plein Paris alors que c'est une figure de la "littérature" assez célèbre. Comme si un Bernard Werber se promenait dans la rue sans que personne ne lui demande d'autographe. Je sais pas, on dirait que c'est un petit écrivain alors qu'il a quand même pas mal de best-sellers à son actif, non ?

Je ne reviendrais pas sur le caractère un peu trop emphatique du coucher de soleil et sur tout le passage qui l'entoure. C'est très beau, mais ça peut faire un peu "de trop".

Et j'aime !
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Message  MrSonge Dim 20 Sep 2009 - 15:15

Merci encore, merci toujours ! ^^
Je rêve du jour où j'arriverais à poster un passage sans faute d'orthographe, m'est avis que ce n'est pas demain la veille. Embarassed

Pour le coup de la tête, je sais bien, mais en fait je tenais à ce qu'il reste plus où moins immobile, le fait de remettre sa mèche d'une main implique un mouvement de tout le bras et brise un peu cette attitude pétrifiée qu'il conserve tout au long de sa rêverie. Mais bien évidemment, ses cheveux lui retombe sur la gueule, et ça c'est son problème ! xD
Par contre, pour les autographes, j'y ai pas pensé, mais c'est juste, faut que je voie cela. Soit je mentionne le peu de monde dans les rues, histoire de trouver une excuse, soit, eh bien, je rajoute quelques lignes ! ^^

Maintenant, on revient, boum !, sur Philémon Clairambault, l'élève de Fabergé, et on découvre son environnement familial... ^^

Chapitre Sixième


Au moment où Abel Fresnay traversait les Tuileries, Philémon Clairambault poussait la porte d'entrée du grand hall de son immeuble. Il hésita quelques instants face à la cage d'escalier de marbre, puis s'engouffra dans l'ascenseur. Arrivé au troisième, il traversa le couloir et poussa la porte de son appartement. Le jeune homme signala sa présence en criant qu'il était là, et alla poser son sac dans sa chambre, avant de retourner au salon. Il y trouva son père, en costume bleu, un numéro de l'Humanité entre les mains, assis dans le canapé qui faisait face à la grande baie vitrée donnant sur le pied lumineux de la Tour Eiffel. Soigneusement coiffé, les cheveux luisants, il venait de retirer sa cravate, qu'il avait négligemment déposée à côté de lui. Félix Clairambault, quarante trois ans, occupait le poste, convoité par des centaines de petits politiciens arrivistes, de secrétaire d'Etat. Pour y parvenir, il avait bien sûr dû jouer des coudes. Il avait menti, triché, accepté des pots-de-vin, en avait offerts, mais n'avait jamais rien regretté, et ne s'en portait pas plus mal ; plutôt mieux, étant donné le nombre astronomique de zéros qui venaient s'aligner chaque mois derrière un chiffre de plus en plus élevé, sur ses relevés bancaires. Il n'avait jamais fait cas de ces maximes moralistes adjurant d'acclamer l'effort plutôt que le résultat ; au contraire il estimait risible de croire que seul le premier est important. Si le résultat était médiocre, il ne se permettait pas de louer un effort qui n'aura été qu'improductif et uniquement bon à pousser celui qui l'a fourni à faire l'étalage complaisant de son propre échec. Il haïssait la morale démagogique dont les hommes politiques se parent de plus en plus dans l'espoir de passer pour l'exception salvatrice dans un milieu de corrompu. La moralité était pour lui une notion aussi abstraite et arbitraire que le bien ou le mal et dont il ne tenait absolument pas compte lorsqu'il prenait une décision. Etant persuadé de ne vivre qu'une seule fois, ou tout au moins de ne jamais avoir accès à ses vies antérieures, il savait ne disposer d'aucun point de comparaison pour qualifier une action de bonne ou de mauvaise. Partant de là, il tâchait d'agir de telle façon qu'arrivé au terme de son existence, il pourrait dire de sa vie : "Si c'était à refaire, je ne changerais rien." Ainsi, il était prêt, conformément aux théories nietzschéennes, à affronter les insondables et vertigineux abîmes de l'Eternel Retour.
A peine Philémon s'était-il installé dans un fauteuil, face à son père que sa mère passa la tête par la porte de la cuisine pour les informer que le dîner était prêt. Ils se levèrent tous deux et passèrent à table, rapidement rejoints par Ludivine, la soeur aînée du jeune lycéen. Grande,ses cheveux noirs lisses lui recouvrant les omoplates, elle nourrissait une passion grandissante pour la politique et penchait de plus en plus dangereusement vers un socialisme exacerbé, révélateur d'une personnalité humaniste compulsive.
Lorsqu'ils furent tous assis autour de la table, Félix Clairambault se servit copieusement de salade.
« Savez-vous, demanda-t-il en reposant les couverts de plastique vert dans le plat que lui tenait son épouse, que le spectacle réjouissant de la débandade du PS me réjouis de plus en plus ?
- Il n'y a pourtant pas de quoi, répondit Ludivine. La gauche française est en train de sombrer de façon révoltante et inadmissible et cette gabegie semble t'amuser.
- Evidemment que cela m'amuse ! s'exclama son père en riant. Tu ne voudrais tout de même pas que j'en pleure ? Les incohérences de ce parti et de ses membres dirigeants sont de plus en plus fascinantes.
- Il y a tout de même des choses plus importantes que la contemplation complaisante des déboires du Parti Socialiste, non ? demanda Madame Clairambault entre deux bouchées de pain.
- Tout à fait ! lança sa fille. Je n'ose même pas vous donner les chiffres de la hausse du chômage. Le nombre de chômeur a doublé en moins d'un an et ce n'est pas terminé, la tendance n'est pas encore inversée.
- J'ai toujours trouvé effroyable cette manie qu'ont les gens de chercher du travail à cause du salaire. Le travail n'est plus le but lui-même, mais un moyen. Cela explique le peu de finesse qu'ils mettent dans le choix de leur emploi, pourvu qu'il leur rapporte suffisamment pour terminer le mois tranquillement. Travailler sans plaisir est tout de même assez vulgaire.
- Mais c'est proprement scandaleux, ce que tu dis là ! s'insurgea la jeune fille. Tout le monde n'a pas la chance de pouvoir choisir son travail comme tu choisis une pâtisserie dans la vitrine du confiseur. C'est une nécessité, le travail, un moyen de survie.
- L'homme véritable se rit de sa santé et de ses besoins lorsqu'il est question de faire face au pire vice qui soit au monde : l'ennui. Or, tout ce qui est vulgaire ne peut et ne doit être qu'ennuyeux. »
Placé en bout de table, Philémon observait leur différent, laissant son regard errer lentement de sa soeur qui gesticulait, visiblement révoltée, à son père qui répliquait avec calme, tout en vidant rapidement son assiette. Félix Clairambault faisait preuve d'un cynisme déconcertant et pourtant le jeune homme ne parvenait pas à s'empêcher de discerner un fond de vérité dans chacune des considérations qui semblaient scandaliser Ludivine.
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Message  Pacô Dim 20 Sep 2009 - 19:05

Je te corrigerai ça surement mercredi soir Wink ...

Enfin peut être pas qui sait, mais sait-on jamais ^^'.
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Message  MrSonge Dim 20 Sep 2009 - 19:12

Ça ne presse pas !! Ça me donnera le temps de me relire une enième fois, sait-on jamais ? >.<
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Message  Pacô Dim 20 Sep 2009 - 20:43

MrSonge a écrit:
Chapitre Sixième

Au moment où Abel Fresnay traversait les Tuileries, Philémon Clairambault poussait la porte d'entrée du grand hall de son immeuble. Il hésita quelques instants face à la cage d'escalier de marbre, puis s'engouffra dans l'ascenseur. Arrivé au troisième, il traversa le couloir et poussa la porte de son appartement. Le jeune homme signala sa présence en criant qu'il était là, et alla poser son sac dans sa chambre, avant de retourner au salon. Il y trouva son père, en costume bleu, un numéro de l'Humanité entre les mains, assis dans le canapé qui faisait face à la grande baie vitrée donnant sur le pied lumineux de la Tour Eiffel (ça fait un peu grosse énumération u__u"). Soigneusement coiffé, les cheveux luisants, il venait de retirer sa cravate, qu'il avait négligemment déposée à côté de lui. Félix Clairambault, quarante trois ans, occupait le poste, convoité par des centaines de petits politiciens arrivistes, de secrétaire d'Etat. Pour y parvenir, il avait bien sûr dû jouer des coudes. Il avait menti, triché, accepté des pots-de-vin, en avait offert (la règle du COD placé avant pour l'auxiliaire avoir qui s'accorde avec le participe passé ... ne fonctionne pas avec "en" ^^), mais n'avait jamais rien regretté, et ne s'en portait pas plus mal ; plutôt mieux, étant donné le nombre astronomique de zéros qui venaient s'aligner chaque mois derrière un chiffre de plus en plus élevé, sur ses relevés bancaires. Il n'avait jamais fait cas de ces maximes moralistes, adjurant d'acclamer l'effort plutôt que le résultat ; au contraire il estimait risible de croire que seul le premier est important. Si le résultat (une répétition acceptable mais que j'aime pas des masses => "bilan") était médiocre, il ne se permettait pas de louer un effort qui n'aura été qu'improductif et uniquement bon à pousser celui qui l'a fourni à faire l'étalage complaisant de son propre échec. Il haïssait la morale démagogique dont les hommes politiques se parent de plus en plus dans l'espoir de passer pour l'exception salvatrice dans un milieu de corrompus. La moralité était pour lui une notion aussi abstraite et arbitraire que le bien ou le mal et dont il ne tenait absolument pas compte lorsqu'il prenait une décision. Étant persuadé de ne vivre qu'une seule fois, ou tout au moins de ne jamais avoir accès à ses vies antérieures, il savait ne disposer d'aucun point de comparaison pour qualifier une action de bonne ou de mauvaise. Partant de là, il tâchait d'agir de telle façon qu'arrivé au terme de son existence, il pourrait dire de sa vie : "Si c'était à refaire, je ne changerais rien." Ainsi, il était prêt, conformément aux théories nietzschéennes, à affronter les insondables et vertigineux abîmes de l'Éternel Retour.
A peine Philémon s'était-il installé dans un fauteuil, face à son père que sa mère passa la tête par la porte de la cuisine pour les informer que le dîner était prêt. Ils se levèrent tous deux et passèrent à table, rapidement rejoints par Ludivine, la sœur aînée du jeune lycéen. Grande, [espace] ses cheveux noirs lisses lui recouvrant les omoplates, elle nourrissait une passion grandissante pour la politique et penchait de plus en plus dangereusement vers un socialisme exacerbé, révélateur d'une personnalité humaniste compulsive.
Lorsqu'ils furent tous assis autour de la table, Félix Clairambault se servit copieusement de salade.
« Savez-vous, demanda-t-il en reposant les couverts de plastique vert dans le plat que lui tenait son épouse, que (pour éviter ce double "que " dérangeant j'aurais mis "savez-vous que" ... ça se remarque moins ^^) le spectacle réjouissant de la débandade du PS me réjouit de plus en plus ?
- Il n'y a pourtant pas de quoi, répondit Ludivine. La gauche française est en train de sombrer de façon révoltante et inadmissible et cette gabegie semble t'amuser.
- Évidemment que cela m'amuse ! s'exclama son père en riant. Tu ne voudrais tout de même pas que j'en pleure ? Les incohérences de ce parti et de ses membres dirigeants sont de plus en plus fascinantes.
- Il y a tout de même des choses plus importantes que la contemplation complaisante des déboires du Parti Socialiste, non ? demanda Madame Clairambault entre deux bouchées de pain.
- Tout à fait ! lança sa fille. Je n'ose même pas vous donner les chiffres de la hausse du chômage. Le nombre de chômeurs a doublé en moins d'un an et ce n'est pas terminé, la tendance n'est pas encore inversée.
- J'ai toujours trouvé effroyable cette manie qu'ont les gens de chercher du travail à cause du salaire. Le travail n'est plus le but lui-même, mais un moyen. Cela explique le peu de finesse qu'ils mettent dans le choix de leur emploi, pourvu qu'il leur rapporte suffisamment pour terminer le mois tranquillement. Travailler sans plaisir est tout de même assez vulgaire.
- Mais c'est proprement scandaleux, ce que tu dis là ! s'insurgea la jeune fille. Tout le monde n'a pas la chance de pouvoir choisir son travail comme tu choisis une pâtisserie dans la vitrine du confiseur. C'est une nécessité, le travail, un moyen de survie.
- L'homme véritable se rit de sa santé et de ses besoins lorsqu'il est question de faire face au pire vice qui soit au monde : l'ennui. Or, tout ce qui est vulgaire ne peut et ne doit être qu'ennuyeux. »
Placé en bout de table, Philémon observait leur différend, laissant son regard errer lentement de sa sœur qui gesticulait, visiblement révoltée, à son père qui répliquait avec calme, tout en vidant rapidement son assiette. Félix Clairambault faisait preuve d'un cynisme déconcertant et pourtant le jeune homme ne parvenait pas à s'empêcher de discerner un fond de vérité dans chacune des considérations qui semblaient scandaliser Ludivine.

Ils sont sympa les dîners en famille. Mon petit reproche, ce serait qu'il fait un peu trop là tout de suite, sans petite paroles introductives ... mais c'est pas si dérangeant que ça.
J'aime beaucoup la personnalité de Félix. Je ne la partage pas, mais j'aime la façon dont tu l'abordes et dont tu l'expliques.

L'histoire se passe donc actuellement ? Pour que la PS se casse la gueule, mais places-tu par exemple le président Sarko ? Ou vas-tu rester évasif sur les "gros" politiques actuels ? (parce que sinon, il faut y aller avec des pincettes ^^).

Pour les autographes du passage précédent, tu peux aussi lui faire mettre un chapeau dans une rue plutôt calme, pour être sur qu'il n'y ait aucun trouble fête qui vienne l'accoster pendant sa méditation u__u".
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Message  MrSonge Lun 21 Sep 2009 - 7:51

(la règle du COD placé avant pour l'auxiliaire avoir qui s'accorde avec le participe passé ... ne fonctionne pas avec "en" ^^),
Maismais, comment tu sais tout cela ? T'as bouffé un Bescherelle sauce béchamelle, hein, avoue ?! Shocked

Quant à la politique, non, je vais rester très évasif parce qu'en fait c'est juste que je voulais montrer une atmosphère familiale qui, sans être hostile, sois suffisamment différente de la personnalité de Philémon (qui se fout éperdument de politique) pour qu'il soit un peu mis à l'écart, ce qui sera important par la suite. ^^

Oui, un chapeau, ou une cagoule... Razz
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Message  Pacô Mer 23 Sep 2009 - 18:50

MrSonge a écrit:
Maismais, comment tu sais tout cela ? T'as bouffé un Bescherelle sauce béchamelle, hein, avoue ?! Un Goût Amer - Page 3 Icon_eek

Non, une maman prof de français. Tu t'imagines ce que je ramassais au lieu de téter le sein moi ... Rolling Eyes

Sinon, okay pour le passage politique. En gros, tu nous dégoutes bien de la politique au départ pour bien montrer que Philémon n'aime pas non plus ? xD

Bon voyons la suite alors !
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Message  MrSonge Mer 23 Sep 2009 - 19:01

Damnède, des biberons de Bescherelle bouilli pour remplacer le lolo... Au moins c'est efficace !!

C'est exactement ça, enfin c'est plus pour montrer sa relative marginalité dans la famille que véritablement son dégout de la politique. J'aurais pu prendre un autre sujet, faire sa famille fan de pêche à la ligne, mais je me suis dit que la politique, c'est pas mal aussi... ^^

Pour la suite, il ya un passage sur Philémon dans sa chambre, un digression sur Molière dont je ne suis pas content, donc je me permet de la sauter (elle n'apporte rien à l'action) et mettre directement la suite. ^^


Arrivé à la fin de cette scène, Philémon Clairambault referma son livre après y avoir glissé un marque-page cartonné. Il se mit lentement debout, retourna au salon, s'empara de la commande de la télévision et alluma le poste en se laissant tomber dans un fauteuil. Il avait noté la veille qu'Arte diffusait une série d'interviews de Louis-Ferdinand Céline et s'était promis de ne pas en manquer un seul épisode. A l'instant même où il parvenait à trouver la chaîne, Ludivine fit bruyamment irruption dans le salon. Voyant son frère installé face à l'écran, elle poussa un braillement de contestation, se précipita vers lui et lui arracha la télécommande des mains. Elle changea immédiatement de chaîne sans lui demander son avis, et s'installa sur le canapé.
« Cela fait deux jours que j'ai prévenu tout le monde que je tenais absolument (elle détacha les quatre syllabes du mot de façon presque grotesque) à suivre le débat entre le représentant du PS et Bernard-Henri Levint .
- Voilà un débat bien fastidieux qui s'annonce, claironna Félix Clairambault en pénétrant dans la pièce. Ce brave homme est tout juste capable de porter l'ennui à son paroxysme en donnant son avis sur une myriade de sujets à propos desquels il n'a absolument rien à dire. La seule chose dont il sache parler, c'est sa propre personne, mais elle est tellement ennuyeuse en soi qu'il n'y a rien à tirer du bonhomme, sinon un manifeste du nombrilisme, peut-être.
- Tu es injuste, rétorqua la sa fille. Bernard-Henri Levint est un philosophe renommé pour son engagement politique et son humanisme.
- Un philosophe n'a pas de préférence politique. Chez un philosophe, une préférence politique est un maniérisme impardonnable.
- Paraphrase de Wilde, murmura Philémon.
Son père lui adressa un clin d'oeil discret puis se retourna vers Ludivine.
- Comment voudrais-tu qu'un homme se prétende à la fois philosophe, à la fois politicien et à la fois de gauche ? demanda-t-il. C'est tellement antinomique que ça en est inepte. Surtout que ce guignol n'est pas plus philosophe que sa chemise blanche n'est mal repassée. Il est beaucoup trop moral et trop humaniste pour faire un bon philosophe ; au mieux pourrait-il se lancer définitivement dans la politique s'il avait des talents d'acteur raté. »
Philémon se leva, les laissant à leurs chamailleries, et retourna s'enfermer dans sa chambre.

Chapitre Septième


Assis dans un confortable fauteuil au tissu vert, Nicéphor Fabergé sirotait tranquillement un thé noir tout en écoutant avec ravissement sa version favorite de La Traviata de Verdi. Il s'agissait de celle de Maria Callas, Giuseppe di Stephano, accompagnés par l'orchestre de la Scala, sous la baguette de Giulini. Même si l'enregistrement n'était pas de toute première qualité - il remontait à 1955 -, la perfection de la voix de la Callas, intacte, parvenait à transcender le moindre petit air en forme de valse, en apparence badin, presque simplet, mais qui prenait là toute son ampleur et toute sa profondeur. Fabergé avait toujours préféré Verdi à Puccini, et de loin. L'apparente simplicité du premier, sa poésie sublime, sa sensibilité délicate, son génie mélodique le touchait infiniment plus que les envolées lyriques bruyantes, la boursouflure et la grandiloquence du second. Seuls quelques airs de Tosca, Turandot et le petit bijou qu'est la pièce pour quatuor Crisantemi trouvaient grâce à ses yeux. Même si La Traviata n'était pas son opéra de Verdi favori, il ne s'en était jamais lassé. Au fil de ses multiples écoutes, il découvrait chaque fois un détail sublime qui lui avait échappé, il écoutait avec plus d'attention le contours vif ou nostalgique d'une mélodie toute mozartienne dans l'âme, il respirait avec plus de plaisir les douces et enivrantes effluves du parfum merveilleux d'un romantisme unique, tendre et intérieur, comparable à Chopin pour l'inspiration mélodique divine, à Mozart pour l'instinct scénique inné et à toute épreuve. Le prélude du troisième acte en particulier, l'émouvait tout autant après la centième écoute. Il lui semblait trouver là la plus émouvante et la plus harmonieuse expression du charme incroyable de cet opéra. Le dessin de la mélodie sinueuse, flottante, libérée des supports habituels, dont le développement était tout nouveau chez Verdi, lui rappelait la variété incroyable des directions que le génie du grand italien pouvait prendre. La courte introduction du hautbois à l'air magnifique Addio, Del Passato, à elle seule, le transportait dans un autre monde. Un monde réduit à l'essentiel, dans lequel une phrase de quinze notes, confiée à un hautbois plaintif, peut contenir toute le tragique et la douleur d'une vie entière, d'une vie brisée comme celle de Violetta.

Lorsqu'il eût atteint la fin du second acte, à l'endroit où le premier disque se terminait, il s'extirpa de son fauteuil et traversa le salon, jusqu'à la chaîne stéréophonique. En saisissant le CD qu'il venait de faire sortir de l'appareil, il aperçu un petit post-it jaune qui avait glissé sous un ampli. Il le ramassa et déchiffra en plissant les yeux sa propre écriture brouillonne : c'était le numéro d'Ernest Malesherbe, qu'il lui avait donné en le quittant sur son perron. «Appelez moi donc un de ses jours, j'aurais grand plaisir à discuter plus longuement avec vous » avait-il précisé. Fabergé laissa un vague sourire flotter sur son visage quelques instants puis se saisit du combiné téléphonique. L'entretien fut bref, le critique était heureux que le jeune enseignant reprenne contact avec lui et il l'invita à passer le jeudi suivant à son appartement.
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Message  Pacô Sam 26 Sep 2009 - 10:27

MrSonge a écrit:
Arrivé à la fin de cette scène, Philémon Clairambault referma son livre après y avoir glissé un marque-page cartonné. Il se mit lentement debout, retourna au salon, s'empara de la commande de la télévision et alluma le poste en se laissant tomber dans un fauteuil. Il avait noté la veille qu'Arte diffusait une série d'interviews de Louis-Ferdinand Céline et s'était promis de ne pas en manquer un seul épisode. A l'instant même où il parvenait à trouver la chaîne, Ludivine fit bruyamment irruption dans le salon. Voyant son frère installé face à l'écran, elle poussa un braillement de contestation, se précipita vers lui et lui arracha la télécommande des mains. Elle changea immédiatement de chaîne sans lui demander son avis, et s'installa (répétition=> "s'allongea" ou "s'étendit") sur le canapé.
« Cela fait deux jours que j'ai prévenu tout le monde que je tenais absolument (elle détacha les quatre syllabes du mot de façon presque grotesque) à suivre le débat entre le représentant du PS et Bernard-Henri Levint .
- Voilà un débat bien fastidieux qui s'annonce, claironna Félix Clairambault en pénétrant dans la pièce. Ce brave homme est tout juste capable de porter l'ennui à son paroxysme en donnant son avis sur une myriade de sujets à propos desquels il n'a absolument rien à dire. La seule chose dont il sache parler, c'est sa propre personne, mais elle est tellement ennuyeuse en soi qu'il n'y a rien à tirer du bonhomme, sinon un manifeste du nombrilisme, peut-être.
- Tu es injuste, rétorqua la sa fille. Bernard-Henri Levint est un philosophe renommé pour son engagement politique et son humanisme.
- Un philosophe n'a pas de préférence politique. Chez un philosophe, une préférence politique est un maniérisme impardonnable. (doit-on mentionner qu'un philosophe aux abords d'un pouvoir politique, c'est quasi du jamais vu aussi ? Le dernier en date, ce serait pas Socrate ? Le même qui s'est fait balancer dans un bateau et racheter in-extremis avant de plonger dans l'esclavage ? ^^ Sauf si tu parles d'apprenti philosophe.)
- Paraphrase de Wilde, murmura Philémon.
Son père lui adressa un clin d'œil discret puis se retourna vers Ludivine.
- Comment voudrais-tu qu'un homme se prétende à la fois philosophe, à la fois politicien et à la fois de gauche ? demanda-t-il. C'est tellement antinomique que ça en est inepte. Surtout que ce guignol n'est pas plus philosophe que sa chemise blanche n'est mal repassée. Il est beaucoup trop moral et trop humaniste pour faire un bon philosophe ; au mieux pourrait-il se lancer définitivement dans la politique s'il avait des talents d'acteur raté. »
Philémon se leva, les laissant à leurs chamailleries, et retourna s'enfermer dans sa chambre.

Chapitre Septième

Assis dans un confortable fauteuil au tissu vert, Nicéphor Fabergé sirotait tranquillement un thé noir tout en écoutant avec ravissement sa version favorite de La Traviata de Verdi. Il s'agissait de celle de Maria Callas, Giuseppe di Stephano, accompagnée par l'orchestre de la Scala, sous la baguette de Giulini. Même si l'enregistrement n'était pas de toute première qualité - il remontait à 1955 -, la perfection de la voix de la Callas, intacte, parvenait à transcender le moindre petit air en forme de valse, en apparence badin, presque simplet, mais qui prenait là toute son ampleur et toute sa profondeur. Fabergé avait toujours préféré Verdi à Puccini, et de loin. L'apparente simplicité du premier, sa poésie sublime, sa sensibilité délicate, son génie mélodique le touchait infiniment plus que les envolées lyriques bruyantes, la boursouflure et la grandiloquence du second. Seuls quelques airs de Tosca, Turandot et le petit bijou qu'est la pièce pour quatuor Crisantemi trouvaient grâce à ses yeux. Même si La Traviata n'était pas son opéra de Verdi favori, il ne s'en était jamais lassé. Au fil de ses multiples écoutes, il découvrait chaque fois un détail sublime qui lui avait échappé, il écoutait avec plus d'attention le contour vif ou nostalgique d'une mélodie toute mozartienne dans l'âme, il respirait avec plus de plaisir les doux et enivrants effluves (effluve est un nom masculin) du parfum merveilleux d'un romantisme unique, tendre et intérieur, comparable à Chopin pour l'inspiration mélodique divine, à Mozart pour l'instinct scénique inné et à toute épreuve. Le prélude du troisième acte en particulier, l'émouvait tout autant après la centième écoute (un peu trop d'écoute non ? =/. => pour le second, essaie de voir avec: "il prêtait/dressait l'oreille avec plus d'attention ...". Pour écoute, j'ai rien sous la main pour l'instant, mis à part une reformulation. Mais si vraiment tu n'y arrives pas (ce dont je doute ^^) redemande-moi). Il lui semblait trouver là la plus émouvante et la plus harmonieuse expression du charme incroyable de cet opéra. Le dessin de la mélodie sinueuse, flottante, libérée des supports habituels, dont le développement était tout nouveau chez Verdi, lui rappelait la variété incroyable des directions que le génie du grand italien pouvait prendre. La courte introduction du hautbois à l'air magnifique Addio, Del Passato, à elle seule, le transportait dans un autre monde. Un monde réduit à l'essentiel, dans lequel une phrase de quinze notes, confiée à un hautbois plaintif, peut contenir toute le tragique et la douleur d'une vie entière, d'une vie brisée comme celle de Violetta.

Lorsqu'il eût atteint la fin du second acte, à l'endroit où le premier disque se terminait, il s'extirpa de son fauteuil et traversa le salon, jusqu'à la chaîne stéréophonique. En saisissant le CD qu'il venait de faire sortir de l'appareil, il aperçu un petit post-it jaune qui avait glissé sous un ampli. Il le ramassa et déchiffra en plissant les yeux sa propre écriture brouillonne : c'était le numéro d'Ernest Malesherbe, qu'il lui avait donné en le quittant sur son perron. «Appelez moi donc un de ses jours, j'aurais grand plaisir à discuter plus longuement avec vous » avait-il précisé. Fabergé laissa un vague sourire flotter sur son visage quelques instants puis se saisit du combiné téléphonique. L'entretien fut bref, le critique était heureux que le jeune enseignant reprenne contact avec lui et il l'invita à passer le jeudi suivant à son appartement.

Sur le passage musical, peut être encore une fois un peu emphatique, je ne peux décidément rien critiquer étant donné que je suis pas vraiment un grand expert de ce genre là.
Néanmoins, c'est présenté avec pas mal de style ... ça donne envie d'écouter quoi *-*.

Pour le début, la dispute fille/papa frise presque le ridicule. Est-ce fait exprès ? (oui je le pense ^^). Donc si c'est voulu, je ne rajoute rien.
Un truc par contre qui me perturbe: pour un papa qui a un bon poste administratif assez prenant (assez conséquent) je le trouve un peu trop présent à la maison et pas assez à son cabinet. Non ?
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Message  MrSonge Sam 26 Sep 2009 - 10:35

(doit-on mentionner qu'un philosophe aux abords d'un pouvoir politique, c'est quasi du jamais vu aussi ? Le dernier en date, ce serait pas Socrate ? Le même qui s'est fait balancer dans un bateau et racheter in-extremis avant de plonger dans l'esclavage ? ^^ Sauf si tu parles d'apprenti philosophe.)
Oui mais je l'entendais dans le sens d'un philosophe qui se mêle de politique. Et ça, depuis Sartre, c'est plus que courant, et ils sont de plus en plus politiques et de moins en moins philosophes, c'est zigotos-là ! Razz

Par contre pour le ridicule de la dispute, l'effet est voulu mais heu, à la réflexion, je crois que j'ai abusé un peu >.<
Je vais revoir ce passage-là, je pense.

Pour le poste, je ne sais pas, il faudrait que je mentionne peut-être que c'est par exemple son jour de congé, où alors que je le fasse sortir de son bureau plein de paperasse à un moment ou à un autre (par exemple quand il arrive devant la télévision). Je vais revoir cela aussi !

Merci beaucoup pour toutes ces corrections et suggestions !!
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Message  MrSonge Mer 30 Sep 2009 - 16:15

Je suis entrain de corriger le passage précédent que je remettrais sans doute une fois entièrement revu, mais en attendant, la suite !

C'est ainsi que, deux jours plus tard, en sortant du lycée, Nicéphor Fabergé partit dans la direction opposée à celle qu'il avait l'habitude de prendre pour rentrer chez lui. Lorsqu'il arriva Place des Vosges, il s'arrêta devant le numéro six, dont le second étage avait été habité par Victor Hugo. Le jeune homme resta songeur quelques instants puis obliqua dans la rue des Francs-Bourgeois. Il atteint rapidement le bâtiment qui lui avait été indiqué et chercha le nom d'Ernest Malesherbe parmi ceux des différents locataires, avant de presser le bouton-poussoir correspondant. On lui répondit presque instantanément et dès qu'il se fut annoncé, la porte fut déverrouillée. Fabergé la poussa et pénétra dans un grand hall, sur les dalles duquel ses pas résonnaient. Arrivé sur le pallier du premier, il se dirigea droit vers une porte située au fond du couloir. Elle lui fut ouverte par le professeur de philosophie, en bras de chemise. Ils se serrèrent la main et Nicéphor Fabergé pénétra dans le luxueux appartement. L'effet fut immédiat. Ce fut comme si une brèche s'était ouverte dans le temps et qu'il venait de s'introduire dans une sorte de sanctuaire vierge de toute souillure du monde contemporain. Entrer dans ce lieu lui donna l'impression étrange de s'extirper d'un bourbier pour planer sereinement dans un ciel limpide et pur.
Le vestibule était une véritable invitation à s'enfoncer plus avant dans cet antre délicieux, repère du Bon Goût et du charme discret. L'ameublement était sobre sans être froid et rebutant comme les trop fréquents aménagements zen, d'un snobisme écoeurant. Chaque angle de la pièce semblait vouloir rappeler au visiteur que le luxe et l'élégance ne sont absolument pas dépendants l'un de l'autre. Le premier est une affaire d'argent, alors que l'élégance est une question d'éducation, disait déjà Sacha Guitry. Il n'y avait, dans tout l'appartement, aucun étalage complaisant de richesse. Une simple recherche de la beauté là ou elle se trouve, sans qu'aucune considération pécuniaire n'entre en ligne de compte.
Deux commodes Napoléon III se faisaient face, l'une surmontée d'un miroir au fin cadre d'or. Au-dessus de l'autre était suspendue une excellente reproduction d'un portrait peu connu, peint par Ingres lors de son long séjour à Rome, en 1807, et représentant la belle Antonia Duvaucey De Nittis. Cette toile magnifique par son mélange de géométrie savante, de tendre féminité et ses accessoires de mode avait déjà suscité l'admiration de Théophile Gautier, qui en avait exalté la perfection vingt an après sa réalisation.
« J'aime particulièrement ce portrait, expliqua Malesherbe lorsqu'il vit que son visiteur avait le regard rivé sur le tableau. Cette femme est d'une beauté divine et la symétrie parfaite de son visage est tout à fait remarquable. Observez cette bouche mince et fine comme une bouche de pierre du Bernin, ce sourire doux et sérieux à la fois, inconnu en France. Les yeux magnifiquement enchâssés sont d'une limpidité sans exemple ; toute la tête vit et remue. En règle générale, les portraits d'Ingres sont autant de petits bijoux. Il aura sans doute été le seul français de tout le XIXe à savoir faire de véritables portraits, c'est-à-dire la reconstruction idéale des individus. Savez-vous qu'il disait lui-même que les « maudits portraits l'empêchaient toujours de marcher aux grandes choses qu'il ne pouvait faire plus vite, tant un portrait est une chose difficile». Ne croyez pas qu'il aura méprisé ce genre. Il aura plutôt redouté de s'y colleter. La preuve en est l'imagination phénoménale qu'il déploya dans les portraits féminins des années 1840-1845. Ingres applique plus volontiers son talent aux femmes - le portrait de Monsieur Bertin excepté - qu'aux hommes. Il les peint telles qu'il les voit, à tel point que l'on pourrait songer qu'il les aime trop pour les changer ; il suit les plus légères ondulations de leurs lignes avec une servilité d'amoureux. Les deux Odalisques, pour ne citer qu'elles, sont des oeuvres d'une volupté profonde.
- Vous citez quelque peu librement Baudelaire, si je ne m'abuse, fit remarquer Fabergé, amusé.
- Rien ne vous échappe, constata son hôte en souriant. J'avais en effet en tête un passage de son compte-rendu du salon de 1846. Vous lisez trop, monsieur Fabergé, on ne peut plus se permettre impunément le moindre plagiat en votre présence.
- N'exagérons rien. J'apprécie particulièrement Baudelaire, voilà tout.
- Noir assassin de la Vie et de l'Art,/Tu ne tueras jamais dans ma mémoire/..., récita Malesherbe, les yeux perdus dans le vague.
- ... Celle qui fut mon plaisir et ma gloire, compléta le jeune homme. Le dernier tercet du Portrait.
- Vous connaissez votre Baudelaire autant que vous semblez l'apprécier. Venez, passons au salon.»
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Message  Pacô Ven 2 Oct 2009 - 19:13

MrSonge a écrit:
C'est ainsi que, deux jours plus tard, en sortant du lycée, Nicéphor Fabergé partit dans la direction opposée à celle qu'il avait l'habitude de prendre (j'sais pas, j'ai eu le coup de foudre pour "emprunter" à la place de prendre) pour rentrer chez lui. Lorsqu'il arriva Place des Vosges, il s'arrêta devant le numéro six, dont le second étage avait été habité par Victor Hugo. Le jeune homme resta songeur quelques instants puis obliqua dans la rue des Francs-Bourgeois. Il atteint rapidement le bâtiment qui lui avait été indiqué et chercha le nom d'Ernest Malesherbe parmi ceux des différents locataires, avant de presser le bouton-poussoir correspondant. On lui répondit presque instantanément et dès qu'il se fut annoncé, la porte fut déverrouillée. Fabergé la poussa et pénétra dans un grand hall, sur les dalles duquel (euh ... ce serait pas plutôt genre "desquelles") ses pas résonnaient. Arrivé sur le palier du premier, il se dirigea droit vers une porte située au fond du couloir. Elle lui fut ouverte par le professeur de philosophie, en bras de chemise. Ils se serrèrent la main et Nicéphor Fabergé pénétra dans le luxueux appartement. L'effet fut immédiat. Ce fut (c'est pas pour faire le rabat-joie ... mais j'ai l'impression qu'il y a un peu trop de "être" au passé simple là) comme si une brèche s'était ouverte dans le temps et qu'il venait de s'introduire dans une sorte de sanctuaire vierge de toute souillure du monde contemporain. Entrer dans ce lieu lui donna l'impression étrange de s'extirper d'un bourbier pour planer sereinement dans un ciel limpide et pur.
Le vestibule était une véritable invitation à s'enfoncer plus avant dans cet antre délicieux, repère du Bon Goût et du charme discret. L'ameublement était sobre sans être froid et rebutant comme les trop fréquents aménagements zen, d'un snobisme écœurant. Chaque angle de la pièce semblait vouloir rappeler au visiteur que le luxe et l'élégance ne sont absolument pas dépendants l'un de l'autre. Le premier est une affaire d'argent, alors que l'élégance est une question d'éducation, disait déjà Sacha Guitry. Il n'y avait, dans tout l'appartement, aucun étalage complaisant de richesse(s). Une simple recherche de la beauté là où elle se trouve, sans qu'aucune considération pécuniaire n'entre en ligne de compte.
Deux commodes Napoléon III se faisaient face, l'une surmontée d'un miroir au fin cadre d'or. Au-dessus de l'autre était suspendue une excellente reproduction d'un portrait peu connu, peint par Ingres lors de son long séjour à Rome, en 1807, et représentant la belle Antonia Duvaucey De Nittis. Cette toile magnifique par son mélange de géométrie savante, de tendre féminité et ses accessoires de mode avait déjà suscité l'admiration de Théophile Gautier, qui en avait exalté la perfection vingt ans après sa réalisation ("plus tard" ça comprend "après sa réalisation" et c'est plus joli).
« J'aime particulièrement ce portrait, expliqua Malesherbe lorsqu'il vit que son visiteur avait le regard rivé sur le tableau. Cette femme est d'une beauté divine et la symétrie parfaite de son visage est tout à fait remarquable. Observez cette bouche mince et fine comme une bouche de pierre du Bernin, ce sourire doux et sérieux à la fois, inconnu en France. Les yeux magnifiquement enchâssés sont d'une limpidité sans exemple ; toute la tête vit et remue. En règle générale, les portraits d'Ingres sont autant de petits bijoux. Il aura sans doute été le seul français de tout le XIXe à savoir faire de véritables portraits, c'est-à-dire la reconstruction idéale des individus. Savez-vous qu'il disait lui-même que les « maudits portraits l'empêchaient toujours de marcher aux grandes choses qu'il ne pouvait faire plus vite, tant un portrait est une chose difficile» ? Ne croyez pas qu'il aura méprisé ce genre. Il aura plutôt redouté de s'y colleter (se colleter, ça a pas plus le sens de se débattre, se défendre ?). La preuve en est l'imagination phénoménale qu'il déploya dans les portraits féminins des années 1840-1845. Ingres applique plus volontiers son talent aux femmes - le portrait de Monsieur Bertin excepté - qu'aux hommes. Il les peint telles qu'il les voit, à tel (répétition pas très fameuse) point que l'on pourrait songer qu'il les aime trop pour les changer ; il suit les plus légères ondulations de leurs lignes avec une servilité d'amoureux. Les deux Odalisques, pour ne citer qu'elles, sont des œuvres d'une volupté profonde.
- Vous citez quelque peu librement Baudelaire, si je ne m'abuse, fit remarquer Fabergé, amusé.
- Rien ne vous échappe, constata son hôte en souriant. J'avais en effet en tête un passage de son compte-rendu du salon de 1846. Vous lisez trop, monsieur Fabergé, on ne peut plus se permettre impunément le moindre plagiat (je sais pas pourquoi, mais dans sa façon de parler, je vois mal plagiat sortir de sa bouche ... par contre, "calque", je le verrais mieux) en votre présence.
- N'exagérons rien. J'apprécie particulièrement Baudelaire, voilà tout.
- Noir assassin de la Vie et de l'Art,/Tu ne tueras jamais dans ma mémoire/..., récita Malesherbe, les yeux perdus dans le vague.
- ... Celle qui fut mon plaisir et ma gloire, compléta le jeune homme. Le dernier tercet du Portrait.
- Vous connaissez votre Baudelaire autant que vous semblez l'apprécier. Venez, passons au salon.»

Ah les deux répliques de la fin me font un peu l'effet cu-cul ... j'ai vu que t'as essayé de bien les placer, mais ... ça donne un air "j'ai voulu absolument les insérer dans le dialogue, et tous les moyens sont bons pour y parvenir".
Je ne sais pas, ça donne un arrière goût de "fait bien exprès, un peu trop même".

Ceci dit ... belle analyse d'un peintre que je ne connaissais fichtrement point. Mais c'est toujours agréable de découvrir des artistes comme ceux-là.
Spoiler:

Mais je précise que je ne suis pas tout à fait d'accord avec le prof de philo (avec toi aussi peut être ? \o/) puisque je trouve justement ce portrait pas assez approfondi ... trop simple (mais c'était un peu l'état brut qui était recherché).

Bon belle amorce pour la rencontre des deux protagonistes cultivés du roman. On peut reconnaître que tu sais caractériser et donner de l'intellect à tes persos toi au moins.

Suite ? Smile
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Message  MrSonge Dim 4 Oct 2009 - 19:12

Fabergé la poussa et pénétra dans un grand hall, sur les dalles duquel (euh ... ce serait pas plutôt genre "desquelles")

Je ne crois pas. C'est les dalles du halle => duquel. Non ?

(se colleter, ça a pas plus le sens de se débattre, se défendre ?).
Le mot est de Baudelaire. ^^ Mais il signifie "saisir quelqu'un au collet en le terrassant." Donc au figuré, ça joue, je crois. ^^

Par contre... je vois pas trop "calque". C'est n'est pas du tout un synonyme de plagiat, à ma connaissance...si ?

Ah, désolé, mais je suis tout à fait d'accord avec Malesherbe (et Baudelaire, et Gautier). xD
Ingres est le seule portraitiste français vraiment génial. Je ne sais pas ce que tu entends par "approfondi" mais ce portrait est, comme tous les Ingres, des plus travaillés et si tu as une impression de simplicité, alors c'est que cette femme devait l'être, puisque les portraits de Ingres nous mettent véritablement en présence de la personnalité peinte. Razz
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Message  MrSonge Dim 4 Oct 2009 - 19:17

Suite of zeu rencontre :

L'impression qui avait saisi Fabergé dans le vestibule se renforça lorsqu'il pénétra au salon. Il s'immobilisa sur le seuil et fit des yeux le tour de la pièce, lumineuse et spacieuse. Plusieurs reproductions de toiles célèbres étaient suspendues aux murs : Magritte, Moreau, Claez (une nature morte magnifique), Gericault (une tête de cheval, vivante et presque humaine) et Rembrandt (un splendide portrait de sa vieille mère, toute ridée et recroquevillée). Etrangement, aucun impressionniste.
Les deux hommes prirent place autour d'une table basse en verre, Nicéphor Fabergé installé sur un canapé en tissu clair, et Malesherbe assis jambes croisées dans un profond fauteuil.
« Vous ne semblez pas vouer un culte immodéré aux impressionnistes, fit remarquer le jeune enseignant en parcourant à nouveau le salon du regard.
- Si, répondit son hôte, mais à petites doses et surtout dans des lieux appropriés. Ici rien ne convient, surtout pas la lumière. Je dois cependant confesser que je me lasse assez rapidement des nénuphars et des couchers de soleil de Monet, comme des guinguettes de Renoir et des ballerines de Degas. Entendons-nous bien, je ne me permettrais pas de cracher sur leur génie mais la relative monotonie de leurs sujets et cette forme de complaisance dans le fugace, la surface, ne m'émeuvent pas outre mesure. Surtout en regard des chef-d'oeuvres d'un Corot, par exemple. Ses paysages ont une telle force, une telle intensité, une telle vie, qu'à côté, même les jeux de lumière les plus délicieux de l'auteur des Nymphéas ne peuvent que me sembler cruellement anecdotiques. Les impressionnistes manquent de substance à mon goût, sauf rares exceptions. Vous devez sans doute penser que je suis bien obtus et réactionnaire pour proférer de telles critiques à l'encontre d'un mouvement qui marqua le début de la peinture moderne. Ne croyez cependant pas que je le méprise : j'émet quelques réserves sur son universalité et son intemporalité, tout simplement. L'Impression : soleil levant est une toile tout à fait admirable. Mais la délicatesse du coup de pinceau, la recherche d'un effet mosaïque, une palette de couleur lumineuse mais comme submergé par la brume ambiante, tout cela était destiné à capturer l'instant fugace et pour ma part, je préfère l'éternel à l'instant. C'est sans doute pour cela que j'ai une petite préférence pour ce maître incontesté de la lumière pommelée qui baigne ses toiles sensuelles et aguicheuses : Auguste Renoir. Le Déjeuner des canotiers est un hymne aux joies de la jeunesse et de l'été, à la facture frémissante et duveteuse, que j'apprécie particulièrement. Vous voyez, je suis incapable de condamner en bloc un mouvement si important de l'histoire de la peinture : je commence par vous expliquer pourquoi aucune copie de Monet ou de Pissaro ne décore mon salon, et je termine par faire l'éloge du Déjeuner de Renoir.
- En revanche, vous semblez apprécier Magritte, constata Fabergé en se tournant vers une reproduction de la Condition humaine, accrochée entre deux fenêtres.
- Et cette admiration m'est tout-à-fait inexplicable. Magritte est un peintre dénué d'à-peu près tout ce qui me fascine chez les autres : une technique aboutie et personnelle, des vertus esthétiques indiscutables, l'amour de la couleur... Sa technique est banale, sa palette grise. C'est son iconographie, je crois, qui me captive. Son sens aigu de l'absurde, son humour corrosif et son imagination débordante. « Magritte est un grand peintre, Magritte n'est pas un peintre », disait Scutenaire.
- Saviez-vous qu'à treize ans, Magritte a assisté au suicide de sa mère ?
- Non, j'ignorais qu'il était présent au moment où elle s'était jetée dans je ne sais plus quelle rivière.
- La Sambre, je crois mais peu importe. Cela a certainement dû le marquer profondément. Il n'est pas étonnant que certaines de ses toiles les plus réussies (à mon avis, celles de la période 1920-1930) jettent le spectateur dans un tel trouble.
- En effet. Mais nous parlons, nous parlons, et j'en oublie de vous proposer quelque chose à boire. Je dois avoir à peu près de tout, sauf de l'eau minérale. Whisky, gin, armagnac, cognac, rhum, brandy, calvados, cidre, vodka...? »
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Message  Pacô Lun 26 Oct 2009 - 23:09

MrSonge a écrit:L'impression qui avait saisi Fabergé dans le vestibule se renforça lorsqu'il pénétra au salon. Il s'immobilisa sur le seuil et fit des yeux le tour de la pièce, lumineuse et spacieuse. Plusieurs reproductions de toiles célèbres étaient suspendues aux murs : Magritte, Moreau, Claez (une nature morte magnifique), Gericault (une tête de cheval, vivante et presque humaine) et Rembrandt (un splendide portrait de sa vieille mère, toute ridée et recroquevillée). Etrangement, aucun impressionniste.
Les deux hommes prirent place autour d'une table basse en verre, Nicéphor Fabergé installé sur un canapé en tissu clair, et Malesherbe assis jambes croisées dans un profond fauteuil.
« Vous ne semblez pas vouer un culte immodéré aux impressionnistes, fit remarquer le jeune enseignant en parcourant à nouveau le salon du regard.
- Si, répondit son hôte, mais à petites doses et surtout dans des lieux appropriés. Ici rien ne convient, surtout pas la lumière. Je dois cependant confesser que je me lasse assez rapidement des nénuphars et des couchers de soleil de Monet, comme des guinguettes de Renoir et des ballerines de Degas. Entendons-nous bien, je ne me permettrais pas de cracher sur leur génie mais la relative monotonie de leurs sujets et cette forme de complaisance dans le fugace, la surface, ne m'émeuvent pas outre mesure. Surtout en regard des chef-d'oeuvres d'un Corot, par exemple. Ses paysages ont une telle force, une telle intensité, une telle vie, qu'à côté, même les jeux de lumière les plus délicieux de l'auteur des Nymphéas ne peuvent que me sembler cruellement anecdotiques. Les impressionnistes manquent de substance à mon goût, sauf rares exceptions. Vous devez sans doute penser que je suis bien obtus et réactionnaire pour proférer de telles critiques à l'encontre d'un mouvement qui marqua le début de la peinture moderne. Ne croyez cependant pas que je le méprise : j'émets quelques réserves sur son universalité et son intemporalité, tout simplement. L'Impression : soleil levant est une toile tout à fait admirable. Mais la délicatesse du coup de pinceau, la recherche d'un effet mosaïque, une palette de couleur lumineuse mais comme submergée par la brume ambiante, tout cela était destiné à capturer l'instant fugace et pour ma part, je préfère l'éternel à l'instant. C'est sans doute pour cela que j'ai une petite préférence pour ce maître incontesté de la lumière pommelée qui baigne ses toiles sensuelles et aguicheuses : Auguste Renoir. Le Déjeuner des canotiers est un hymne aux joies de la jeunesse et de l'été, à la facture frémissante et duveteuse, que j'apprécie particulièrement. Vous voyez, je suis incapable de condamner en bloc un mouvement si important de l'histoire de la peinture : je commence par vous expliquer pourquoi aucune copie de Monet ou de Pissaro ne décore mon salon, et je termine par faire l'éloge du Déjeuner de Renoir.
- En revanche, vous semblez apprécier Magritte, constata Fabergé en se tournant vers une reproduction de la Condition humaine, accrochée entre deux fenêtres. (youlah ... quel changement tranchant dans la conversation. On dirait que fabergé n'a rien eu à foutre de la petite tirade de son interlocuteur. Tu ne pourrais pas envisager une mini transition ? ^^)
- Et cette admiration m'est tout-à-fait inexplicable. Magritte est un peintre dénué d'à-peu près tout ce qui me fascine chez les autres : une technique aboutie et personnelle, des vertus esthétiques indiscutables, l'amour de la couleur... Sa technique est banale, sa palette grise. C'est son iconographie, je crois, qui me captive. Son sens aigu de l'absurde, son humour corrosif et son imagination débordante. « Magritte est un grand peintre, Magritte n'est pas un peintre », disait Scutenaire.
- Saviez-vous qu'à treize ans, Magritte a assisté au suicide de sa mère ?
- Non, j'ignorais qu'il était présent au moment où elle s'était jetée dans je ne sais plus quelle rivière.
- La Sambre, je crois mais peu importe. Cela a certainement dû le marquer profondément. Il n'est pas étonnant que certaines de ses toiles les plus réussies (à mon avis, celles de la période 1920-1930) jettent le spectateur dans un tel trouble.
- En effet. Mais nous parlons, nous parlons, et j'en oublie de vous proposer quelque chose à boire. Je dois avoir à peu près de tout, sauf de l'eau minérale. Whisky, gin, armagnac, cognac, rhum, brandy, calvados, cidre, vodka...? »
Et quelle discussion ! Smile

Oui, j'ai mis du temps à revenir, mais je suis revenu.
Une conversation bien bien intellectuelle ! J'avoue avoir appris pas mal de choses, moi qui suis plutôt pas très calé en peinture >_< .
Encore !!
Pacô
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Message  MrSonge Mar 27 Oct 2009 - 6:53

(youlah ... quel changement tranchant dans la conversation. On dirait que fabergé n'a rien eu à foutre de la petite tirade de son interlocuteur. Tu ne pourrais pas envisager une mini transition ? ^^)
Ah diantre, oui, tu as raison, je n'avais pas du tout remarqué, mais ça fait un peu le type "j'ai rien écouté du tout mais j'ai envie d'en placer une". Je crois que je vais rajouter, en effet, une ou deux petites répliques juste avant pour amener celle-là... Razz

Nicéphor Fabergé opta pour un whisky, tandis que son hôte se versait un gin. Une fois les verres pleins, Malesherbe tendit le sien à son visiteur avant de se diriger vers une chaîne stéréophonique fine comme une ardoise.
« La musique ne vous dérange pas ? demanda-t-il.
- Pas du tout, tant qu'elle est bonne, mais je vous fait confiance.
- J'en suis flatté. Préférez-vous Brahms ou Tchaikovsky ?
- Brahms, répondit Fabergé sans hésiter.
- Excellent. »
Le professeur de philosophie glissa un CD dans l'appareil. Les sombres et puissants premiers accords de la Première Symphonie de Brahms se répandirent dans la pièce, scandés par des coups de timbales réguliers.
« Quelle version est-ce ? s'enquit le jeune enseignant.
- Celle de Furtwängler. Je n'ai plus la date de l'enregistrement en tête mais il est remarquable. »
Ils se turent quelques instants, jusqu'à ce que la profondeur solennelle du mouvement face place à une violence intense mais de courte durée. Baissant imperceptiblement le volume sonore, Malesherbe reprit :
« Quand je vous ai demandé si vous préfériez Tchaikovsky, vous n'avez pas hésité un seul instant. Dois-je en déduire que vous n'appréciez pas le plus parisien de tous les compositeurs russes ?
- Ma foi, j'avoue être incapable de me résoudre à dire que j'aime Tchaikovsky. Sa musique et si peu constante ! A côté d'œuvres bien menées, géniales du point de vue de l'inspiration, il en est d'autres qui frôlent tout simplement la vulgarité. Dans le fond, je pense que, Tchaikovsky était doté d'une personnalité somme toute assez ordinaire, mais pourvue de dons immenses pour la musique. Le pauvre homme n'a jamais réussi à assumer, ni à véritablement transcender son drame humain - à de rares exceptions près. Le fatum, thème qu'il pétrit tout au long de son œuvre avec plus ou moins de complaisance et de succès, est rétréci à la mesure de son esprit - si j'ose dire - moyen, dont le malheur ne peut être que matériel et tangible. Pas de grandes aspirations vers un humanisme supérieur chez lui, qui me semble plus enclin à la recherche d'un bonheur bourgeois confortable. La conséquence en est que ses œuvres restent pour moi au niveau de la description de ses remous psychologiques. Angoisse facile alimentée par une hypersensibilité incorrigible, complaisance dans le malheur, névrose, introversion, trop souvent pleurnicherie, voilà tout ce qui me rebute parfois chez un compositeur que, pourtant, malgré mes réserves, je ne peux pas me résoudre à condamner en bloc. Manfred me tire des larmes, son Concerto pour piano en si bémol mineur aussi, ainsi que certains passages du Lac des Cygnes. Si la sincérité était en art le critère suprême, je suis persuadé qu'il faudrait compter un nombre démentiel de pages de Tchaikovsky parmi les plus grands chef-d'œuvre de la musique. Peut-être plus pour la confession publique et pantelante que l'on y lit plutôt que pour leur contenu de pensées : Piotr Illitch était sans doute incapable d'élévation intellectuelle ou spirituelle. Lorsque je me suis rendu compte que la Pathétique a été écrite à peu près en même temps que les premières symphonies de Mahler et Till Eulenspiegel de Strauss, j'ai mesuré la distance qu'il y avait entre le talent de ce russe conservateur et sentimental, et le génie pur des grands novateurs de son époque.
- Pourtant, fit remarquer Malesherbe, Brahms non plus n'était pas un révolutionnaire de la musique.
- En effet, mais le classicisme de Brahms se situe au niveau de la forme uniquement. Il est, nous sommes bien d'accord, le seul musicien germanique de renom à ne pas être un créateur de forme, mais chez lui, la rhétorique musicale du romantisme allemand est parfaitement assimilée, presque naturelle. Tchaikovsky, lui, lorsqu'il se fond dans le moule occidental, s'approprie mal des formes étrangères à sa culture, et sans doute à sa personnalité. Il avouait lui-même son «inaptitude à s'assimiler les formes musicales et à les manier correctement». Cela, peut-être, aurait pu lui servir s'il avait l'esprit d'un novateur mais personne n'était plus éloigné que lui d'un homme comme Moussorgski. Brahms manifeste une étonnante liberté rythmique, un langage personnel maintenu à un haut niveau d'inspiration et, en de nombreux endroits, une hardiesse tonale qu'Arnold Schoenberg, je crois, fut le premier à souligner et que n'eût sans doute pas désavouée, s'il avait été de bonne foi, le grand Wagner. Alors qu'en harmonie, Tchaikovsky est d'un académisme absolu et, s'il lui arrive parfois de se laisser aller à quelques rythmiques libres et débridées, il ne parvient pas toujours à masquer dans ses symphonies un style un peu trop relâché.
- Vous êtes cruel avec ce pauvre Piotr, remarqua son hôte.
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